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Justice et Morale


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Lors de ma lecture de La formation de la pensée juridique moderne de Villey il est un point qui m'a particulièrement intéressé, celui de la relation Morale/Justice.

 

Villey fait le constat que la pensée juridique a été "contaminée" par des considération morale. Normalement Justice et Morale sont deux sphères distinctes. La Morale vise au perfectionnement de l'individu. La Justice vise à la distribution des biens et des honneurs dans la Citée. Or il constate que la Justice a été envahie par la Morale.

 

J'ai trouvé cela particulièrement intéressant par ce que cela m'a renvoyé à la distinction que faisait Abélard entre le Vice (qui est un manquement à la Morale) et le Crime (qui est un manquement à la Justice). Cette distinction serait encore plus ancienne que je ne l'imaginais. 

 

Au passage, cela m'a permis de résoudre une de mes grandes interrogations entre Justice et Morale car j'étais mal à l'aise à l'idée d'une Justice totalement en dehors de la Morale, j'avoue que la lecture de Villey m'a beaucoup fait avancé.

 

Là où je veux en venir c'est à l'exemple qu'utilise Villey, celui du respect du contrat. Dans le Code civil il est écrit que la convention (cad le contrat) est la Loi des parties (article 1134 si vous voulez aller jeter un oeil). C'est une disposition tout à fait libérale, il faut respecter ses engagements. Pour Villey, il ne s'agit rien moins que la transcription en Droit (domaine de la Justice) d'un principe Moral, celui du respect de la parole donné. 

 

Et là vous comprenez le drame, on ne peut réclamer la séparation du Droit et de la Morale mais s'en satisfaire quand cela va dans notre sens!

 

Pour finir l'exemple de Villey ce dernier illustre la séparation entre Justice et Morale. Il arrive que l'exécution d'un contrat, sans que cela soit la faute d'une des parties, deviennent un fardeau et même à la ruine une des parties. Si on applique la règle issue de la morale, le contrat doit être appliqué même si cela nuit à l'une des parties (et il y a des exemples de jurisprudence). Si on applique la Justice (au sens classique du terme) alors il est possible au juge de rééquilibrer les chose (mais dans ce cas là il viole la volonté initiale des parties). Ce qui est ironique, et j'en terminerai là, c'est que le Code civile tempère, dès l'origine, les rigueurs de l'article 1134 avec des mécanismes comme la Force Majeur ou la Rescision pour lésion.

 

Bref, comment résoudre le dilemme Morale/Justice car une séparation stricte des deux, et je pense en ce sens, revient à fragiliser une conception libérale du droit.

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Pour finir l'exemple de Villey ce dernier illustre la séparation entre Justice et Morale. Il arrive que l'exécution d'un contrat, sans que cela soit la faute d'une des parties, deviennent un fardeau et même à la ruine une des parties. Si on applique la règle issue de la morale, le contrat doit être appliqué même si cela nuit à l'une des parties (et il y a des exemples de jurisprudence). Si on applique la Justice (au sens classique du terme) alors il est possible au juge de rééquilibrer les chose (mais dans ce cas là il viole la volonté initiale des parties). Ce qui est ironique, et j'en terminerai là, c'est que le Code civile tempère, dès l'origine, les rigueurs de l'article 1134 avec des mécanismes comme la Force Majeur ou la Rescision pour lésion.

 

 

 

MMMh, ça ne serait pas plutôt le contraire ?

 

La Justice ne commanderait elle pas plutôt de faire exécuter ce contrat quoiqu'il arrive car c'est ce qui avait été prévu et décidé alors même que la Morale dirait de renoncer à ça car ça ruinerait l'un des deux et donc ça serait "mauvais" d'en demander l'application pleine ?

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Justement, pour Villey la Justice au sens classique permet de disposer du contrat alors que la Justice au sens Moderne, cad emprunte de Morale, impose le respect du contrat.

