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Le procès


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Concernant les dérives de la société de l'information ubiquitaire (collecte, traitement, détention etc.) on fait souvent appel à la figure littéraire du big brother de 1984. On met rarement en avant une autre oeuvre littéraire majeure qui, a mon avis, est très intéressante pour comprendre un phénomène majeur engendré par internet : le grégarisme.

Il s'agit du Procès de Kafka. L'idée est que, et cela se voit le mieux dans les réseaux sociaux type facebook, on pose des informations dont on ne sait pas qui va les lire, ce qu'il va en faire et pourquoi. Un peu comme ce procès aveugle et dément où Joseph K ne sait pas de quoi il est accusé, par qui il est jugé etc. Le résultat est l'obtention d'un conformisme incroyable. A quelques exceptions près, cette peur confuse pousse au manque d'originalité (pour ne pas avoir la tête qui dépasse du rang). En gros, la majeure partie des gens (sauf des sociopathes patentés) craint toujours d'être "mal jugée" et vu qu'on ne connait rien du procès (sur internet on est face au monde) la stratégie la plus adaptée semble être celle du conformisme (photo du chien, des amis, présentations en trois phrases stéréotypées, logorrhée répétitive des blogs médiocres etc.).

D'ailleurs ce processus est poussé à son extrême limite dans les émissions de télé réalité : j'ai toujours été frappé par le fait que les candidats adoptent un comportement tout sauf réaliste (ils jouent un rôle qui est celui de participer à de la tv réalité). J'avais pas saisi ce lien avec le procès de Kafka mais maintenant que j'y pense ça me semble parlant.

Je crois que cette oeuvre peut aussi aider à comprendre le malaise sur la vidéo surveillance généralisée : c'est un autre type d'argument que le sempiternel big brother, bien plus parlant car il y a dans le procès ce malaise permanent de l'indicible (métaphore plus jolie que celle d'un pouvoir qui même s'il est éthérée reste "concrète").

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Il s'agit du Procès de Kafka. L'idée est que, et cela se voit le mieux dans les réseaux sociaux type facebook, on pose des informations dont on ne sait pas qui va les lire, ce qu'il va en faire et pourquoi. Un peu comme ce procès aveugle et dément où Joseph K ne sait pas de quoi il est accusé, par qui il est jugé etc. Le résultat est l'obtention d'un conformisme incroyable. A quelques exceptions près, cette peur confuse pousse au manque d'originalité (pour ne pas avoir la tête qui dépasse du rang). En gros, la majeure partie des gens (sauf des sociopathes patentés) craint toujours d'être "mal jugée" et vu qu'on ne connait rien du procès (sur internet on est face au monde) la stratégie la plus adaptée semble être celle du conformisme (photo du chien, des amis, présentations en trois phrases stéréotypées, logorrhée répétitive des blogs médiocres etc.).

Mais que dirait Kundera si il te voyait ainsi instrumentaliser Kafka? :icon_up: En parlant de Kundera, cette façon de s'adresser non pas à un auditoire précis, mais au monde, et l'impact que cela a sur le contenu du discours me fait plutôt penser à la figure du danseur dans "La Lenteur".

D'ailleurs ce processus est poussé à son extrême limite dans les émissions de télé réalité : j'ai toujours été frappé par le fait que les candidats adoptent un comportement tout sauf réaliste (ils jouent un rôle qui est celui de participer à de la tv réalité). J'avais pas saisi ce lien avec le procès de Kafka mais maintenant que j'y pense ça me semble parlant.

C'est un point qui me semble négligé dans les études sur Kafka (le peu que j'en ai vu), on parle de critique de la bureaucratie, de mysticisme, d'anarchisme… Et pourtant, l'une de ses oeuvres principales (le procès donc) se termine de façon assez explicite sur la honte, et dans la lettre au père il écrit (en gros) "Je n'ai jamais jamais été guidé dans ma vie que par le regard des autres".

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Les sociopathes sont au contraire très soucieux de la vision qu'ont d'eux les autres et ne s'interdisent aucun mensonge, ni aucune autre considération éthique pour se créer un "fan club", ce qui en fait des manipulateurs dangereux.

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En fait, ce qui caractérise le sociopathe, c'est son absence de sentiment de culpabilité dans tout ce qu'il fait. Ce qui en fait de très bons politiciens.

Et pourquoi pas au contraire un sentiment de culpabilité permanent qui lui ferait construire une apparence entre lui et le monde.

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Et pourquoi pas au contraire un sentiment de culpabilité permanent qui lui ferait construire une apparence entre lui et le monde.

Je ne pense pas, mais si tu développes, le différend pourrait s'éclaircir.

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Je ne pense pas, mais si tu développes, le différend pourrait s'éclaircir.

De toute façon cela revient au même, il agit indépendamment de tout sentiment de culpabilité, soit parce qu'il n'en a pas, soit parce qu'il est partout et donc développe une interface artificielle avec le monde.

