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Mais pourquoi l'ennemi c'est Kant ?


Messages recommandés

L'ennemi, c'est Kant !

Je viens de voit la signature de lucillio (avant le cocktail).

9a fait un bout de temps que je me pose la question.

Ain Rand en dit pis que pendre et ne jure que par Aristote. Rothbard est plutôt Kantien semble t'il.

Ma sensibilité penche plutôt pour Aristote, mais j'avoue avoir assez peu de maitrise du sujet pour me faire une opinion solide.

Des âmes charitables pourraient elles m'éclairer ?

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L'ennemi, c'est Kant !

Je viens de voit la signature de lucillio (avant le cocktail).

9a fait un bout de temps que je me pose la question.

Ain rand en dit Pis que pendre et ne jure que par Aristote. Rothebard est plutôt Kantien semble t'il.

Ma sensibilité penche plutôt pour Aristote mais j'avoue avoir assez peut de maitrise du sujet pour me faire une opinion solide.

Des âmes charitables pourraient elle m'éclairer ?

Ton orthographe sent un peu le laisser-faire :icon_up:

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Des âmes charitables pourraient elles m'éclairer ?

En fait, faut panacher.

Un peu de l'un le matin, de l'autre le midi, et du troisième le soir (ou toute autre combinaison de ton choix).

Les avis, faut en changer souvent, comme de chemise. Question d'hygiène.

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Cette propagande contre Kant, oeuvre de Lucilio, n'est qu'une cabale honteuse!

On peut reprocher a juste titre la radicalisation de l'opposition foi/raison operee par le philosophe mais il fut un liberal authentique. Mais je suppose que son appartenance a l'Aufklarung en fait un complice du rationalisme francais, ce en quoi il devient un ennemi des libertes.

Je vais de ce pas modifier ma signature en signe de soutien au grand philosophe de la liberte qu'il fut.

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Kant a mené à Auschwitz et au Goulag, c'est bien connu.

De même, ses responsabilités dans l'extermination des Vendéens sont écrasantes.

J'rigole ….

Salut,

Je ne sais pas si Kant a conduit au goulag, mais il est bien connu que Heichmann s'est longuement référé à ce philosophe lors de son procès à Jérusalem. Hannah Arendt en a d'ailleurs parlé dans un de ses bouquins.

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Salut,

Je ne sais pas si Kant a conduit au goulag, mais il est bien connu que Eichmann s'est longuement référé à ce philosophe lors de son procès à Jérusalem. Hannah Arendt en a d'ailleurs parlé dans un de ses bouquins.

Chacun a sans doute sa manière d'interpréter l'impératif catégorique. Evidemment, si celui-ci consiste à gazer des "ubermenschen" …

merci néanmoins pour la référence.

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D'après ce que j'ai compris, il a dit - entre autre - qu'à partir de la solution finale il ne vivait plus sous les préceptes de Kant. Mais cela ne l'empêchait pas de rester dans une logique kantienne.

EDIT : En fait j'avais en souvenir un passage du texte de Arendt et je l'ai retrouvé avec un gros coup de bol. Voilà un extrait de l'extrait qui est assez éclairant :

Le cas de conscience d'Eichmann est évidemment complexe, mais il n'est nullement exceptionnel et difficilement comparable à celui des généraux allemands qui comparurent devant le tribunal de Nuremberg. L'on posa, à l'un de ces généraux, la question " Comment est-il possible que vous tous généraux honorables, vous ayez continué à servir un assassin aussi loyalement, sans poser la moindre question ? " L'interrogé, le général Alfred Jodl, qui fut pendu à la fin du procès, répondit que " ce n'est pas à un soldat de juger son chef suprême. C'est à l'Histoire de le faire, ou à Dieu ". Eichmann, beaucoup moins intelligent que Jodl et presque sans instruction, savait obscurément que ce n'était pas un ordre mais une loi qui les avait tous transformés en criminels. La différence entre un ordre et la parole du Führer, c'est que la validité d'un ordre est limitée dans le temps, dans l'espace, alors que la parole du Führer ne l'est pas. C'est pourquoi l'ordre du Führer ne l'est pas. C'est pourquoi l'ordre du Führer concernant la Solution finale fut suivi d'une pléthore de règles et de directives, toutes élaborées par des avocats spécialisés et des conseillers juridiques, et non par des administrateurs. Contrairement aux ordres ordinaires, cet ordre était considéré comme une loi. Inutile d'ajouter que ce fatras juridique n'est pas seulement un symptôme de la pédanterie, ni de la manie de la perfection, propres aux Allemands. Il avait sa raison d'être : donner à toute l'affaire une apparence de légalité.

