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Faut-il des mots pour penser ?


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Sujet intéressant qui suit le début d'échange ci-dessous:

pierreyves

https://www.liberaux.org/index.php?showtopi…st&p=609446

Remarque préliminaire: on peut très bien penser sans les mots (manipuler directement les concepts).

Rincevent

https://www.liberaux.org/index.php?showtopi…st&p=609510

Développe, tu m'intéresses…

ЄutΞrpЭ

https://www.liberaux.org/index.php?showtopi…st&p=609535

1.Peux-tu nous donner des exemples te permettant d'affirmer qu'on peut penser sans les mots, ce qui me paraît impossible ? Même le silence n'est pas l'absence de langage, c'est aussi un langage intérieur. De plus, pour dire qu'on peut penser sans les mots, tu utilises le langage, dont je ne vois pas bien comment on pourrait "sortir".

Et quid de penseurs aussi différents que Platon (le Théétète - début du dialogue), Maine de Biran, Hegel (Phénoménologie de l'esprit - l'introduction), Merleau-Ponty (La prose du monde, Signes, Phénoménologie de la perception), Ortega y Gasset (Idées et Croyances), Yves Bonnefoy (L'Improbable et autres essais ; La Vérité de parole) qui ont écrit des classiques sur l'articulation du langage et de la pensée ? Quid des fondamentaux de la linguistique, notamment de la diachronie ? Quid de la multiplicité géographique des langues ?

Je n'ai pas réfléchi des heures à la question, ma remarque était en réaction à de nombreuses interventions que j'ai entendu d'ici et de là.

Pour moi le langage n'intervient que pour communiquer avec autrui. Il n'est pas nécessaire de nommer les choses pour former un concept et donc on peut penser sans utiliser le langage ou les mots.

Un exemple: je passe devant une mère chatte avec 2 petits … et un peu plus loin j'en vois un troisième qui cours dans la direction. J'ai pas besoin de mots pour penser qu'ils vont ensemble. Et si le chaton est au fond d'un trou avec une chatte (et deux chatons) qui se demande bien ce qu'elle va faire, j'ai pas besoin qu'elle me le dise pour saisir la situation.

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Pour moi le langage n'intervient que pour communiquer avec autrui. Il n'est pas nécessaire de nommer les choses pour former un concept et donc on peut penser sans utiliser le langage ou les mots.

Même si c'est en effet une question passionnante, j'ai peur que ça dérive sur Wittgenstein, Jakobson et Lacan… et je ne vais encore rien comprendre. :icon_up:

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Réponse un peu plus précise à ЄutΞrpЭ:

1.Peux-tu nous donner des exemples te permettant d'affirmer qu'on peut penser sans les mots, ce qui me paraît impossible ? Même le silence n'est pas l'absence de langage, c'est aussi un langage intérieur. De plus, pour dire qu'on peut penser sans les mots, tu utilises le langage, dont je ne vois pas bien comment on pourrait "sortir".

J'utilise le langage non pas pour penser, mais pour communiquer avec autrui (là je n'ai pas le choix).

Il me semble tout à fait possible de se taire (j'imagine que c'est à celà que tu fais référence par "silence") sans langage intérieur.

Et quid de penseurs aussi différents que Platon (le Théétète - début du dialogue), Maine de Biran, Hegel (Phénoménologie de l'esprit - l'introduction), Merleau-Ponty (La prose du monde, Signes, Phénoménologie de la perception), Ortega y Gasset (Idées et Croyances), Yves Bonnefoy (L'Improbable et autres essais ; La Vérité de parole) qui ont écrit des classiques sur l'articulation du langage et de la pensée ?

C'est assez un mystère pour moi, pourquoi autant de personnes considèrent que le langage indispensable à la pensée. Bien sûr il y a des liens, mais il me semble évident qu'on peut penser sans langage. Cela tient sans doute à la façon de penser (l'épistémologie) de chacun.

Je forme mes concepts par intégration ("synthèse", "induction" selon les sens qu'on veut bien donner à ces mots) d'informations reçues via mon système nerveux, ou "mes sens". Le plus souvent ce qui existe dans le monde réel a déjà été nommé, je peux donc utiliser le langage pour en parler, mais à ce moment là, j'ai déjà pensé.

