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Hobbes et le libéralisme


anken

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Bonjour !

Pourquoi certains affirment (notamment Wikiberal, mais l'article est pas très fourni http://www.wikiberal.org/wiki/Hobbes ), que Hobbes serait un précuseur du libéralisme, alors qu'il s'y oppose radicalement, notamment par l'idée que la poursuite par chacun de ses intérêts individuels conduirait à la guerre de tous contre tous ("l'homme est un loup pour l'homme"), et que donc pour éviter ça il faut un Etat tout puissant et absolu qui se charge d'imposer l'ordre social d'en haut (cf le Léviathan). Donc pas d'ordre spontané ni d'économie de marché. C'est un constructiviste en gros.

D'autre part, je suis entrain lire l'"histoire des idées politiques" de Philippe Némo, et sur le chapitre sur Hobbes, à aucun moment il ne fait mention d'un quelconque apport au libéralisme.

Donc mis à part le fait qu'il a beaucoup développé le contractualisme, je vois pas bien ce qu'il aurait pu apporter au libéralisme.

Merci !

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Bonjour !

Pourquoi certains affirment (notamment Wikiberal, mais l'article est pas très fourni http://www.wikiberal.org/wiki/Hobbes ), que Hobbes serait un précuseur du libéralisme, alors qu'il s'y oppose radicalement, notamment par l'idée que la poursuite par chacun de ses intérêts individuels conduirait à la guerre de tous contre tous ("l'homme est un loup pour l'homme"), et que donc pour éviter ça il faut un Etat tout puissant et absolu qui se charge d'imposer l'ordre social d'en haut (cf le Léviathan). Donc pas d'ordre spontané ni d'économie de marché. C'est un constructiviste en gros.

D'autre part, je suis entrain lire l'"histoire des idées politiques" de Philippe Némo, et sur le chapitre sur Hobbes, à aucun moment il ne fait mention d'un quelconque apport au libéralisme.

Donc mis à part le fait qu'il a beaucoup développé le contractualisme, je vois pas bien ce qu'il aurait pu apporter au libéralisme.

Merci !

Il a été le premier à formuler le concept de liberté comme concept négatif. Pour Hobbes comme pour les libéraux, la liberté c'est une absence de contrainte et non une capacité ou un pouvoir. Biensûr Hobbes s'intéressait au libre arbitre (absence de contrainte à la volonté), les libéraux s'intéressent à la liberté individuelle (absence de coercition par l'autre).

Edit: euh d'ailleurs , c'est marqué en clair dés les premières lignes de l'article de wikiberal…

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Hobbes est incontestablement le premier philosophe à raisonner en libertarien: il fut le premier axiomatique à théoriser la liberté négative (de mouvement), le droit naturel comme légitime défense, la propriété individuelle du corps, les rapports politiques comme usage légitime de la force.

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Bonjour !

Pourquoi certains affirment (notamment Wikiberal, mais l'article est pas très fourni http://www.wikiberal.org/wiki/Hobbes ), que Hobbes serait un précuseur du libéralisme, alors qu'il s'y oppose radicalement, notamment par l'idée que la poursuite par chacun de ses intérêts individuels conduirait à la guerre de tous contre tous ("l'homme est un loup pour l'homme"), et que donc pour éviter ça il faut un Etat tout puissant et absolu qui se charge d'imposer l'ordre social d'en haut (cf le Léviathan). Donc pas d'ordre spontané ni d'économie de marché. C'est un constructiviste en gros.

D'autre part, je suis entrain lire l'"histoire des idées politiques" de Philippe Némo, et sur le chapitre sur Hobbes, à aucun moment il ne fait mention d'un quelconque apport au libéralisme.

Donc mis à part le fait qu'il a beaucoup développé le contractualisme, je vois pas bien ce qu'il aurait pu apporter au libéralisme.

Merci !

Car selon Hobbes, si l'Etat n'assure plus sa mission de protection, ses sujets doivent se soulever. Car selon lui, ce qui est juste, c'est de respecter les contrats, et qu'à l'inverse il est injuste de ne pas les respecter. Que les individus doivent savoir à l'avance ce qui est réprimé et ce qui ne l'est pas. Que l'on peut penser ce que l'on veut.