"Eichmann soupçonnait bien que dans toute cette affaire son cas n'était pas simplement celui du soldat qui exécute des ordres criminels dans leur nature comme dans leur intention, que c'était plus compliqué que cela. Il le sentait confusément. L'on s'en aperçut pour la première fois lorsque au cours de l'interrogatoire de la police, Eichmann déclara soudain, en appuyant sur les mots, qu'il avait vécu toute sa vie selon les préceptes moraux de Kant, et particulièrement selon la définition que donne Kant du devoir. A première vue, c'était faire outrage à Kant. C'était aussi incompréhensible : la philosophie morale de Kant est, en effet, étroitement liée à la faculté de jugement que possède l'homme, et qui exclut l'obéissance aveugle. Le policier n'insista pas, mais le juge Raveh, intrigué ou indigné de ce qu'Eichmann osât invoquer le nom de Kant en liaison avec ses crimes, décida d'interroger l'accusé. C'est alors qu'à la stupéfaction générale, Eichmann produisit une définition approximative, mais correcte, de l'impératif catégorique : " Je voulais dire à propos de Kant, que le principe de ma volonté doit toujours être tel qu'il puisse devenir le principe des lois générales." (Ce qui n'est pas le cas pour le vol, ou le meurtre, par exemple : car il est inconcevable que le voleur, ou le meurtrier, puisse avoir envie de vivre sous un système de lois qui donnerait à autrui le droit de le voler ou de l'assassiner, lui.) Interrogé plus longuement, Eichmann ajouta qu'il avait lu La critique de la Raison pratique de Kant. Il expliqua ensuite qu'à partir du moment où il avait été chargé de mettre en oeuvre la Solution finale, il avait cessé de vivre selon les principes de Kant; qu'il l'avait reconnu à l'époque; et qu'il s'était consolé en pensant qu'il n'était plus " maître de ses actes ", qu'il ne pouvait " rien changer ". Mais il ne dit pas au tribunal qu'à cette " époque où le crime était légalisé par l'État " (comme il disait lui-même), il n'avait pas simplement écarté la formule kantienne, il l'avait déformée. De sorte qu'elle disait maintenant : " Agissez comme si le principe de vos actes était le même que celui des législateurs ou des lois du pays. " Cette déformation correspondait d'ailleurs à celle de Hans Franck, auteur d'une formulation de " l'impératif catégorique dans le Troisième Reich " qu'Eichmann connaissait peut-être : " Agissez de telle manière que le Führer, s'il avait connaissance de vos actes, les approuverait . " Certes, Kant n'a jamais rien voulu dire de tel. Au contraire, tout homme, selon lui, devient législateur dès qu'il commence à agir; en utilisant sa " raison pratique ", l'homme découvre les principes de la loi. Mais la déformation inconsciente qu'Eichmann avait fait subir à la pensée de Kant correspondait à une adaptation de Kant " à l'usage domestique du petit homme ", comme disait l'accusé. Cette adaptation faite, restait-il quelque chose de Kant ? Oui : l'idée que l'homme doit faire plus qu'obéir à la loi, qu'il doit aller au-delà des impératifs de l'obéissance et identifier sa propre volonté au principe de la loi, à la source de toute loi.