Quid des fondamentaux de la linguistique, notamment de la diachronie ?

Le langage est un outils, ou plutôt une institution, et il évolue dans le temps (pour le meilleur ou pour le pire).

Quid de la multiplicité géographique des langues ?

Ca c'est assez facile: on peut utiliser a priori n'importe quel symbole pour signaler à autrui (communiquer) un concept particulier.

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Même si c'est en effet une question passionnante, j'ai peur que ça dérive sur Wittgenstein, Jakobson et Lacan… et je ne vais encore rien comprendre. :icon_up:

nos amis les poètes :doigt:

A mon avis, on trouvera peu ou pas de philosophes occidentaux qui soutiendront l'idée de penser sans les mots.

Par contre, en Asie…

Je ne m'y connais pas trop pour l'Asie mais je ne serais pas surpris … en revanche je pense -sans en être 100% certain- que Rand était du même avis (Introduction to objectivist epistemology):

Concepts and, therefore, language are primarily a tool of cognition—not of communication, as is usually assumed. Communication is merely the consequence, not the cause nor the primary purpose of concept-formation—a crucial consequence, of invaluable importance to men, but still only a consequence. Cognition precedes communication ; the necessary pre-condition of communication is that one have something to communicate.
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ça c'est le premier palier de la conceptualisation : l'association (mettons cela avec la comparaison/différenciation), donc niveau école maternelle petite section/moyenne section. Peux-tu donner un exemple non pré-verbal, ou pas strictement "logique" ?

Y inclus-tu les réflexes innés et acquis ?

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On peut penser sans les mots, un bebe est capable de penser.

Seulement il y a certaines idees qui necessite un language pour les former. Et chaque language est capable de former des idees differentes: on ne forme pas les meme idees en francais, en chinois ou en language mathematique.

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Bonsoir pierreyves,

D'accord, j'accepte cet exemple. Mais tu prends peu de risques, ça c'est le premier palier de la conceptualisation : l'association (mettons cela avec la comparaison/différenciation), donc niveau école maternelle petite section/moyenne section. Peux-tu donner un exemple non pré-verbal, ou pas strictement "logique" ?

Bonsoir ЄutΞrpЭ,

Je ne pense pas non plus qu'il soit inutile d'utiliser les mots pour penser. Il est "possible" de penser sans langage, sans doute d'abord et peut être seulement sur des exemples "pré-verbaux" comme celui-ci. Rand avait développé toute une théorie là-dessus, mais qui me semble fumeuse (http://aynrandlexicon.com/lexicon/language.html )

L'important c'est de savoir qu'il faut penser avant d'avoir le langage, et que les deux sont indépendants (cela evite de se retrouver "perdu dans ses pensées", à force d'utiliser des mots sans relation avec le réel).

PS : aurais-tu la gentillesse de me donner quelques références bibliographiques accessibles au profane pour bohr-einstein^^ ? merci

Ce que je connais de plus abordable est dans les deux liens en haut du fil en question, je n'ai pas mieux :\

https://www.liberaux.org/index.php?showtopic=43643&st=0

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pierreyves,

*intuitivement, je dirais que ton mode de fonctionnement est intuitif. Qu'en penses-tu ?

*précision : je ne nie pas que certaines formes de pensée soient paraverbales.

*le langage n'est pas la communication, attention ! il s'en distingue par une polysémie irréductible. De plus, ne confonds pas signes et signaux. Un signal ne renvoie qu'à un signifié (cf. la signalétique, les codes du type code de la route, etc.). Tandis que les signes (visuels ou autres) ont au moins deux signifiés. Donc, même quand tu dis quelque chose de simple ou de banal, ton propos est susceptible de quiproquos. Bref, le malentendu est inhérent au langage.

J'utilise surtout l'induction et la logique.

*enfin, le langage est par excellence ce qui réalise la pensée : il l'effectue, il la rend réelle, communicable - que faisons-nous sur ce forum ?

Non, la pensée existe indépendamment du langage. Sur ce forum, nous communiquons (chacun pense de son côté).