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Justement, pour Villey la Justice au sens classique permet de disposer du contrat alors que la Justice au sens Moderne, cad emprunte de Morale, impose le respect du contrat.

 

justement, je dis le contraire.

 

C'est la morale qui devrait faire renoncer au contrat, pas la justice.

 

Enfin c'est ce qui me semblerait le plus logique.

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C'est très ancien, comme débat.

Dans le Digeste, tu trouves à la fin une référence au jurisconsulte Paul : "tout ce qui est permis n'est pas honnête".
En tête du Digeste, tu avais le premier précepte : "vivre honnêtement", c'est-à-dire suivant des principes moraux. 

 

Ce n'est qu'au XIXème siècle que certains ont eu l'idée saugrenue de différencier totalement morale et droit -alors même que le Code civil traduit de nombreux principes moraux en principes juridiques, que ce soit le respect de la parole donnée ou des bonnes moeurs-.

 

Au fond, c'est normal que droit et morale se chevauchent sans se confondre. La morale est un phénomène collectif, ayant valeur quasi-obligatoire, pouvant être sanctionnée. L'obligation morale existe ; la sanction aussi (sociale, ici). 

 

La seule différence notable concerne, à la vérité, la nature de la contrainte : elle est plus organisée, plus implacable pour le Droit.

 

Le Droit fourmille de morale, et notamment le droit contractuel :

 

- le respect de la parole donnée, héritée de la morale religieuse. Le parjure était là une grande faute.

- la notion de faute, qui a une très grande valeur morale. La faute civile, très souvent, se confond avec la faute morale.

- la notion de bonnes moeurs, combattue mais toujours vivace. 

- la notion d'obligation naturelle : certaines obligations ne sont pas juridiques, mais sont plus que morales.

- la notion de dignité humaine qui a une valeur juridique. 

- pour finir le catalogue, la notion d'indignité (utilisé en droit des successions pour faire échec à l'héritage en cas d'assassinat).

 

La morale ne fait pas renoncer au contrat, le principe est le respect de la parole donnée. Le mouvement de protection au nom de la morale est beaucoup plus récent. Il y a un siècle à peine, il était inimaginable d'imposer un délai de réflexion pour le consommateur : caveat emptor

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On s'est bien frité sur une vingtaine de pages avec Lancelot sur ce sujet. Moi j'étais plutôt de l'avis de Villey.

Ouaip. En très très gros (et je ne m'étendrai pas plus là dessus ici vous n'avez qu'à lurker bande de lurkers) je trouve que Villey jette le bébé avec l'eau du bain et que sa conception du droit en est affaiblie.
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Ce n'est qu'au XIXème siècle que certains ont eu l'idée saugrenue de différencier totalement morale et droit...

Villey s'appuie sur Aristote et le Droit romain qui sont plus anciens que le Digeste. De plus il lit les textes originaux, étant donné qu'il parle latin et grec ancien. Il montre d'ailleurs les problèmes posés par la mauvaise traduction à travers les âges.

 

Ceci dit, sans vouloir dénoncer, Corned Beef, qui a étudié le droit et à qui j'ai fait lire un peu de Villey, le trouve assez nul.

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justement, je dis le contraire.

 

C'est la morale qui devrait faire renoncer au contrat, pas la justice.

 

Enfin c'est ce qui me semblerait le plus logique.

 

Respecter la parole donnée est morale, l'inverse est immorale. La Justice doit être amorale. 

 

C'est très ancien, comme débat.

Dans le Digeste, tu trouves à la fin une référence au jurisconsulte Paul : "tout ce qui est permis n'est pas honnête".

En tête du Digeste, tu avais le premier précepte : "vivre honnêtement", c'est-à-dire suivant des principes moraux. 

 

Ce n'est qu'au XIXème siècle que certains ont eu l'idée saugrenue de différencier totalement morale et droit -alors même que le Code civil traduit de nombreux principes moraux en principes juridiques, que ce soit le respect de la parole donnée ou des bonnes moeurs-.