Cette source, dans la philosophie de Kant, est la raison pratique; dans l'usage qu'en faisait Eichmann, c'était la volonté du Führer. Et il existe en effet une notion étrange, fort répandue en Allemagne, selon laquelle " respecter la loi " signifie non seulement " obéir à la loi ", mais aussi " agir comme si l'on était le législateur de la loi à laquelle on obéit ". D'où la conviction que chaque homme doit faire plus que son devoir. Ce qui explique en partie que la Solution finale ait été appliquée avec un tel souci de perfection. L'observateur, frappé par cette affreuse manie du " travail fait à fond ", la considère en général comme typiquement allemande, ou encore : typiquement bureaucratique.

On ignore jusqu'à quel point Kant a contribué à la formation de la mentalité du " petit homme " en Allemagne. Mais il est certain que, dans un certain sens, Eichmann suivait effectivement les préceptes de Kant : la loi, c'était la loi; on ne pouvait faire d'exceptions. Et pourtant à Jérusalem, Eichmann avoua qu'il avait fait deux exceptions à l'époque où chacun des " quatre-vingts millions d'Allemands " avait " son Juif honnête ". Il avait rendu service à un cousin demi-juif, puis, sur l'intervention de son oncle, à un couple juif. Ces exceptions, aujourd'hui encore, l'embarrassaient. Questionné, lors du contre-interrogatoire, sur ces incidents, Eichmann s'en repentit nettement. Il avait d'ailleurs " confessé sa faute " à ses supérieurs. C'est qu'à l'égard de ses devoirs meurtriers, Eichmann conservait une attitude sans compromis -attitude qui, plus que tout le reste, le condamnait aux yeux de ses juges, mais qui dans son esprit, était précisément ce qui le justifiait. Sans cette attitude il n'aurait pu faire taire la voix de sa conscience, qu'il entendait peut-être encore, si timorée fût-elle. Pas d'exceptions : c'était la preuve qu'il avait toujours agi contre ses " penchants " -sentimentaux ou intéressés-, qu'il n'avait jamais fait que son " devoir "."

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal (1963)

La source ici : http://www.paris4philo.org/article-12913830.html

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Je ne suis pas très kantien non plus, mais sans doute pas pour les raisons de Lucilio, que je laisse donc répondre. C'est surtout la critique nietzchéenne de "l'araignée de Königsberg" que je trouve pertinente, critique non libérale bien sûr.

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Kant a mené à Auschwitz et au Goulag, c'est bien connu.

[mode PtitSuiche]

Disons que ce sont des externalités négatives du philosophe.

[/mode PtitSuiche]

Tout à fait. C'est Kant on veut.

Et Kant on peut, car il s'agit parfois de physique kantique.

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L'ennemi, c'est Kant !

Je viens de voit la signature de lucillio (avant le cocktail).

9a fait un bout de temps que je me pose la question.

Ain Rand en dit pis que pendre et ne jure que par Aristote. Rothbard est plutôt Kantien semble t'il.

Ma sensibilité penche plutôt pour Aristote, mais j'avoue avoir assez peu de maitrise du sujet pour me faire une opinion solide.

Des âmes charitables pourraient elles m'éclairer ?

Emmanuel Kant was a real pissant

Who was very rarely stable.

Heidegger, Heidegger was a boozy beggar

Who could think you under the table.

David Hume could out-consume

Schopenhauer and Hegel,

And Wittgenstein was a beery swine

Who was just as schloshed as Schlegel.

There's nothing Nietzsche couldn't teach ya

'Bout the raising of the wrist.

John Stuart Mill, of his own free will,

On half a pint of shandy was particularly ill.

Plato, they say, could stick it away

Half a crate of whiskey every day.

Aristotle, Aristotle was a bugger for the bottle,

Hobbes was fond of his dram,

And Rene Descartes was a drunken fart:

"I drink, therefore I am"

Yes, Socrates, himself, is particularly missed;

A lovely little thinker but a bugger when he's pissed!

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D'après ce que j'ai compris, il a dit - entre autre - qu'à partir de la solution finale il ne vivait plus sous les préceptes de Kant. Mais cela ne l'empêchait pas de rester dans une logique kantienne.