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C'est juste, si je ne m'abuse Hobbes est aussi le premier théoricien du droit de résistance contre l'Etat. Comme la seule légitimité de l'Etat pour Hobbes est d'assurer la sécurité (ou plutôt d'empêcher la guerre) de chacun et le respect des contrats, il devient légitime de lui résister lorsque son arbitraire s'en prend à l'intégrité physique des citoyens.

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Il est aussi le premier philosophe à faire du commonwealth, l'état représentatif, un artifice créé par des individus. Des individus doués de raison instrumentale et guidés par des lois de nature qui élaborent un contrat pour transférer leur souveraineté à un représentant parlant en leur nom, c'est ce que vont reprendre les premiers auteurs libéraux tout en apportant des correctifs à l'absoluité du contrat originel.

Car contrairement à ce que pense FreeJazz, qui pour une fois se trompe, il n'y a aucun droit de résistance au souverain institué chez Hobbes. Le transfert de souveraineté est l'objet du contrat et non une partie au contrat, ce qui veut dire que l'aliénation qu'il propose est perpétuelle. C'est aussi l'institution du souverain qui instaure la loi, c'est-à-dire ce qui est légitime et ce qui est illégitime, ce qui est bien et ce qui est mal. Cela veut dire qu'aucun individu devenu citoyen n'a le droit ou n'est légitime à s'opposer au souverain. Locke reprend Hobbes (et globalement son anthropologie) pour le modifier en ajoutant entre autre un contrat entre le souverain et les individus (c'est la fameuse polémique lockienne contre Filmer) : là il y a droit de résistance et tout le toutim.

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Il est aussi le premier philosophe à faire du commonwealth, l'état représentatif, un artifice créé par des individus. Des individus doués de raison instrumentale et guidés par des lois de nature qui élaborent un contrat pour transférer leur souveraineté à un représentant parlant en leur nom, c'est ce que vont reprendre les premiers auteurs libéraux tout en apportant des correctifs à l'absoluité du contrat originel.

J'avais oublié ce "détail", Hobbes conçoit l'association politique civilisée comme création rationnelle par un accord des volontés individuelles en vue d'assurer leur défense commune au moyen de l'établissement d'une puissance artificielle de dissuasion. C'est la base du minarchisme. Le gros problème que pose Hobbes au libéralisme, ce ne sont pas ses principes, mais la dérive absolutiste de ses conclusions.

Car contrairement à ce que pense FreeJazz, qui pour une fois se trompe, il n'y a aucun droit de résistance au souverain institué chez Hobbes.

Je vais vérifier, mais il me semble que le transfert du droit de légitime défense n'est que partiellement abdiqué dans le passage à l'Etat civil, et son usage peut être recouvré lorsque les sujets sont menacés physiquement par la coercition des officiers de l'Etat.

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Non justement, il n'y a rien de plus absolu que la représentation hobbienne : Locke reprend et détricote l'ami Thomas à travers un autre auteur de moindre calibre, Filmer, dans son premier traité du gouvernement civil : une fois signé, le contrat hobbien instaure un pouvoir qu'il est impossible de destituer, ce qui est à d'ailleurs toute l'entreprise du Léviathan : c'est autant le premier traité qui met l'individu au centre de l'institution politique que la naissance d'une puissance publique perpétuelle et juge de tout ce qui se passe en société. Ce caractère absolu de la puissance publique -Etat représentatif n'empêche pas Hobbes d'être, je le rappelle, la trame de toute la tradition libérale postérieure. Enfin, si tu me retrouves ce passage sur les agents de l'Etat, je suis preneur, je peux très bien me tromper. Après tout, ça fait un bail que je n'ai pas replongé le nez dans le Leviathan ou dans Le citoyen.

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Ah oui moi aussi j'avais pas fait attention que c'était une aliénation volontaire. Ce serait un peu comme mettre en place volontairement et rationnellement une constitution inviolable et indépassable non (à laquelle tous les individus seraient soumis) ?

Merci pour les réponses !