 

Au fond, c'est normal que droit et morale se chevauchent sans se confondre. La morale est un phénomène collectif, ayant valeur quasi-obligatoire, pouvant être sanctionnée. L'obligation morale existe ; la sanction aussi (sociale, ici). 

 

La seule différence notable concerne, à la vérité, la nature de la contrainte : elle est plus organisée, plus implacable pour le Droit.

 

Le Droit fourmille de morale, et notamment le droit contractuel :

 

- le respect de la parole donnée, héritée de la morale religieuse. Le parjure était là une grande faute.

- la notion de faute, qui a une très grande valeur morale. La faute civile, très souvent, se confond avec la faute morale.

- la notion de bonnes moeurs, combattue mais toujours vivace. 

- la notion d'obligation naturelle : certaines obligations ne sont pas juridiques, mais sont plus que morales.

- la notion de dignité humaine qui a une valeur juridique. 

- pour finir le catalogue, la notion d'indignité (utilisé en droit des successions pour faire échec à l'héritage en cas d'assassinat).

 

La morale ne fait pas renoncer au contrat, le principe est le respect de la parole donnée. Le mouvement de protection au nom de la morale est beaucoup plus récent. Il y a un siècle à peine, il était inimaginable d'imposer un délai de réflexion pour le consommateur : caveat emptor

 

Justement ce que décrit Villey (et il le critique), c'est la pénétration de la Morale dans la Justice au lieu de maintenir une claire distinction. 

 

Ceci dit, sans vouloir dénoncer, Corned Beef, qui a étudié le droit et à qui j'ai fait lire un peu de Villey, le trouve assez nul.

 

Juriste moi même je l'ai trouvé passionnant. 

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Respecter la parole donnée est morale, l'inverse est immorale. La Justice doit être amorale.

Rien que là on va avoir on problème

J'aimerais quand même bien savoir comment la justice peut revenir sur un engagement, ça paraît bien plus injuste que immoral.

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Dans la conception Classique le rôle de la Justice est d'assurer la distribution des biens et des honneurs selon le principe à chacun selon ses mérites (dite aussi Justice distributive). Elle fonctionne sur le mode casuistique (au cas par cas). Le rôle du juge est, dans chaque affaire qui lui ait soumis, d'essayer de trancher dans le sens du juste, il aboutit à une solution qui peut être différente de celle de la loi. Ainsi, si je reprend l'exemple, un contrat dont l'exécution nuirait à l'une des parties en s'éloignant par trop de l'économie prévue du contrat, le juge peut, s'il l'estime conforme au Juste, réformer tout ou partie du contrat. 

 

La Morale, en ce que son objet est la perfection de l'individu, n'a rien à faire dans cette histoire.

 

Le soucis de la Justice moderne est qu'elle pétrie de principe moraux qui ont été transformé en principe de droit. Ainsi le principe moral qui veut que l'on respect la parole donnée a donné l'article 1134 du Code civil. 

 

Ais-je réussi à éclairer ta lanterne? 

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Rien que là on va avoir on problème

J'aimerais quand même bien savoir comment la justice peut revenir sur un engagement, ça paraît bien plus injuste que immoral.

 

Cas de force majeur.

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Dans la conception Classique le rôle de la Justice est d'assurer la distribution des biens et des honneurs selon le principe à chacun selon ses mérites (dite aussi Justice distributive). Elle fonctionne sur le mode casuistique (au cas par cas). Le rôle du juge est, dans chaque affaire qui lui ait soumis, d'essayer de trancher dans le sens du juste, il aboutit à une solution qui peut être différente de celle de la loi. Ainsi, si je reprend l'exemple, un contrat dont l'exécution nuirait à l'une des parties en s'éloignant par trop de l'économie prévue du contrat, le juge peut, s'il l'estime conforme au Juste, réformer tout ou partie du contrat.

La Morale, en ce que son objet est la perfection de l'individu, n'a rien à faire dans cette histoire.