Restons serieux deux minutes, le systeme philosophique kantien s'articule tout entier autour de la liberte. Il s'agit bien en l'occurence de la liberte vraie, pas celle d'un Rousseau ou d'un Spinoza.

Chacun trouvera donc ce qu'il voudra dans le sillage du philosophe puisqu'il ne propose pas de systeme determine mais un guide sans certitudes. C'est par ailleurs ce qui fait la faiblesse et la limitation de sa philosophie, un manque d'affirmation de ce qu'est la morale par un trop grand relativisme a ce propos.

L'imperatif categorique peut donc se trouver a legitimer tout et n'importe quoi, mais dans le cas du nazisme il entre en contradiction totale avec les hymnes a la liberte du philosophe Allemand.

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Chacun trouvera donc ce qu'il voudra dans le sillage du philosophe puisqu'il ne propose pas de systeme determine mais un guide sans certitudes.

Kant, sans certitudes ? Allons, c'est donc d'Eva Kant dont tu parles. :mrgreen:

C'est par ailleurs ce qui fait la faiblesse et la limitation de sa philosophie, un manque d'affirmation de ce qu'est la morale par un trop grand relativisme a ce propos.

:doigt: Kant est un maximaliste moral de tout premier ordre, et Péguy l'avait déjà vu ("Le kantien a les mains pures ; par malheur, il n'a pas de mains"). Quant à Ruwen Ogien, le philosophe-bonobo ( :icon_up: ), pourrait reprendre à son compte la phrase "Kant (et Aristote), c'est l'ennemi".

Je tiens à préciser que j'aime beaucoup Kant, sinon : ça pourrait bien ne pas se voir, si je ne faisais pas cet ajout. :mrgreen:

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Quand je parle de certitudes c'est a propos des systemes d'application concrets. Qu'il ait eu des certitudes quant a sa philosophie ca me semble assez evident, comme tout philosophe de sa dimension.

Pour ce qui est de la morale, Kant la place au premier rang mais ne la definit pas comme etant une doctrine mais comme l'aboutissement du suivi de la liberte individuelle.

Disons que pour moi la morale kantienne ne permet pas d'extrapolation claire sur un comportement a suivre ou a ne pas suivre, a l'oppose de la morale chretienne par exemple. Enfin il doit y avoir autant de lecture de Kant possible que d'individu donc…

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Disons que pour moi la morale kantienne ne permet pas d'extrapolation claire sur un comportement a suivre ou a ne pas suivre, a l'oppose de la morale chretienne par exemple.

Ah non, quand Kant dit que la masturbation c'est horrible et immoral, il est passablement clair. De même quand il refuse le mensonge sous toutes conditions.

Enfin il doit y avoir autant de lecture de Kant possible que d'individu donc…

Là, tu confonds sans doute avec Spinoza. :icon_up:

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Ah non, quand Kant dit que la masturbation c'est horrible et immoral, il est passablement clair. De même quand il refuse le mensonge sous toutes conditions.

Kant reste aussi avant tout chretien, je doute cependant que ces interdictions decoulent de son systeme philosophique.

Si tu as ses justifications a ce propos ca m'interesse, de memoire il me semble que c'etait plutot issus de sa morale propre (je ne connais pas sa condamnation de la masturbation)

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Kant reste aussi avant tout chretien, je doute cependant que ces interdictions decoulent de son systeme philosophique.

Si tu as ses justifications a ce propos ca m'interesse, de memoire il me semble que c'etait plutot issus de sa morale propre (je ne connais pas sa condamnation de la masturbation)

C'est dans la Métaphysique des moeurs, la doctrine de la vertu je crois, là où il prend des exemples concrets de règles de vie (sur le suicide, etc.). Ne jamais se prendre comme un moyen, toujours comme une fin : logique de ne pas se masturber, cela fait au contraire partie du système philosophique kantien. Cela en expose d'ailleurs assez bien l'idéalisme et le caractère totalement invivable, taillé à la démesure de son auteur. Kant m'est sympathique pour cette démesure rationaliste et idéaliste, mais c'est en quelque sorte involontaire, ma sympathie s'arrête là.

