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Article sur Ayn Rand dans Le Monde


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Lettre de Wall Street

Prendre le thé avec Ayn Rand

Connaissez-vous Ayn Rand ? Votre serviteur, jusqu'à récemment, n'en avait jamais entendu parler. Constatant, à l'occasion du débat sur le relèvement du plafond de la dette américaine, que le nouveau porte-parole républicain sur les questions budgétaires, Paul Ryan, revendiquait fièrement l'influence posthume de cette femme (1905-1982), qui ne cesse de croître aux Etats-Unis, on a voulu y voir de plus près. Un ami toujours informé nous a indiqué un article épatant de l'Ecossais Johann Hari, paru sur le site américain Slate le 2 novembre 2009. Son titre : "Le charme pervers d'une femme dérangée, ou comment Ayn Rand est devenue une icône américaine". On avait pensé l'intitulé outrancier. Vérifications faites, il est sans doute en deçà de la réalité.

Mais commençons par le commencement. La dette publique américaine autorisée se situait à 14 300 milliards de dollars, et, selon les calculs des services du budget, sans plus pouvoir s'endetter, dès le 16 mai, l'Etat fédéral courrait à la catastrophe, et l'économie avec : il aurait été dans l'incapacité de payer son personnel, ses guerres, les assurances santé des retraités, etc. L'opposition républicaine, elle, conditionne son acceptation d'un rehaussement de son plafond à un engagement préalable de Barack Obama à procéder à d'innombrables coupes dans les budgets sociaux (éducation, santé, retraites, aides aux démunis, etc.) tout en réduisant la recette fiscale des deux prochains budgets.

Depuis, le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, a jugé qu'une absence de relèvement du plafond de la dette générerait des "dégâts irrévocables" et a repoussé l'échéance au 2 août. Les républicains jubilent : "On vous disait bien que la menace était fictive !" Les démocrates dénoncent le "chantage" de leurs adversaires, en appellent à leur sens de l'Etat.

Surprise : sur cette question, Wall Street vote Obama. Le 9 mai, à l'Economic Club of New York, qui fait pourtant de la résorption de la dette son engagement-clé, le patron des républicains à la Chambre, John Boehner, a reçu un accueil pincé. "Ses vues sont contredites par les chiffres", a jugé l'agence financière Bloomberg. "Les marchés risquent d'être nerveux", craint Michael Levy, chef économiste de Bank of America. Leur peur : que, sans relèvement du plafond, la dette américaine soit vite dégradée, ouvrant un véritable trou noir.

On se dira : fausses craintes, comme d'habitude. Après un bras de fer, Obama et son opposition adopteront un compromis. Cette fois, on aura peut-être tort. Car l'enjeu véritable n'est pas le plafond de la dette, mais la baisse drastique des dépenses publiques, accompagnée de celle des impôts que les républicains entendent imposer. Or les études abondent : en prônant un mixte de coupes budgétaires et de hausses ciblées d'impôts, le plan Obama est bien plus à même de résorber la dette que l'option prônée par Paul Ryan, qui priverait l'Etat d'encore plus de recettes. Mais M. Ryan se soucie beaucoup moins de résorber réellement la dette que de priver l'Etat du maximum de ressources.

Et c'est là que surgit l'influence d'Ayn Rand. Cette brillante auteure de romans et d'ouvrages théoriques - dont La Vertu d'égoïsme (Les Belles Lettres), qui résume l'essentiel de sa philosophie - s'est fait le chantre d'une sorte de "dépérissement de l'Etat" dans un sens bien plus prosaïque que celui qu'invoquait un Lénine, pour qui sa disparition coïncidait avec l'émergence d'hommes nouveaux libérés de toute aliénation. Pour Rand, l'Etat-Moloch est l'instrument diabolique qui empêche les hommes qui le méritent d'accéder à ce qui leur revient. Son abolition fonde la société la plus juste qui soit : pas d'Etat, la "dérégulation" menée jusqu'à l'os permet au plus fort ou au plus malin de gagner parce qu'ils le valent bien. Son admiration, Rand la réserve à la force brute et surtout aux plus forts intellectuellement, ces catégories d'êtres infiniment loin de ces "masses" incapables de reconnaître leur valeur, qu'elle compare, au fil des oeuvres, à "la lie", "des parasites", "des imitations d'humains".

D'aucuns nommeront cet idéal sauvage la loi de la jungle ou celle de la guerre sociale. On rappellera ici que même les théoriciens conservateurs contemporains de l'économie américaine, quoique grands "dérégulateurs", ont délaissé ces thèses effroyables. Mais voilà : comme l'économiste américano-autrichien Ludwig von Mises, Rand a théorisé jusqu'à l'extrême une propension assez répandue : rien n'est plus important que moi-même. Pour l'école qu'elle a fondée, dite "objectiviste", "l'égoïsme de l'intérêt personnel" est le principe moral directeur, le plus radicalement opposé à l'altruisme honni. Or, et c'est là un phénomène américain stupéfiant, depuis une génération, nombre de politiques, vénérant les valeurs de l'individualisme triomphant, ont élevé au rang de théoricien admirable cette femme qui a écrit que les Etats-Unis devraient être "une démocratie des seuls êtres supérieurs".