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Invité jabial

Le langage n'est pas qu'un transmetteur puisqu'il permet d'organiser sa pensée. Je ne sais pas, en outre, s'il est possible ou non d'introduire l'abstraction sans langage. Par contre, la pensée concrète préexiste clairement à celui-ci.

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Bonsoir pierreyves,

D'accord, j'accepte cet exemple. Mais tu prends peu de risques, ça c'est le premier palier de la conceptualisation : l'association (mettons cela avec la comparaison/différenciation), donc niveau école maternelle petite section/moyenne section. Peux-tu donner un exemple non pré-verbal, ou pas strictement "logique" ?

PS : aurais-tu la gentillesse de me donner quelques références bibliographiques accessibles au profane pour bohr-einstein^^ ? merci

Résout un problème d'échec. Il y a pensée, mais elle ne se traduit pas en mot.

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Remarque intéressante - même si je ne suis pas d'accord. Essayons d'exploiter ce que tu dis : en gros, tu considères, à raison, que toute notre pensée n'est pas dans ce qu'on dit quand on communique. Mais tu en mobilises quand même une partie (!) pour communiquer d'un sujet X ou Y. Le langage n'est pas qu'un transmetteur (cf. toutes les recherches d'Umberto Eco).

Mais, surtout, quand tu fais cette remarque, je pense à Fellini, parce qu'en fait, quand tu me dis ça (et avec la manière dont tu le dis), c'est comme si tu me disais qu'on ne peut pas communiquer, qu'il y a une incommunicabilité fondamentale entre les personnes. C'est Fellini. Tu as vu quelques-uns de ses films ?

Quand on parle de quelquechose avec quelqu'un, on parle le plus souvent d'une tierce chose.

La façon dont je perçois le monde m'est propre. Et quand je discute d'un problème plus complexe, des différences de conceptualisation, de perception (voire existentielles) peuvent rendre la discussion difficile.

Même un artiste, expert en communication, comme un musicien chevronné, ne peut qu'espérer que les autres personnes comprennent sa mélodie comme il la conçoit.

Maintenant un certain nombre d'éléments communs (au sens de 'qu'on rencontre souvent dans la réalité'), sont bien conceptualisés par tout le monde.

J'ai vu quelques Fellini il y a longtemps, mais je ne me souviens pas particulièrement de ce thème (ni d'avoir été exalté, mais il y a vraiment longtemp

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Je ne sais pas, en outre, s'il est possible ou non d'introduire l'abstraction sans langage.

Je pense que si. Si je regarde 2 rectangles différents (ou que je me les représente de mémoire), il me semble bien pouvoir identifier l'hypothénuse (sans jamais avoir besoin de nommer "rectangle" ou "hypothénuse").

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Je n’interprète pas de la même manière que toi l’idée que l’on ne pourrait pas penser sans langage. Je peux concevoir à priori l’idée d’une pensée abstraite sans langage (que ce soit réaliste empiriquement ou non, à vrai dire, je n’ai pas d’avis tranché là dessus). Mais on peut toutefois raisonnablement penser que :

* la pensée abstraite repose sur des concepts

* plus on possède de concepts abstraits, plus notre pensée et riche

* notre « bibliothèque de concepts » influe sur notre pensée (il suffit de voir, par exemple, que la modélisation mathématique de certains problèmes physiques a changée avec le temps et les nouveaux outils mathématiques)

* la « société », à travers le langage, est notre plus grand fournisseur de concepts — fournisseur, on peut le penser, quasi-exclusif en pratique

À partir de ces trois points, deux conclusions :

* sans langage, tu pourrais difficilement t’élever sensiblement au-dessus des capacités de raisonnement du nouveau-né

* ton langage, en tant qu’acquis culturel, influe sur ta pensée

Disons que c’est ce que j’ai compris de cette thèse, en discutant un peu avec un Japonais féru de philosophie européenne :icon_up:. Et comme la métaphysique et moi, on est pas vraiment comme larrons en foire…

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Cela fait pour moi plus de 40 ans que je me débat avec cette difficulté, à savoir avoir un mode de réflexion "non verbal"

Entre la situation initiale(formulation du problème) et la "révélation" finale, l'Euréka=j'ai fini de trouver,

je suis incapable de m'expliquer, de justifier un quelconque raisonnement "logique"

Justifier mes "intuitions" représentent parfois des efforts éprouvants….

je m'améliore au fil du temps, parfois je peux expliquer, rendre compréhensible, parfois pas….