Il y a bien sûr plusieurs lectures possibles de Kant. Son système laisse une faible marge d'interprétation, mais on peut l'interpréter aussi dans la dynamique de son époque, pas tellement dans sa cohérence interne. Pour le côté positif, j'y vois l'autonomie de la raison critique, en quoi Kant est moderne. Pour le côté négatif, j'y vois cette raison mise au service de l'universalisation morale, en quoi Kant est un exemple de la laïcisation du christianisme, la poursuite des mêmes fins (convertir tout le monde à un seul modèle, imposer des règles à la conscience) par d'autres moyens (la raison elle-même est censée produire cette conversion et cette autolimitation).

En critique de fond sur la dimension interne cette fois, cela irait un peu loin et c'est complexe (la reprise de la division noumène-phénomène et l'impossibilité pour la raison d'atteindre les noumènes, la conservation du postulat de dieu dans la raison pratique, la fondation de la morale sur la maxime d'universalisation et l'opposition fin-moyen, l'erreur anthropologique globale c'est-à-dire la construction d'un système aux antipodes de l'expérience morale humaine, aboutissant à l'impossibilité pratique de ce système, etc.).

PS : J'avais lu quelque part que Kant était très bien vu sous le IIIe Reich, mais je ne sais plus où hélas, et c'est de toute façon de la petite histoire. A la limite cela paraît incongru au regard du nazisme, je pense qu'il était célébré dans l'esprit du régime comme "grand penseur allemand", une logique pangermaniste.

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Ah non, quand Kant dit que la masturbation c'est horrible et immoral, il est passablement clair. De même quand il refuse le mensonge sous toutes conditions.

A qui ça peut bien nuire ?

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Kant reste aussi avant tout chretien, je doute cependant que ces interdictions decoulent de son systeme philosophique.

Si tu as ses justifications a ce propos ca m'interesse, de memoire il me semble que c'etait plutot issus de sa morale propre (je ne connais pas sa condamnation de la masturbation)

Il me semble (source de seconde main) qu'il la justifie par la mise sur le même plan que la prostitution, i.e. l'interdiction de se servir d'autrui comme moyen pour arriver à ses buts propres, et par la suite de le jeter comme on le ferait d'un citron qu'on aurait pressé (la métaphore est dans le texte).

[…] je pense qu'il était célébré dans l'esprit du régime comme "grand penseur allemand", une logique pangermaniste.

Possible : sa Königsberg natale, aux confins orientaux de la Prusse, est tellement à l'est qu'elle se trouve aujourd'hui en Russie.

A qui ça peut bien nuire ?

La morale kantienne n'est pas une morale basée sur la non-nuisance (comme les morales minimalistes), mais comme réponse maximaliste à la question "Que dois-je faire ?". Le rapport à soi-même est pleinement objet de la morale kantienne, que ce soit pour la masturbation ou le non-développement de ses talents.

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L'ennemi, c'est Kant !

Ce serait là le cri du coeur de Michel Villey repris par Alain Sériaux dans un article lui rendant hommage paru dans Raisons politiques, "Loi naturelle, droit naturel, droit positif". En effet, Michel Villey daterait de Kant l'abandon du Droit naturel classique au profit des droits naturels. Fatale erreur philosophico-juridique qui aurait permis l'invasion totalitaire du droit positif dans l'ordre juridique contemporain.