Le soucis de la Justice moderne est qu'elle pétrie de principe moraux qui ont été transformé en principe de droit. Ainsi le principe moral qui veut que l'on respect la parole donnée a donné l'article 1134 du Code civil.

Ais-je réussi à éclairer ta lanterne?

Absolument pas.

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A mon avis on aurait tort de penser que le Droit ne dérive pas de la morale. La conception du Droit par les libéraux par exemple est une forme de morale. Le respect des engagements et inversement accepter qu'on puisse en sortir,

le laisser-faire est une forme de morale au-delà de toutes les théories économiques, le laisser vivre aussi, la liberté religieuse, admettre qu'on peut s'adonner à des vices sans victimes etc...

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Absolument pas.

 

Dans la conception Classique la Justice vise à la répartition des biens et des honneurs. Dans la conception Moderne la Justice vise à réaliser un idéal à partir d'un certain nombre d'axiomes définis (ex: si les individus sont des êtres libres alors ils ne faut pas interférer avec leurs actions, laissez faire, laisser passer; autre exemple, si les individus sont en fait des prolétaires exploités par le capitalisme la Justice doit être un des instruments de leur libération).

 

Qu'est ce qui est Juste si je reprend l'exemple donnés du contrat nuisant à l'une des parties:

- permettre au Juge de réformer le contrat pour le rééquilibrer ? ==> solution Classique

- laisser le contrat poursuivre sa vie ? ==> Solution moderne (basé sur le principe moral du respect de la parole donnée)

 

A mon avis on aurait tort de penser que le Droit ne dérive pas de la morale. La conception du Droit par les libéraux par exemple est une forme de morale. Le respect des engagements et inversement accepter qu'on puisse en sortir,

le laisser-faire est une forme de morale au-delà de toutes les théories économiques, le laisser vivre aussi, la liberté religieuse, admettre qu'on peut s'adonner à des vices sans victimes etc...

 

 

On retombe sur ce qui est, selon moi, un paradoxe, alors que les libéraux défendent l'idée que les vices ne sont pas des crimes, ils se retrouvent à faire exactement l'inverse avec la Justice soumise à la réalisation de la Morale. 

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On retombe sur ce qui est, selon moi, un paradoxe, alors que les libéraux défendent l'idée que les vices ne sont pas des crimes, ils se retrouvent à faire exactement l'inverse avec la Justice soumise à la réalisation de la Morale.

En fait je trouve aussi tout à fait léger de prétendre que tout le monde met de la morale dans le Droit sauf les libéraux. Les socialauds et les libéraux ont chacun leur vision du Droit qui est dérivée entre autres d'une éthique (et pas seulement puisque la résolution des conflits demande aussi une lecture pragmatique de la situation).

Les contrats libres, la libre entreprise, la liberté d'expression et religieuses ne sont pas nos credos seulement parce que cela marche, mais aussi parce que cela nous semble plus moral.

Le libéralisme est aussi une théorie du Droit parmi d'autres, et j'assume complètement que cette théorie invoque une éthique minimaliste et non pas maximaliste comme nos amis socialauds.

D'autre part le Droit est rendu par des juges qui sont aussi motivés par leur morale propre quoi qu'on en dise, ce ne sont pas des robots qui interprètent absolument tout comme des machines.

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Si la justice ne dérive pas, d'une façon ou d'une autre, de la morale, alors il n'existe strictement aucun étalon de mesure permettant de juger qu'une loi est bonne ou mauvaise. 

 

Je pense que les définitions ancienne et moderne de la justice que tu présentes, PABerryer, sont trop étroites pour englober le domaine de la justice (ou le domaine du droit, qui est le même).

 

Il me semble qu'il faut définir la morale comme la science de l'action bonne ou mauvaise, et donc la justice comme la science de l'action sociale bonne ou mauvaise; c'est à dire de l'action de l'homme en interaction avec d'autres hommes (ou plus largement d'autres sujets de droits). 