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  • 10 months later...
Concernant les dérives de la société de l'information ubiquitaire (collecte, traitement, détention etc.) on fait souvent appel à la figure littéraire du big brother de 1984. On met rarement en avant une autre oeuvre littéraire majeure qui, a mon avis, est très intéressante pour comprendre un phénomène majeur engendré par internet : le grégarisme.

Il s'agit du Procès de Kafka. L'idée est que, et cela se voit le mieux dans les réseaux sociaux type facebook, on pose des informations dont on ne sait pas qui va les lire, ce qu'il va en faire et pourquoi. Un peu comme ce procès aveugle et dément où Joseph K ne sait pas de quoi il est accusé, par qui il est jugé etc. Le résultat est l'obtention d'un conformisme incroyable. A quelques exceptions près, cette peur confuse pousse au manque d'originalité (pour ne pas avoir la tête qui dépasse du rang). En gros, la majeure partie des gens (sauf des sociopathes patentés) craint toujours d'être "mal jugée" et vu qu'on ne connait rien du procès (sur internet on est face au monde) la stratégie la plus adaptée semble être celle du conformisme (photo du chien, des amis, présentations en trois phrases stéréotypées, logorrhée répétitive des blogs médiocres etc.).

D'ailleurs ce processus est poussé à son extrême limite dans les émissions de télé réalité : j'ai toujours été frappé par le fait que les candidats adoptent un comportement tout sauf réaliste (ils jouent un rôle qui est celui de participer à de la tv réalité). J'avais pas saisi ce lien avec le procès de Kafka mais maintenant que j'y pense ça me semble parlant.

Je crois que cette oeuvre peut aussi aider à comprendre le malaise sur la vidéo surveillance généralisée : c'est un autre type d'argument que le sempiternel big brother, bien plus parlant car il y a dans le procès ce malaise permanent de l'indicible (métaphore plus jolie que celle d'un pouvoir qui même s'il est éthérée reste "concrète").

Finalement n'est-il pas vain de lutter contre cet instinct grégaire ? et le besoin de s'en écarter, de se sentir différent, ne correspond-il pas lui-même à une mécanique du même type ? Au fond facebook associe les deux logiques.

ça s'appelle le snobisme : ce n'est pas qu'on fait la même chose, c'est plutôt qu'on copie pour appartenir à un groupe estimé supérieur -les gens sur facebook, qui sont cools et vivent sur des campus américains-, et se démarquer d'un autre, les nuls pas in. Et on constate que facebook s'est diffusé des pays anglophones vers le reste du monde ainsi que des riches et des éduqués vers les moins riches et les moins éduqués. De sorte d'ailleurs que le buzz est condamné, un nouveau snobisme prendra sa place à terme.

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Finalement n'est-il pas vain de lutter contre cet instinct grégaire ? et le besoin de s'en écarter, de se sentir différent, ne correspond-il pas lui-même à une mécanique du même type ? Au fond facebook associe les deux logiques.

:icon_up: L'éternelle lutte entre Parménide et Héraclite, entre ce qui est immuable et ce qui se transforme continuellement, version Web 2.0. Il faut bien sûr une référence (la masse grégaire) pour pouvoir parler de l'individu (qui s'en différencie). Donc bien sûr que c'est vain.

Pour moi c'est surtout un argument à creuser pour montrer que la surveillance généralisée (sur internet, par des caméras etc.) n'est pas sans répercussions fortes pour chacun et pour nos libertés, et ainsi m'opposer à ce sentiment diffus du "si je ne fais rien de mal alors ça change rien si on me surveille en permanence", argument d'une pauvreté misérable s'il en est.

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Pour moi c'est surtout un argument à creuser pour montrer que la surveillance généralisée (sur internet, par des caméras etc.) n'est pas sans répercussions fortes pour chacun et pour nos libertés, et ainsi m'opposer à ce sentiment diffus du "si je ne fais rien de mal alors ça change rien si on me surveille en permanence", argument d'une pauvreté misérable s'il en est.

Je pense que la caméra de surveillance se multiplie parce que, si elle donne le sentiment d'être observé, elle ne surveille en réalité rien du tout. Et comme ça ne marche pas il en faut plus. Rien de nouveau.

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  • 11 months later...

http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2010/05/…mbres-a-coucher

Dans la société de surveillance, de contrôle et de suspicion, le problème, ce n’est pas Orwell, c’est Kafka, ce qu’a très opportunément souligné Daniel Solove, professeur de droit à l’université George Washington, auteur de plusieurs livres sur les notions d’identité et de vie privée, dans un remarquable article intitulé “Je n’ai rien à cacher”, et autres malentendus au sujet de la vie privée, qui a largement inspiré le journaliste Hubert Guillaud dans son article sur la valeur sociale de la vie privée.

L'idée développée est assez différente de celle de Kassad.

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Rappelons l'excellente adaptation du Procès par Orson Welles, avec Anthony Perkins dans le rôle de K.

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Un film magnifique mais terriblement ennuyeux. J'ai dû le regarder en deux fois, à six mois d'intervalle. Welles était un cinematographer de génie, pas un réalisateur.

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