[…] C’est contre ce type d’interprétation de saint Thomas que Michel Villey s’est justement efforcé de réagir. Procédant à sa propre « lecture » de l’œuvre du « Docteur angélique », il le rangea sous la bannière d’un strict réalisme, qui voit dans le droit purement et simplement une chose (res) et considère par suite que l’ordre juridique se trouve inscrit dans l’ordre même de l’univers. Ce droit (naturel) n’est pas la loi (naturelle), laquelle n’a qu’une dimension morale ; elle n’est pas « dans les choses » extérieures à l’homme, mais dans l’homme lui-même, mieux, dans sa conscience. Le droit (naturel) n’a pas plus à voir avec les droits (naturels) de l’homme, prérogatives subjectives dont la pensée moderne s’est abreuvée après qu’elle eut effacé de son horizon l’ordre objectif des choses. Le vrai droit repose sur des relations entre les hommes, non sur des individus humains et c’est à propos des choses dues par les uns aux autres qu’il se dit. […]

[…] Tout jusnaturaliste tient sans ambages que la juridicité ou la légalité ne s’épuisent pas dans ces droits ou ces lois par lesquels les diverses sociétés humaines ont accepté d’être liées à un moment quelconque de leur histoire. Tout au contraire, ces mêmes droits et lois (positifs) ne sont que des manifestations plus ou moins heureuses d’une réalité plus profonde : le droit ou la loi ou les droits naturels. Ne point tenir compte de ce fait, c’est s’exposer à l’irrémédiable possibilité d’un ordre politique injuste. Réflexion faite, les jusnaturalistes ne croient même pas qu’une telle aporie serait surmontée en acceptant, comme le font bon nombre de leurs adversaires, qu’à côté et parfois même au-dessus du droit (qui n’est, de leur point de vue, que positif), il existe des « valeurs » morales, des « principes » politiques ou religieux auxquels chacun est libre d’adhérer et qui serviraient tout aussi bien la finalité de justice assignée ici au droit naturel. Si ces « valeurs » et « principes » ne sont pas proprement juridiques, jamais ils ne serviront d’authentiques butoirs à la prépotence des pouvoirs, publics comme privés. Au demeurant, l’expérience montre que les principes « supérieurs » au nom desquels est amenée à se prononcer, sitôt entrée en fonctionnement, une instance de « désautorisation » du pouvoir, sont, à bref délai, unanimement qualifiés de juridiques. […]

En France comme ailleurs, ces controverses peuvent paraître à beaucoup éculées ; rien n’empêche de croire, comme le font d’ailleurs nombre de catholiques eux-mêmes, que le renouvellement de la théorie du droit passe par des voies bien plus stimulantes que celles qu’empruntent les notions du droit naturel. Elles ont cependant l’extrême mérite de ramener sur le devant de la scène des questions philosophiques qui, pour être traditionnelles, n’en sont pas moins centrales. Ne se situent-elles pas au cœur des étirements dialectiques constitutifs de la modernité et dans une large mesure encore de la « postmodernité » ? De fait, la mission « critique » du droit naturel semble toute tracée. Quoi qu’on en dise parfois, l’ennemi c’est Kant. Le recours au droit naturel comme étalon de mesure du droit positif implique que la vérité du « phénomène » juridique réside dans un « noumène » accessible à la raison humaine et partant susceptible d’être dit et voulu comme tel. C’est sur ce point qu’insiste avec force l’Église catholique lorsqu’elle affirme que « l’intelligence ne se borne pas aux seuls phénomènes ; elle est capable d’atteindre, avec une authentique certitude, la réalité intelligible, en dépit de la part d’obscurité et de faiblesse que laisse en elle le péché » (Gaudium et Spes, n. 15). Il en va spécialement ainsi en matière morale, où il faut de toute nécessité tenir que « les jugements de la conscience peuvent être objectivement vrais » (Fides et Ratio, n. 82, et surtout Veritatis Splendor, n. 57 et suiv.). Montrer que scientifiquement le droit positif devient littéralement incompréhensible, si on le dépouille de la « dimension cachée » du droit naturel, tel est le défi que doivent relever les jusnaturalistes. Il est considérable, dans la mesure où la plupart des alternatives aux thèses qu’ils défendent n’entendent pas, consciemment ou non, transgresser les bornes fixées par la critique kantienne.