Ronald Reagan a chanté ses louanges bien avant que Paul Ryan ne la lise. Aujourd'hui, le Tea Party propage les thèses d'Ayn Rand prises au pied de la lettre, imposant leur logique anti-Etat et anti-impôts en toutes circonstances à des dirigeants qui parviennent de plus en plus mal à s'en démarquer. Eût-elle vécu centenaire qu'Ayn Rand eût peut-être fini par gloser sur ce paradoxe : des "masses" incultes soutenant son point de vue, quand, à Wall Street, riches et puissants tant adulés appellent leurs élus conservateurs au sens de la "responsabilité". Bref, au sens de l'Etat…

Sylvain Cypel

http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/05/24/prendre-le-the-avec-ayn-rand_1526663_3222.html

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Sur le plan des Républicains, je comprends la réaction des marchés sur ce coup. Vouloir à la fois couper les dépenses ET baisser les impôts de manière massive vu l'état des comptes, c'est pour le moins audacieux. L'urgence c'est la rigueur budgétaire et la baisse du déficit public. Ensuite, il pourront penser à baisser les impôts en poursuivant la réduction du poids de l'État dans l'économie.

Sur ce genre de choses, les Républicains manquent de crédibilité. Ça peut leur coûter cher au final.

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Moi je ne me permettrais jamais de faire un article sur un auteur que je viens de décourvrir, je risquerais d'y dire de grosses bêtises, c'est ce que vient de faire l'auteur de cet article Sylvain Cypel qui manque singulièrement de culture, c'est comme ça, l'immonde est un journal de décérébrés.

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Ils font leur travail : conforter leur électorat dans leur pensée. Ils contorsionnent les idées de leurs adversaires pour les faire rentrer des cases construites préalablement. Le travestissement d'idées est leur travail quotidien.

Et puis, ne pas oublier que l'immonde vit des subventions de l'Etat. Il ne faut pas attendre de lui autre chose qu'un soutien inconditionnel de la main qui le nourrit et la caricature de ses détracteurs.

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D'aucuns nommeront cet idéal sauvage la loi de la jungle ou celle de la guerre sociale. On rappellera ici que même les théoriciens conservateurs contemporains de l'économie américaine, quoique grands "dérégulateurs", ont délaissé ces thèses effroyables. Mais voilà : comme l'économiste américano-autrichien Ludwig von Mises, Rand a théorisé jusqu'à l'extrême une propension assez répandue : rien n'est plus important que moi-même. Pour l'école qu'elle a fondée, dite "objectiviste", "l'égoïsme de l'intérêt personnel" est le principe moral directeur, le plus radicalement opposé à l'altruisme honni.

On sent que l'auteur avait besoin de faire un peu de name dropping en citant von Mises pour se donner un vernis de culture, accréditer son anathème de guerre sociale en agitant l'épouvantail de la théorie conservatrice. Il ne pouvait pas être plus à côté de la plaque, la méthode utilitariste de Mises consistant à écarter la morale pour se placer dans une perspective de coopération et de progrès social.

Si le Rand bashing est pourtant une saine activité qui ne nécessite pas d'être une lumière, elle semble hors de portée du journaliste.

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On sent que l'auteur avait besoin de faire un peu de name dropping en citant von Mises pour se donner un vernis de culture, accréditer son anathème de guerre sociale en agitant l'épouvantail de la théorie conservatrice. Il ne pouvait pas être plus à côté de la plaque, la méthode utilitariste de Mises consistant à écarter la morale pour se placer dans une perspective de coopération et de progrès social.

Si le Rand bashing est pourtant une saine activité qui ne nécessite pas d'être une lumière, elle semble hors de portée du journaliste.

Les fans qui se réclament de Ayn Rand aux Etats-Unis ne comprennent pas non plus toute la portée de ce qu'elle dit. Jamais aucun de ces conservateurs n'a revendiqué l'égoïsme comme vertu.

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Moi je ne me permettrais jamais de faire un article sur un auteur que je viens de décourvrir, je risquerais d'y dire de grosses bêtises, c'est ce que vient de faire l'auteur de cet article Sylvain Cypel qui manque singulièrement de culture, c'est comme ça, l'immonde est un journal de décérébrés.

Je ne crois pas qu'il ignore mais plutôt qu'il caricature volontairement. J'avais déjà pointé cela dans les discussions sur un autre article du bohomme, engagé dans le maoïsme et le trostkysme il y a quelques années.

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