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Compatibilité Entre Libéralisme Et Religion


glouglou

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Bonjour à tous, j'ai réfléchi à cette question après avoir fini le Traité du désespoir de Kierkegaard. En fait, je vous l'avoue, j'ai déjà posté le texte qui suit et qui fait office de question sur le forum de liberté chérie (je ne me fatigue pas). Toutes vos réponses m'intéressent. J'essaiera de préciser plus tard comment j'entends le problème:

Le libéralisme définit une éthique fondée sur la liberté et le respect des droits naturels de chacun. L'éthique libérale peut être qualifiée de païenne, en ce qu'elle donne les règles à suivre qui permettent à tous d'agir de façon juste, sans qu'il soit nécessaire de faire référence à quelque dogme religieux, ce qui n'était pas une évidence avant la constitution de la société civile. Au moyen âge, c'est-à-dire à l'époque où les Etats-Nations n'étaient pas constitués et où la seule justice appliquée était celle du seigneur local, l'Eglise a joué un rôle régulateur en définissant les péchés, qui constituent les limites de ce qui est acceptable devant Dieu mais surtout dans le cadre des relations humaines. La crainte du jugement dernier a longtemps permis de freiner les ardeurs de la société toute entière, qu'il s'agisse du paysan ou du roi. Dès lors qu'une théorie du droit est apparue, on peut se demander si cette dernière s'est posée comme concurrente du dogme religieux, complémentaire, ou même si l'ancien corpus de règles est devenu désuet. Vous pouvez en effet écouter les athées argumenter qu'ils n'ont pas besoin d'une définition du péché pour distinger le bien du mal.

Or, si une société arrive à s'autoréguler, à faire régner la justice et la prospérité de façon autonome, elle gagne son indépendance vis à vis du pouvoir religieux. Les craintes de l'enfer et les visions du paradis se dissipent. Deux conceptions sont alors possibles: ou bien considérer que Dieu attend de l'homme qu'il se construise et se donne le progrès comme règle jusqu'au jour où il sera jugé digne d'entrer au Paradis (une fin du monde heureuse en somme), la vie sur Terre n'étant qu'un purgatoire, ou bien considérer que lorsque les hommes définissent eux-mêmes leurs propres règles pour bien vivre ensemble, ils se rendent coupables du péché d'orgueil, puisque le but inavoué est de se passer de Dieu afin de recréer un paradis sur Terre.

Si l'on y regarde de plus près, le libéralisme pose comme axiome que les valeurs se mesurent par rapport à l'homme. Au temps de la Grèce antique, on déclarait que "l'homme est la mesure de toutes choses". L'homme est la seule référence du point de vue du droit, ce qui implique notamment un rapport particulier vis-à-vis de la nature (cf. la manière dont les libéraux conçoivent le problème de l'environnement). Le libéralisme est un humanisme, mais en se donnant comme mesure l'homme, n'existe-t-il pas un risque pour les chrétiens s'ils épousent les valeurs du libéralisme de se tromper de mesure, ie. de s'éloigner de Dieu? Comment les chrétiens parviennent-ils à maintenir une distance avec le monde dans lequel ils vivent? Comment concilier libéralisme et religion, pas seulement d'ailleurs dans la perspective de la religion chrétienne?

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Comment concilier libéralisme et religion, pas seulement d'ailleurs dans la perspective de la religion chrétienne?

Le terme trop souvent utilisé - mais parfois utile - de "pouvoir spirituel" pour décrire le pouvoir religieux est en fait un amalgame très malheureux pour décrire l'intervention des religieux dans différents domaines :

- l'explication des phénomènes naturels inexpliqués (ce qui rassure)

- la morale religieuse, fondée sur des dogmes souvent "révélés"

- l'ensemble du corpus idéologique mystique

Les lumières ont plus ou moins règlé leur compte au premier : L'homme est parent du singe, il maîtrise de plus en plus la nature, la Terre est ronde, l'univers est de mieux en mieux connu. Bien entendu, la science n'est pas encore parvenue à expliquer l'ensemble des phénomènes, mais pour l'essentiel (les problématiques de la vie de tous les jours) son autorité n'est plus discutée.

Dans le domaine de la morale, ou de l'éthique, l'autorité religieuse désire faire et fait encore souvent autorité. Certains athés disent néanmoins appliquer une morale laïque, fondée sur une réflexion scientifique, pour l'essentiel proche de la morale chrétienne d'ailleurs. Cependant, il est clair qu'il y a des incompatibiltés entre certains aspects de l'éthique libérale et certaines lectures des dogmes chrétiens.

Reste le corpus mystique, dont on ne peut espérer qu'il trouvera une réponse par la science : voilà le domaine ultime de la religion. On pourrait dire qu'il répond à 4 questions :

D'où vient l'homme ?

Où va l'homme ?

Quelle est l'origine de l'univers ?

Où va l'univers ?

… ces questions sont en fait réduites à une seule par les religions monothéistes : Qu'est-ce que Dieu ?