Ce n'est pas un hasard que je sois bouddhiste et mariée avec un acupuncteur,…" pensée orientale"?

je recherche un entourage proche capable de me faire confiance….et d'accepter de "voir venir" de de comprendre à posteriori…

C'est parfois un véritable handicap: j'ai renoncé a être institutrice…je rentre dans une classe, et hop,au bout de quelques heures….

La petite biche, au deuxième rang, elle doit avoir un gentil papa qui la tripote bien…je ne me suis jamais trompée …"t'est là pour lui apprendre à lire"….mais….je sais qu'elle n'est pas en "situation"d apprendre à lire….et pourquoi….

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Invité jabial
Je pense que si. Si je regarde 2 rectangles différents (ou que je me les représente de mémoire), il me semble bien pouvoir identifier l'hypothénuse (sans jamais avoir besoin de nommer "rectangle" ou "hypothénuse").

Oui mais ce que tu identifies c'est pas une hypoténuse c'est une forme. Ce n'est pas si abstrait que ça, ça renvoie à une perception visuelle.

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Tel que je conçois le mot, c'est à la fois un outil de communication et de pensée parmi d'autres.

De même qu'il a bien fallu que le concept préexiste au mot qui l'a désigné, il a bien fallu que les hommes puissent se communiquer le lexique par des médias préexistants (je pense notamment aux signes visuels)

Par contre, si pensée et communication peuvent exister sans mot, celui-ci permet de les élever à un niveau de sophistication bien supérieur.

En somme le mot est à la communication et à la pensée ce que la roue est au transport et à la production.

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On peut penser sans les mots, un bebe est capable de penser.

Seulement il y a certaines idees qui necessite un language pour les former. Et chaque language est capable de former des idees differentes: on ne forme pas les meme idees en francais, en chinois ou en language mathematique.

Bonsoir,

J'imagine que vous connaissez l'hypothèse (contestée) Sapir-Whorf ? http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypoth%C3%A8se_Sapir-Whorf

Bien à vous.

EDIT : Sous la rubrique "Liens externes" de l'article Wikipédia, vous trouverez un article en format pdf fort intéressant…

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Par contre, si pensée et communication peuvent exister sans mot, celui-ci permet de les élever à un niveau de sophistication bien supérieur.

Bonsoir,

Je suis d'accord. Aux échecs, par exemple, si je suis certes capable d'appréhender une position sans l'usage de mots, ceux-ci me sont quand même bien utiles pour appuyer ma réflexion (je formule mentalement quelque chose du genre : "Voyons, si je prends le cheval en c3 avec ma dame, alors mon adversaire pourra faire échec en d1 avec son fou etc.").

Bien à vous.

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Il y a une raison fondamentale qui me pousse à croire que non seulement nous n'avons pas besoin de mots pour penser mais que ne penser qu'avec des mots est réducteur. Il s'agit des raisonnements autour de la complétude/ non complétude en logique.

Pour faire bref : un système est complet si tout ce qui est vrai est prouvable (et une preuve est une suite de mots), or on sait depuis les années 30 que dès qu'un système est suffisamment perfectionné (il suffit de pouvoir multiplier et additionner en gros) il est soit incomplet (donc des choses vraies ne sont pas prouvables) soit inconsistant (tout est vrai dans ce système). Pourtant on a une vision très claire que certains trucs sont vrais, et comme pour certains trucs justement ce n'est pas prouvable c'est que nécessairement notre pensée que ce truc est vrai n'est pas d'ordre "verbal".

En fait croire que l'on ne peut pas penser sans les mots rejoint la question de savoir si notre esprit est simulable par un ordinateur ou pas. Il me semble que si l'on ne peut pas penser sans les mots cette simulation est très probable. Personnellement je ne pense pas que ce soit le cas et donc par l'absurde cela montre que l'on peut penser sans les mots. Bon c'est un peu plus qu'une pétition de principe (notamment parce que l'ordinateur a été inventé précisément en lien avec l'indécidabilité dont je parle dans mon paragraphe précédent) et ça dévie un peu de la question d'origine.