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Enfin, si tu me retrouves ce passage sur les agents de l'Etat, je suis preneur, je peux très bien me tromper. Après tout, ça fait un bail que je n'ai pas replongé le nez dans le Leviathan ou dans Le citoyen.

Idem, mais j'ai envie de m'y replonger juste pour prendre en défaut ton érudition, je peux te garantir qu'on va en entendre parler dans les cénacles parisiens autorisés. Si c'est moi qui me trompe, c'est par amour de la faillibilité. :icon_up:

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Idem, mais j'ai envie de m'y replonger juste pour prendre en défaut ton érudition, je peux te garantir qu'on va en entendre parler dans les cénacles parisiens autorisés. Si c'est moi qui me trompe, c'est par amour de la faillibilité. :icon_up:

Hélas, c'est F.mas qui a raison.

Le souverain Hobbesien n'a pas de compte à rendre à son peuple comme chez Jefferson, car le renverser conduirait à revenir à l'état de nature.

En revanche la souveraineté est absolue mais pas totale : elle doit laisser une indépendance maximum aux sujets pour tout ce qui n'est pas nécessaire au maintien de la paix.

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Enfin, si tu me retrouves ce passage sur les agents de l'Etat, je suis preneur, je peux très bien me tromper. Après tout, ça fait un bail que je n'ai pas replongé le nez dans le Leviathan ou dans Le citoyen.

Ci-fait, dans un chapitre nodal du Leviathan: "Des lois naturelles".

Toutes les fois qu'un homme transfert son droit, ou qu'il y renonce, c'est soit en considération d'un droit qu'on lui transmet par réciprocité, soit pour quelque autre bien qu'il espère obtenir par ce moyen. Car c'est un acte volontaire, et l'objet des actes volontaires de chaque homme est un bien pour lui-même.

C'est pourquoi il est inconcevable qu'un homme ait pu, par des paroles ou d'autres signes, abandonner ou transmettre certains droits. Ainsi un homme ne peut pas se démettre du droit de résister à ceux qui l'attaquent par la force pour lui ôter la vie, parce qu'il est inconcevable qu'il vise par cet abandon quelque bien pour lui-même.

Il en va de même pour les blessures, les fers, l'emprisonnement, parce que, d'une part, il n'y a aucun avantage consécutif au fait d'endurer ces souffrances, comme il y en a au fait de souffrir qu'un autre soit blessé ou emprisonné, et aussi, parce qu'un homme, quand plusieurs autres agissent violemment à son encontre, ne peut pas dire s'ils projettent ou non sa mort.

Enfin, le motif, la fin pour lesquels un homme accepte ce renoncement au droit et ce transfert n'est rien d'autre que la sécurité de sa personne, de sa vie et des moyens de la préserver telle qu'elle ne lui soit pas insupportable. Et c'est pourquoi, si quelqu'un, par des paroles, ou d'autres signes, semble se dépouiller de la fin que visaient ces signes, on ne doit pas comprendre qu'il voulait dire cela, ou que c'était sa volonté, mais qu'il ignorait la façon dont de telles paroles et de telles actions seraient interprétées.

Hobbes va même plus loin que je le disais dans la formulation du droit de résistance. Non seulement le transfert du droit de légitime défense n'est pas abdiqué dans l'Etat civil - chacun consent, par un calcul rationnel, à renoncer de l'exercer aussi longtemps que la puissance civile le protège de la mort violente -, mais il découle de ses principes que même un criminel reconnu coupable a le droit de résister à l'emprisonnement ou de s'enfuir dès lors que sa sécurité physique est menacée par l'Etat.

De toute façon la contribution de Locke au libéralisme me paraît anecdotique par rapport à Hobbes, qui pose en effet la trame de la tradition libérale, et a fortiori libertarienne étant donné qu'il fonde le contrat d'association politique sur la propriété de soi et la légitime défense.

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Je m'incline, je viens de lire l'article de la Stanford Encyclopedia of Philosophy qui suggère la même chose. Je me souvenais surtout du problème théorique posé par la guerre (l'Etat institué pour prévenir de la mort violente ses citoyens peut-il les envoyer au casse pipe ?), pas de ce passage. C'est bien fait pour moi, ça me donne envie de relire le livre par ailleurs.

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