Ces quatre questions sont "angoissantes" … et pour - une fois - citer Sarkozy :

Le besoin de religion est une composante majeure de l'identité humaine. L'ignorer c'est nier ce qui fait le propre de la condition tragique de l'homme qui ne sait pas d'où il vient ni où il va.

Tant que les réponses données aux croyants dans ce domaine ne sont pas en désaccord avec l'éthique libérale, la pratique de la religion est conciliable avec le libéralisme si on considère la société dans son ensemble. On peut néanmoins se demander si l'angoisse individuelle, qui pousse à chercher une réponse à ces questions n'est pas en soi un comportement asservissant (c'est du moins ce qu'Ayn Rand dirait il me semble).

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Euh, histoire d'être clair, le post ci-dessus n'est pas une provocation, il n'est pas clair, je précise donc:

- libéralisme et religion ont autant de rapport que libéralisme et couture. Qu'il y ait plus de gens qui mélangent libéralisme et religion, par rapport à libéralisme et couture est bien sûr une évidence, mais qui, en soi, ne justifie pas la discussion. En clair, quand on me parle de ça, je refuse la question, les prémisses ne me plaisent pas.

- ce genre de discussions dévie en général vers: les méfaits de l'Eglise Catholique, parfois quand on est en forme, vers les digressions autour de Max Weber, et très souvent, on arrive à parler de ZE sujet chaud du moment, l'islamisme.

Je mets donc en garde tout un chacun contre ces dérives qu'un vétéran de ce forum comme moi a déjà vu moultes, moultes, moultes fois.

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Euh, histoire d'être clair, le post ci-dessus n'est pas une provocation, il n'est pas clair, je précise donc:

- libéralisme et religion ont autant de rapport que libéralisme et couture. Qu'il y ait plus de gens qui mélangent libéralisme et religion, par rapport à libéralisme et couture est bien sûr une évidence, mais qui, en soi, ne justifie pas la discussion. En clair, quand on me parle de ça, je refuse la question, les prémisses ne me plaisent pas.

- ce genre de discussions dévie en général vers: les méfaits de l'Eglise Catholique, parfois quand on est en forme, vers les digressions autour de Max Weber, et très souvent, on arrive à parler de ZE sujet chaud du moment, l'islamisme.

Je mets donc en garde tout un chacun contre ces dérives qu'un vétéran de ce forum comme moi a déjà vu moultes, moultes, moultes fois.

Et le sujet a déjà été exploré ici.

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En général, partant d'une religion donnée, on peut justifier n'importe quelle position politique.

Je prends au hasard le bouddhisme que je connais un peu.

* Alexandra David-Néel dans un de ses livres s'en sert pour justifier le socialisme, comme la seule position conforme au bouddhisme (hérésie !).

* Julius Evola, auteur d'extrême-droite, bon praticien et connaisseur du bouddhisme, en tire une doctrine guerrière qui justifie son fascisme.

* Et moi et moi et moi… je pourrais montrer facilement que le libéralisme est contenu dans le bouddhisme, qui présente les mêmes caractéristiques (individualisme, non-agression).

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Invité khano-et-khayek

D'après cet auteur, un chrétien ne peut qu'être libéral… (ce n'est pas forcément réversible)

Présentation de l'éditeur

" La seule forme de pensée économique qui soit conforme aux Évangiles, c'est le libéralisme ! " Sur cette conviction forte et politiquement incorrecte, Charles Gave nous livre un pamphlet où il analyse le texte des Évangiles en économiste qui a fait du libéralisme son credo. " Venons-en à l'essentiel, c'est-à-dire à la question que nous posons, et qui est la suivante : si les Évangiles sont le fondement même de notre civilisation, si vraiment ils sont de tous temps et de tous les lieux, alors ils doivent avoir quelque chose à nous dire aujourd'hui sur ce qui est moral en économie ! Ils ont peut-être été trop lus et commentés par des religieux, des moralistes, des philosophes et pas assez parties économistes, et des financiers ", affirme Charles Gave. Écrit avec fougue et mordant, Un libéral nommé Jésus n'est ni un livre de théologie ni même un livre religieux. C'est l'essai d'un économiste qui croit que l'honneur du libéralisme a toujours été de protéger les libertés civiques et économiques contre l'empiètement constant du pouvoir politique.

Par l'auteur de Des lions menés par des ânes [EDIT: oups, avions pas vu le fil de jabial]

Mais comme Dilbert nous pensons que les interprétations des textes peuvent incliner à n'importe quelle orientation politique…

Ce bouquin nous parle plutôt des convergences alter / religion:

[Lus ni l'un ni l'autre]

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Si on présente bien la chose, en effet, on pourrait montrer que l'islam, notamment est une religion d'essence libérale. Je crois que certains travaux de Dean Ahmad, cité par Ronnie jadis (je crois), vont dans ce sens. Il est à noter que, de même que pour Charles Gave, cela représente une part infime de ses travaux, du moins je l'espère.

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Il y a une erreur de raisonnement ici :

Or, si une société arrive à s'autoréguler, à faire régner la justice et la prospérité de façon autonome, elle gagne son indépendance vis à vis du pouvoir religieux. Les craintes de l'enfer et les visions du paradis se dissipent.