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Ma thèse est simple : les idées ne sont pas des réalités en soi, elles ne peuvent être des entités séparées. A partir de là elles n'ont pas d'existence en dehors des mots qu'on utilise pour les caractériser. Ergo, le langage précède la pensée et il informe notre connaissance de l'expérience.

Autrement dit la limite de ma pensée, c'est mon langage, qui informe et actualise ma pensée.

Comme dit la Bible "au commencement était le verbe". C'est pourquoi les régimes totalitaires tentent de réformer le langage pour contrôler la pensée.

Penser dans une langue naturelle suppose de s'approprier les conventions et les jeux de langages spécifiques à cette langue. Aucune langue n'est exactement traduisible par une autre, elle repose sur des propres et des différences génériques.

Corrélation : les grammairiens sont les premiers législateurs.

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Ma thèse est simple : les idées ne sont pas des réalités en soi, elles ne peuvent être des entités séparées. A partir de là elle n'ont pas d'existence en dehors des mots qu'on utilise pour les caractériser. Ergo, le langage précède la pensée et il informe notre connaissance de l'expérience.

Autrement dit la limite de ma pensée, c'est mon langage, qui informe et actualise ma pensée.

Comme dit la Bible "au commencement était le verbe". C'est pourquoi les régimes totalitaires tentent de réformer le langage pour contrôler la pensée.

Penser dans une langue naturelle suppose de s'approprier les conventions et les jeux de langages spécifiques à cette langue. Aucune langue n'est exactement traduisible par une autre, elle repose sur des propres et des différences génériques.

Corrélation : les grammairiens sont les premiers législateurs.

Ta thèse est un mélange (ce n'est pas péjoratif) de Wittgenstein ("la limite de ma pensée, c'est mon langage") et de Nietzsche ("les grammairiens sont les premiers législateurs") ?

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Ma thèse est simple : les idées ne sont pas des réalités en soi, elles ne peuvent être des entités séparées. A partir de là elles n'ont pas d'existence en dehors des mots qu'on utilise pour les caractériser. Ergo, le langage précède la pensée et il informe notre connaissance de l'expérience.

Autrement dit la limite de ma pensée, c'est mon langage, qui informe et actualise ma pensée.

Ce que tu dis me fait penser à la chose suivante : pour traverser une rivière à pied sec on peut sauter de pierre en pierre mais on peut aussi prendre une barque et ramer. On peut très bien penser et arriver à une conclusion (la terre ferme) sans les mots (les pierres qui te permettent d'avancer au sec) mais en prenant le bateau (ce qu'on appelle à défaut d'autre mot : l'intuition). Ton approche est "discrète" au sens des mathématiques discrètes car tu ne retiens que le les articulations de la réflexion (les points discrets). Je pense pour ma part qu'on passe une grande partie de notre temps en bateau à naviguer entre des points (et donc qu'on le fait d'une manière continue).

Autre chose : la principale activité du mathématicien consiste justement à inventer des mots/ des manières de formaliser un idée pour la faire comprendre, la communiquer (et ensuite aussi c'est vrai travailler dessus). La réflexion mathématique précède ainsi largement la verbalisation. Mais la partie "créative" est totalement en dehors du langage : c'est d'ailleurs une grosse partie du travail que de formaliser, de mettre en mots ses pensées, qui à l'origine ne le sont pas.

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Ce que tu dis me fait penser à la chose suivante : pour traverser une rivière à pied sec on peut sauter de pierre en pierre mais on peut aussi prendre une barque et ramer. On peut très bien penser et arriver à une conclusion (la terre ferme) sans les mots (les pierres qui te permettent d'avancer au sec) mais en prenant le bateau (ce qu'on appelle à défaut d'autre mot : l'intuition). Ton approche est "discrète" au sens des mathématiques discrètes car tu ne retiens que le les articulations de la réflexion (les points discrets). Je pense pour ma part qu'on passe une grande partie de notre temps en bateau à naviguer entre des points (et donc qu'on le fait d'une manière continue).