[…]

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En effet, Michel Villey date de Kant l'abandon du Droit naturel classique au profit des droits naturels.

Il fait plutôt remonter ce basculement à l'École de Salamanque, qu'il estime infidèle à l'enseignement thomiste, dans la mesure où elle a introduit le ver nominaliste dans le fruit.

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(…)

La morale kantienne n'est pas une morale basée sur la non-nuisance (comme les morales minimalistes), mais comme réponse maximaliste à la question "Que dois-je faire ?". Le rapport à soi-même est pleinement objet de la morale kantienne, que ce soit pour la masturbation ou le non-développement de ses talents.

Voilà, c'est la lecture de Ruwen Ogien qui oppose les minimalistes aux maximalistes, ces derniers considérant que la morale doit régler le rapport à soi, pas seulement le rapport aux autres. (Donc, de ce point de vue critique, Kant et Aristote sont dans la même catégorie "maximaliste").

On peut aussi faire d'autres grilles de lecture. Pour ma part, je suis aussi intéressé par l'opposition universaliste / pluraliste. Kant appartient de ce point de vue au camp universaliste selon lequel la morale pourrait posséder un fondement univoque, applicable en tous temps et en tous lieux, valable pour l'ensemble des dilemmes se présentant à l'homme. Le système kantien est une réponse à la question "que dois-je faire ?" qui fait l'économie formelle de dieu, mais qui conserve de fait le principe d'universalisation inspirant le monothéisme de sa culture d'origine. A mon sens, ce principe est biaisé dès le départ, il est indissociable de la croyance en un dieu unique (d'où découle la valeur universelle et transcendante des commandements divins de nature morale) et la tentative de le fonder sur la seule raison humaine échouera à un moment ou à un autre.

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Il fait plutôt remonter ce basculement à l'École de Salamanque, qu'il estime infidèle à l'enseignement thomiste, dans la mesure où elle a introduit le ver nominaliste dans le fruit.

Disons que, selon Villey, le virus aurait effectivement été innoculé à ce moment, mais que le coup fatal daterait bien de la seconde moitié du 18e siècle.

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Ce serait là le cri du coeur de Michel Villey repris par Alain Sériaux dans un article lui rendant hommage paru dans Raisons politiques, "Loi naturelle, droit naturel, droit positif". En effet, Michel Villey daterait de Kant l'abandon du Droit naturel classique au profit des droits naturels. Fatale erreur philosophico-juridique qui aurait permis l'invasion totalitaire du droit positif dans l'ordre juridique contemporain.

(…)

J'ai toujours autant de difficulté avec cette position, difficulté conceptuelle dès le départ car il faut accepter comme préalable la pertinence de toute une série de concepts (droit naturel, loi naturelle) dont je peine à discerner l'inscription dans la réalité. Et dès le départ, la morale est rabattue sur le droit alors que la première me semble plus vaste (la morale dans l'histoire et la pensée humaines, c'est aussi bien la manière dont on évalue les vices et les vertus, les comportements que l'on juge bon ou mauvais, les choix innombrables dans les dilemmes d'éthique concrète, etc.)

Dans cette citation :

Ce droit (naturel) n’est pas la loi (naturelle), laquelle n’a qu’une dimension morale ; elle n’est pas « dans les choses » extérieures à l’homme, mais dans l’homme lui-même, mieux, dans sa conscience. Le droit (naturel) n’a pas plus à voir avec les droits (naturels) de l’homme, prérogatives subjectives dont la pensée moderne s’est abreuvée après qu’elle eut effacé de son horizon l’ordre objectif des choses. Le vrai droit repose sur des relations entre les hommes, non sur des individus humains et c’est à propos des choses dues par les uns aux autres qu’il se dit. […]

Le propos semble être : on doit objectiver le droit par l'étude des relations entre les hommes sans tenir compte de la conscience des individus. Mais je ne comprends bien où cela mène, ni surtout comment on peut étudier des relations humaines en les vidant de leur dimension consciente et subjective. Ce ne sont plus des humains que l'on étudie alors.

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