Puisque du point de vue du croyant, les notions religieuses du bien, du mal et les sanctions divines, n'ont pas été créées dans le but de réguler une société. Mais sont là, et tant mieux (ou tant pis) si elles ont régulé la société à un moment donné. Donc -du point de vue du croyant- il n'y a aucune raison pour que ces croyances se dissipent.

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Invité jabial

Mmh Chitah, pas d'accord.

Les couturiers ne donnent pas de mots d'ordres politiques et moraux à leurs clients.

La religion a nécessairement un rapport avec la politique dans la mesure où elle s'inscrit aussi dans une normative, et participe du débat moral.

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Reste le corpus mystique, dont on ne peut espérer qu'il trouvera une réponse par la science : voilà le domaine ultime de la religion. On pourrait dire qu'il répond à 4 questions :

D'où vient l'homme ?

Où va l'homme ?

Quelle est l'origine de l'univers ?

Où va l'univers ?

… ces questions sont en fait réduites à une seule par les religions monothéistes : Qu'est-ce que Dieu ?

Ces questions peuvent être déclinées sur un plan scientifique, ou métaphysique, mais elles n'ont rien à voir avec la mystique.

La mystique, c'est l'expérience par laquelle l'homme communique directement avec Dieu.

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Ces questions peuvent être déclinées sur un plan scientifique, ou métaphysique, mais elles n'ont rien à voir avec la mystique.

La mystique, c'est l'expérience par laquelle l'homme communique directement avec Dieu.

Sans pinailler sur les mots, je prends la définition du TLFi pour le mot "mystique" :

Dans les domaines de la relig., de la philos. Relatif au mystère, à une croyance surnaturelle, sans support rationnel"

Ce que j'appelle métaphysique inclue toutes les questions auxquelles la science n'a pas encore apportée de réponse. Le"corpus mystique", c'est, dans le domaine métaphysique, le sous-ensemble des questions que l'on place habituellement hors du domaine scientifique et dont les réponses font appel à la foi pour "convaincre".

Bien entendu, on peut toujours argumenter que ces quatre questions ont aussi une réponse scientifique…

Je voulais préciser que bien souvent, la métaphysique sort de son champ de compétence, qui à proprement parler est ce "corpus mystique". Chaque fois qu'une croyance entre en opposition avec la science, de fait, la métaphysique est sorti de son champ.

Ces questions peuvent être déclinées sur un plan scientifique, ou métaphysique, mais elles n'ont rien à voir avec la mystique.

Je ne crois pas qu'il s'agisse des mêmes questions, qu'elles soient considérées du point de vue scientifique ou métaphysique/mystique. Par exemple :

"D'où vient l'homme",

Pour un scientifique, la question implique de partir du temps présent, et signifie "Comment l'homme est-il apparu sur Terre ?" La réponse sera "par un processus évolutif".

Pour un mystique, la question implique un principe créateur et signifie "Pourquoi l'homme est-il apparu sur Terre ?" La réponse est plutôt "parce que Dieu le veut".

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Sans pinailler sur les mots, je prends la définition du TLFi pour le mot "mystique" :

Je ne crois pas qu'il s'agisse des mêmes questions, qu'elles soient considérées du point de vue scientifique ou métaphysique/mystique. Par exemple :

"D'où vient l'homme",

Pour un scientifique, la question implique de partir du temps présent, et signifie "Comment l'homme est-il apparu sur Terre ?" La réponse sera "par un processus évolutif".

Pour un mystique, la question implique un principe créateur et signifie "Pourquoi l'homme est-il apparu sur Terre ?" La réponse est plutôt "parce que Dieu le veut".

Je suis las, las…

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Pour clore le débat, la définition du 9è dictionnaire de l'Académie, référence ultime de la langue :

MYSTIQUE adj. et n. XIVe siècle. Emprunté, par l'intermédiaire du latin mysticus, du grec mustikos, « qui concerne les mystères ».

N.  1. Personne qui tend à l'union immédiate avec Dieu, dont la vie spirituelle est marquée par le mysticisme. Les mystiques chrétiens. Les grands mystiques espagnols. Al-Halladj fut un des grands mystiques de l'islam. Vrais, faux mystiques. Fig. Un mystique sans Dieu, un être qui est animé, pour un idéal, d'un sentiment passionné analogue au sentiment religieux.  2. N. f. L'ensemble des pratiques, des itinéraires conduisant à l'union immédiate de l'âme avec Dieu ; l'ensemble des connaissances relatives aux diverses formes de cette union. Étudier la mystique. Se dit notamment des pratiques, des textes propres à une époque, à un courant religieux, à une école de spiritualité. La mystique médiévale. La mystique bénédictine.  3. N. f. Fig. Foi inconditionnelle que l'on place en quelque idéal ; système d'affirmations qui met un objet au-dessus de toute considération rationnelle, qui lui attribue une sorte de vertu magique. La mystique révolutionnaire. La mystique du progrès.

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