Je pense malheureusement qu'il y a en réalité une écrasante majorité de personnes qui passe son temps à barboter dans la rivière avec leur bouée Mickey et qui n'atteindront jamais la terre ferme. Certains, même, se noient définitivement.

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Cela fait pour moi plus de 40 ans que je me débat avec cette difficulté, à savoir avoir un mode de réflexion "non verbal"

Entre la situation initiale(formulation du problème) et la "révélation" finale, l'Euréka=j'ai fini de trouver,

je suis incapable de m'expliquer, de justifier un quelconque raisonnement "logique"

Justifier mes "intuitions" représentent parfois des efforts éprouvants….

je m'améliore au fil du temps, parfois je peux expliquer, rendre compréhensible, parfois pas….

Ce n'est pas un hasard que je sois bouddhiste et mariée avec un acupuncteur,…" pensée orientale"?

je recherche un entourage proche capable de me faire confiance….et d'accepter de "voir venir" de de comprendre à posteriori…

C'est parfois un véritable handicap: j'ai renoncé a être institutrice…je rentre dans une classe, et hop,au bout de quelques heures….

La petite biche, au deuxième rang, elle doit avoir un gentil papa qui la tripote bien…je ne me suis jamais trompée …"t'est là pour lui apprendre à lire"….mais….je sais qu'elle n'est pas en "situation"d apprendre à lire….et pourquoi….

Il y a quelque chose là. Mais ça n'est pas penser au sens former des idées.

Deux exemples : dans une série documentaire britannique, Human Instincts, je crois, j'ai entendu le témoignage d'un chef de pompiers qui avait envoyé ses hommes dans un bâtiment. Le feu a l'air sous contrôle, tout se passe bien. Soudainement, sans savoir pourquoi, il ordonne à tout le monde de quitter l'incendie en extrême urgence. L'immeuble explose juste après mais tout le monde est sauvé. Il ne sait pas pourquoi il a fait ça, du moins sur le coup. Après réflexion à posteriori, il se rappelle certain détails de bruits, de couleur et de sens de circulation de la fumée, dont il n'a pas pris conscience sur le moment mais dont son expérience lui a rappelé qu'un "backdraft" était en cours et que ça allait péter.

L'autre exemple c'est la théorie du marqueur somatique de Antonio D'Amasio, qui me semble raisonnable mais dont je ne sais pas si elle est patagée par d'autres neurologues. Selon cette théorie, nous stockons des états de l'organisme en référence de moments cruciaux que nous avons traversé et qui nous permettent de déclencher la prise décision rationnelle le moment venu. Il le démontre par l'inverse avec des individus ayant des dégats au cortex préfrontal les empêchant de former des émotions. Il y a une vidéo célèbre de son patient star, à qui il demande une date pour son prochain RV. Le gars commence à passer en revue chaque heure de chaque jour et il est clair qu'il est tout à fait rationnel. Mais il est incapable (littéralement, ce n'est pas une image) de dire, OK, tel jour telle heure, bingo, a décision est prise. Contrairement au cas précédent, les mots sont ici nécessaires. Mais, crucialement, pas suffisants.

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Ce que tu dis me fait penser à la chose suivante : pour traverser une rivière à pied sec on peut sauter de pierre en pierre mais on peut aussi prendre une barque et ramer. On peut très bien penser et arriver à une conclusion (la terre ferme) sans les mots (les pierres qui te permettent d'avancer au sec) mais en prenant le bateau (ce qu'on appelle à défaut d'autre mot : l'intuition). Ton approche est "discrète" au sens des mathématiques discrètes car tu ne retiens que le les articulations de la réflexion (les points discrets). Je pense pour ma part qu'on passe une grande partie de notre temps en bateau à naviguer entre des points (et donc qu'on le fait d'une manière continue).

Autre chose : la principale activité du mathématicien consiste justement à inventer des mots/ des manières de formaliser un idée pour la faire comprendre, la communiquer (et ensuite aussi c'est vrai travailler dessus). La réflexion mathématique précède ainsi largement la verbalisation. Mais la partie "créative" est totalement en dehors du langage : c'est d'ailleurs une grosse partie du travail que de formaliser, de mettre en mots ses pensées, qui à l'origine ne le sont pas.