 

Dans ton exemple, en toute rigueur, une rupture unilatérale de contrat est à la fois immoral et injuste; mais dans le cadre d'une négociation, il me semble que la partie réticente à renégocier finira nécessairement par accepter dès lors qu'on lui propose une contrepartie d'une plus grande valeur que le manque à gagner provoqué par le non-respect du contrat. (De même que le stock d'un produit finit nécessairement par s'écouler dès lors que le prix est suffisamment abaissé).

 

On retombe sur ce qui est, selon moi, un paradoxe, alors que les libéraux défendent l'idée que les vices ne sont pas des crimes, ils se retrouvent à faire exactement l'inverse avec la Justice soumise à la réalisation de la Morale. 

Etant donné les définitions de la justice et de la morale que je viens de présenter, le domaine de la morale est plus étendu que le domaine de la justice (lequel n'est jamais en dehors du domaine de la morale). Un vice est donc une action mauvaise, néfaste, pour celui qui la commet, mais puisque ce n'est pas un action sociale (qu'elle n'est pas une relation à autrui) ce n'est pas une injustice. Je ne comprends pas où réside le paradoxe car cela n'est pas contradictoire avec l'idée que le respect du droit de propriété, par exemple, est juste (et moral) et permet le développement de la civilisation, et donc le développement moral de l'humanité dans son ensemble.

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En fait je trouve aussi tout à fait léger de prétendre que tout le monde met de la morale dans le Droit sauf les libéraux. Les socialauds et les libéraux ont chacun leur vision du Droit qui est dérivée entre autres d'une éthique (et pas seulement puisque la résolution des conflits demande aussi une lecture pragmatique de la situation).

Les contrats libres, la libre entreprise, la liberté d'expression et religieuses ne sont pas nos credos seulement parce que cela marche, mais aussi parce que cela nous semble plus moral.

Le libéralisme est aussi une théorie du Droit parmi d'autres, et j'assume complètement que cette théorie invoque une éthique minimaliste et non pas maximaliste comme nos amis socialauds.

D'autre part le Droit est rendu par des juges qui sont aussi motivés par leur morale propre quoi qu'on en dise, ce ne sont pas des robots qui interprètent absolument tout comme des machines.

 

Quand Villey explique que le Droit est pénétré par la Morale il dresse un constat, il ne désigne pas la Morale libérale en particulier. J'ai repris un exemple de Villey que j'ai trouvé pertinent d'utiliser sur ce forum. Il est sur que le contenu du droit va évoluer selon que la Morale qui le pénètre répond à telle ou telle philosophie.

 

Si la justice ne dérive pas, d'une façon ou d'une autre, de la morale, alors il n'existe strictement aucun étalon de mesure permettant de juger qu'une loi est bonne ou mauvaise. 

 

Je pense que les définitions ancienne et moderne de la justice que tu présentes, PABerryer, sont trop étroites pour englober le domaine de la justice (ou le domaine du droit, qui est le même).

 

Il me semble qu'il faut définir la morale comme la science de l'action bonne ou mauvaise, et donc la justice comme la science de l'action sociale bonne ou mauvaise, c'est à dire l'action de l'homme en interaction avec d'autres hommes (ou plus largement d'autres sujets de droits). 

 

Dans ton exemple, en toute rigueur, une rupture unilatérale de contrat est à la fois immoral et injuste; mais dans le cadre d'une négociation, il me semble que la partie réticente à renégocier finira nécessairement par accepter dès lors qu'on lui propose une contrepartie d'une plus grande valeur que le manque à gagner provoqué par le non-respect du contrat. (De même que le stock d'un produit finit nécessairement par s'écouler dès lors que le prix est suffisamment abaissé).

 

Etant donné les définitions de la justice et de la morale données, le domaine de la morale est plus étendu que le domaine de la justice (lequel n'est jamais en dehors du domaine de la morale). Donc un vice est une action mauvaise, néfaste, pour celui qui la commet, mais puisque ce n'est pas un action sociale (qu'elle n'est pas une relation à autrui) ce n'est pas une injustice . Je ne comprends pas où réside le paradoxe car cela n'est pas contradictoire avec l'idée que le respect du droit de propriété, par exemple, est juste (et moral) et permet le développement de la civilisation, et donc le développement moral de l'humanité dans son ensemble.