Je ne doute pas que les mathématiciens, dans leur phase créative, aient des intuitions. Mais ces intuitions, aussi lumineuses et soudaines soient-elles, ne sont pas des actes immédiats de l'intelligence, elles sont élaborées à partir de formes qui dérivent des idées, lesquelles sont produites par le langage.

Par exemple pour avoir l'intuition des propriétés d'un triangle, il faut bien posséder au préalable l'idée du triangle, laquelle dérive d'une définition de sa forme et de l'espace qui la contient. D'autre part l'intuition a aussi ses limites, inhérentes à celles de l'imagination. Tu peux facilement avoir l'intuition d'une figure avec trois côtés, mais tu ne peux pas imaginer une figure à mille côtés, si bien que tu dois recourir à la formalisation pour la concevoir.

Ces intuitions ne peuvent être élaborées et structurées en raisonnement que par leur formalisation en langage mathématique, dont la base est, me semble-t-il un langage logique de type axiomatique.

Mais il est vrai que les géomètres présentent souvent cette déformation professionnelle d'envisager les objets qu'ils comprennent sous une espèce d'éternité, sub specie aeternitatis. Comme le vieux Platon, qui essayait de démontrer l'existence séparée du monde des concepts en prenant pour modèles les idéalités mathématiques auquelles il attribuait une existence autonome, indépendante de la pensée. De là viennent la plupart des croyances idéalistes, comme l'Humanité et les droits de l'Homme abstrait. Au final ce n'est qu'un mot, auquel on attribue toutes sortes de propriétés générales.

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Invité jabial
Il y a une raison fondamentale qui me pousse à croire que non seulement nous n'avons pas besoin de mots pour penser mais que ne penser qu'avec des mots est réducteur. Il s'agit des raisonnements autour de la complétude/ non complétude en logique.

Pour faire bref : un système est complet si tout ce qui est vrai est prouvable (et une preuve est une suite de mots), or on sait depuis les années 30 que dès qu'un système est suffisamment perfectionné (il suffit de pouvoir multiplier et additionner en gros) il est soit incomplet (donc des choses vraies ne sont pas prouvables) soit inconsistant (tout est vrai dans ce système). Pourtant on a une vision très claire que certains trucs sont vrais, et comme pour certains trucs justement ce n'est pas prouvable c'est que nécessairement notre pensée que ce truc est vrai n'est pas d'ordre "verbal".

Je ne suis pas convaincu par ton raisonnement même si je partage ta conclusion. Bien sûr que le langage ne peut être correct et complet, mais qui a dit que le cerveau humain était capable d'appréhender toute réalité ? La pensée n'est pas complète, le langage non plus. Bien sûr que la pensée sans langage existe, mais elle reste "intuitive", fonctionnant par analogies, et si le langage ne peut totalement l'appréhender, la réciproque me semble tout aussi évidente.

Je ne doute pas que les mathématiciens, dans leur phase créative, aient des intuitions. Mais ces intuitions, aussi lumineuses et soudaines soient-elles, ne sont pas des actes immédiats de l'intelligence, elles sont élaborées à partir de formes qui dérivent des idées, lesquelles sont produites par le langage.

Par exemple pour avoir l'intuition des propriétés d'un triangle, il faut bien posséder au préalable l'idée du triangle, laquelle dérive d'une définition de sa forme et de l'espace qui la contient.

Ben non, elle dérive de voir un truc avec 3 angles.

D'autre part l'intuition a aussi ses limites, inhérentes à celles de l'imagination.

… et de la perception !

Tu peux facilement avoir l'intuition d'une figure avec trois côtés, mais tu ne peux pas imaginer une figure à mille côtés, si bien que tu dois recourir à la formalisation pour la concevoir.

Par contre c'est quand même vachement dur et inefficace de raisonner de manière formelle sur une image ou de la musique.

Ces intuitions ne peuvent être élaborée et structurées en raisonnement que par leur formalisation en langage mathématique, dont la base est, me semble-t-il un langage logique de type axiomatique.

Oui, là je te suis.

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