 

La conception moderne fait du Droit un instrument au service de la Morale. Pour moi cela ne correspond ni à la définition première de la Justice (rendre à chacun le sien, partage des biens et des honneurs), ni à cette idée de séparation des Vices et des Crimes. Le problème du Droit aujourd'hui est qu'il y a cette incohérence entre le refus de mêler le Droit et la Morale tout en utilisant le Droit comme au service de la réalisation d'une morale particulière (et oui tu as raison sur la politisation des juges modernes). On retrouve cela dans la relation Droit/Loi.

 

Dans la conception Classique la Loi est issu du Droit, c'est une solution particulière issue de la répétition d'une solution à un problème de droit défini (ex l'acceptation de la Force Majeure pour modifier le contrat), solution qui peut être écarter par le juge si son application se révélait injuste (par exemple permettre au débiteur fautif de se dégager à peu de frais de son obligation). Dans la conception Moderne qui est la nôtre le Droit découle de la Loi, cad de la Volonté Générale, cad des préférences morales du législateur. La relation est totalement inversée. 

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la morale est presente a deux endroits: avant le droit, ou elle en est l'orgine et le point de reference, d'inspiration.Et apres le droit, lorsqu'elle s'ingenie a modifier le droit en fonction de 'nouveaux' parametres, moraux.

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Le droit naturel admet-il la morale comme "point d'origine et de référence" du droit ? Je croyais qu'il prenait ses sources dans le fait même d'être humain, "en dehors de toute autre considération" comme dit Wikibéral.

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Le droit naturel admet-il la morale comme "point d'origine et de référence" du droit ? Je croyais qu'il prenait ses sources dans le fait même d'être humain, "en dehors de toute autre considération" comme dit Wikibéral.

 

Ça c'est le droit naturel moderne. Le droit naturel antique se base sur l'observation de la Nature (au sens du Cosmos grec). Cela donne des résultats très très différents. 

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Le droit naturel admet-il la morale comme "point d'origine et de référence" du droit ? Je croyais qu'il prenait ses sources dans le fait même d'être humain, "en dehors de toute autre considération" comme dit Wikibéral.

 

Ce n'est pas contradictoire, bien au contraire. Un droit naturel non-fondé sur la morale me semble tout-à-fait inconcevable. Qu'un être soit doté de volonté et de raison est une donnée au fondement de la morale en général et du droit naturel en particulier.

 

Ça c'est le droit naturel moderne. Le droit naturel antique se base sur l'observation de la Nature (au sens du Cosmos grec). Cela donne des résultats très très différents. 

 

Le droit naturel antique est nécessairement fondé sur la nature humaine en particulier (et non seulement sur l'observation de la nature dans son ensemble), comme le droit naturel moderne et comme toute forme de droit naturel logiquement concevable.

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Ce n'est pas contradictoire, bien au contraire. Un droit naturel non-fondé sur la morale me semble tout-à-fait inconcevable. Qu'un être soit doté de volonté et de raison est une donnée au fondement de la morale en général et du droit naturel en particulier.

 

 

Le droit naturel antique est nécessairement fondé sur la nature humaine en particulier (et non seulement sur l'observation de la nature dans son ensemble), comme le droit naturel moderne et comme toute forme de droit naturel logiquement concevable.

 

 

Entendons nous bien, le Droit est ce qui permet de régir les rapports sociaux (trancher les conflits, rendre à chacun de sien) et la Morale qui vise à la perfection de l'Homme. Ce sont deux domaines distincts, pas forcément en opposition (on pense trop souvent en binaire) mais qui ne s'occupent pas des même choses.

 

 

En ce qui concerne le Droit Naturel il faut avoir conscience que cette notion a profondément évoluée au cours des siècles. Quand Aristote parle du Droit Naturel ou que Grotius parle du Droit Naturel ils ne parlent pas du tout de la même chose.

Dans la perspective Aristotélicienne, le Droit Naturel fait référence au fait que l'on observe que le Cosmos n'est pas chaos mais ordonné. Il est régi par des lois qui peuvent se déduire de l'observation des choses. De cette observation on en retire que l'Homme est une créature sociale particulière car doué de raison. 

Dans la perspective moderne (on parle de l'École du Droit Naturel avec Grotius et Pufendorf) on part de l'hypothèse que l'Homme est doué d'une nature particulière du fait qu'il est capable de passer de l'état d nature à celui d'homme social (sociabilité artificielle) et l'on déduit de manière axiomatique et déductive un certains nombre de droits et capacités particulières.

 

Pour faire simple la première se base sur l'observation du Cosmos, la seconde se base sur des déduction logiques sur la base d'une hypothèse.

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Dans la perspective moderne (on parle de l'École du Droit Naturel avec Grotius et Pufendorf) on part de l'hypothèse que l'Homme est doué d'une nature particulière du fait qu'il est capable de passer de l'état d nature à celui d'homme social (sociabilité artificielle) et l'on déduit de manière axiomatique et déductive un certains nombre de droits et capacités particulières.

 

Cette idée d'une fondation volontaire de la société depuis un état de nature comme justification des droits naturels est présente dans le contractualisme libéral (dont le meilleur représentant est John Locke). Mais tous les libéraux ne sont pas nécessairement contractualistes. Tocqueville ne l'est pas. L. V. Mises non plus. Pour Mises c'est l'utilité de la division du travail, et non la volonté de sauvegarder des droits, qui fonde la société.

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  • 2 weeks later...

La justice est un des seuls ordres imposé dans la société libérale, il faut donc qu'elle préserve les contrats dans leur forme originale en dépit de problèmes néfastes qui pourraient en résulter. Il y’a l’exemple du brevet. Si le brevet est révoqué parce que la compétition en souffre, l’investisseur ne voudra plus investir dans des projets surent de réussir.

 

Cependant, le juge contemporain est trop intransigeant, il applique tout a la lettre parce que il y’a moins de temps et quand on passe ses études a absorber chaque détail de chaque loi on ne peut que les appliquer en vigueur similaire au médecin qui proscrit tout a la goutte près pour ne pas être lui même poursuivi en justice. Est-ce-cela que l’idéologie libérale souhaite ? Non, elle souhaiterait une justice plus attentif, casuistique, en ayant un code civil plus léger, en ayant des lois qui laissent l’espace d’interpréter. Ce deviendrait plus facile de respecter les contrats dans leur forme originale et plus facile de régler des problèmes qui en résultent en s’appuyant sur d’autres moyens que de briser le contrat!

 

Je suis d’accord avec Mister Bolognaise qui n’arrête pas de dire que l’ordre morale est celui plus apte de revenir sur un contrat. La sympathie envers le pécheur repentant n’inciterais-elle pas davantage cette action de revenir sur un contrat ? Si la morale a une hiérarchie, l’idée de donner sa parole et moins important que le pardon... Imaginez quand quelqu'un pardonne l’homme qui le poignarde alors qu'il aurait pu mentir pour s’en sortir. On retient le pardon et pas l’honnêteté.

 

Que Villey dise que la moralité est venu troubler la justice je comprends mais dans le sens inverse et s’il y’avait moins de lois on verrais la justice n’ayant aucun besoin de cette infusion de moralité puisque elle serait déjà juste au titre morale, en étant libre.

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  • 1 month later...

Je vais continuer le débat avec NoName et Snow ici.

 

 

Sauf que la justice ne dépends pas du référentiel
Un viol est un crime, peu importe le référentiel. Même si la sacrosainte Loi dit le contraire.

D'ailleurs c'est extraordinairement drôle que tu dise que tu n'idolatre pas les concepts creux alors même que tu te pose en véritable fétichiste de la loi.

 

Un viol n'est pas un crime partout, ni en tout temps. 

Les viols d'esclaves n'étaient pas punis. Le viol marital n'était pas puni jusque relativement récemment, il ne l'est pas encore dans certains pays. Les viols de guerre étaient encouragés dans une certaine mesure dans l'Antiquité. Les mariages par enlèvement sont "normaux" dans certaines cultures. 

 

L'impression que j'ai, c'est que ta définition du viol fait que tu poses comme Droit Naturel universel et applicable à tous tes propres conceptions de ce qui est ou non bien ou mal. 

 

Par exemple, l'infanticide serait pour toi un crime en droit naturel. Je crains que, dans la Rome Antique, par exemple, il ait été toléré de tuer le nouveau-né dès lors que le père de famille refusait de le reconnaître et de lui donner un nom (si le garçon était faible, ou si c'était une fille et qu'il en avait déjà une).

De même en Inde et en Chine, pendant très longtemps (et encore de nos jours, même si cette pratique est moins tolérée aujourd'hui...ce qui était légitime hier l'est moins aujourd'hui).

 

Par exemple, encore, la pédophilie constitue sans doute pour toi un crime en droit naturel. Je crains, hélas, que les Mazdéens n'aient pas eu ta connaissance pointue de la Nature Humaine, et qu'il était habituel pour les maîtres de sodomiser les jeunes disciples. Petite chose rigolote, nos amis mazdéens encourageaient l'inceste dans le cadre du mariage -au cas où tu me cherches un tabou universel, ce ne sera pas celui-là, je le crains-.

 

Outre la licéité de ces pratiques, elles n'étaient pas considérées comme honteuses, infamantes ou injustes. 

 

Peut-être s'agissait-il d'imbéciles n'ayant pas reçu l'éclair de génie qui t'a frappé : mais bien sûr, il existe une nature humaine, et elle interdit l'esclavage, l'infanticide, le viol ou la pédophilie. Ils ne connaissaient pas la Vérité, tu la connais, fort bien pour toi. Ainsi était-il juste d'empêcher une femme d'avorter il y a quelques décennies ; la chose n'est plus perçue comme légitime ou juste de nos jours. Nos aïeuls n'avaient pas, eux aussi, ta connaissance pointue de la Vérité immanente.

 

Quant à la loi, elle dépend aussi du référentiel -à moins, là encore, que pour toi elle soit absolue et identique en tout temps et en tout lieu...-. Je défends simplement sa stabilité et sa cohérence, chose dont on peut juger sans le secours d'une norme transcendante connue des seuls initiés. 

 

En bref, ce que je te reproche c'est ton jusnaturalisme, infondé car :

 

- il n'existe pas, à mon sens, de "nature humaine" ; il existe des peuples, avec leur table des lois, avec leurs mythologies, leurs valeurs, leur Bien, leur Mal. L'universalisme dégoulinant de tes propos me paraît, en dernière analyse, dangereux : c'est le même mode de pensée qu'on a pu voir mis en oeuvre par les divers révolutionnaires (de 1789 ou Bolchévique) ou par les colonialistes.

 

- même en partant de l'hypothèse qu'il en existerait une, je doute fortement qu'on puisse la connaître. Et, a fortiori, que tu puisses la connaître. Autrement dit, cela me paraît être un argument d'autorité fondé sur du rien.

 

- J'ai l'impression que Snow & toi vous tombez dans le rationalisme : il suffit de poser tel axiome, puis de déduire. Je préfère l'approche empirique : je constate que ça ne marche pas, je cherche pourquoi. Ainsi, je peux confirmer que notre système juridique est instable, chose mesurable, ce qui est source d'effets pervers nombreux -frilosité pour investir, perte de légitimité du Parlement, efficience moindre de la norme juridique-. Je ne peux pas te dire s'il est injuste, tout dépendant de l'axiome de départ.

 
  • Yea 2
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