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Les Deux Anarchismes


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Très intéressant Valentin, j'en étais arrivé aux même conclusions, mais c'était beaucoup moins bien dit….. :doigt:

Sinon pour les anar cap qui sont motivés, des sections de l'anarchopedia concernant justement les anarcap n'attendent que vos plumes (Section F et G de la FAQ par exemple)….

Ici

Allez y mollo !! :icon_up:

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Bref, suivant, librement, les catégories de Stephen Toulmin, je distingue donc :
  1. Un anarchisme analytique-théorique (…)
  2. Un anarchisme substantiel

Allez, je me lance dans une tentative de réponse en revenant au début du post.

En toute franchise, je ne crois pas réellement que tes critères soient totalement pertinents pour l'analyse des "deux anarchismes". Je serai d'ailleurs tenté de dire plus généralement les "deux libertarianismes", si tant est que cette dichotomie soit aussi claire et tranchée que celle que tu as présentée.

Je ne crois qu'il faille comme toi, discréditer d'emblée l'approche analytique, parce que présentée comme tu l'as fait, cela ressemble beaucoup plus à une pétition de principes qu'autre chose. Cette approche n'est problématique que par ses (énormes) limites et apories.

Je ferai un petit parallèle avec ce que je pourrais qualifier d'"approche scientifique". On cherche à comprendre les phénomènes, à dégager les principes de fonctionnement, les causalités qu'il existe entre les manifestations. Tout d'abord, on applique un raisonnement rationnel, on cherche à faire une étude selon nos propres normes de compréhension, puis… on aboutit à un résultat. Mais perdurent des résultats dont on est incapable d'imaginer la portée ou les causes, et c'est ici que cesse l'approche selon nos capacités de compréhension (raison), et qu'on substitue une démarche plus incertaine, mais qui restaure un certain sens (la foi, serais-je tenté de dire, au sens large). Bien entendu, le rationnaliste n'échappe pas à cette perspective, puisque - bien qu'il parait que cela soit un sophisme que d'utiliser ce terme -, il a foi dans les capacités d'élucidation que permet la raison, au delà de ce qu'elle lui permettait "normalement".

Back to the subject. Il n'est donc pas inutile d'adopter l'approche analytique, parce que son problème n'est pas tant propre à cette posture, mais relatif à ces limites. Il n'est donc pas valable de rejeter les conclusions d'une telle approche, tant qu'ils sont effectivement établi de manière rationnelle et "normale"/"raisonnable" (voir ce que je disais par "normalement" ci-dessus).

Ce qui se passe alors avec une telle approche, c'est que les conclusions que l'on peut en tirer sont très très restreinte en ce qui concerne le domaine politique. Pour le constater, il suffit de pousser l'analytique dans ses moindres recoins, dans ses moindres retranchements, pour voir où les concepts sont mal précisés ou simplistes, ou la rigueur est seulement une présomption de rigueur…

J'ai lu que tu placais Rothbard dans ce que tu as appellé l'anarchisme-analytique, cela ne m'étonne guère. Testons ma petite technique sur ce que dit Rothbard.

Voyons comme il définit la "nature humaine"? J'écrivais il y a peu qu'une contrainte linguistique m'obligeait à reconnaitre qu'il y avait une "nature" (condition nécessaire et suffisante) propre à l'"homme", que c'était une contrainte de la définition. Mais, cette caractéristique de la "nature" est en premier lieu d'ordre biologique (mammifère amniotique bipède, etc.), et non d'ordre comportemental (ce sur quoi il n'y a aucun consensus entre les philosophes qui se sont arrachés les cheveux sur la questions depuis des siècles). Alors, que peut-on déduire sur le domaine juridique d'une nature d'ordre biologique?

Autre chose, Rothbard passe l'isonomie comme évidente, puisque "tous les hommes ont la même nature, et comme les droits découlent de la nature humaine…". Il cherche alors à faire passer comme contrainte logique du raisonnement, ce qui est un jugement moral porté par le locuteur (donc nécessairement, hors du champ analytique), par une petite pirouette. En effet, c'est par définition que les hommes ont la même nature, puisque c'est précisement ce qui permet de définir le terme d'homme, donc en postulant l'existence d'une nature humaine spécifique, Rothbard en déduit que par définition tous les hommes ont la même, et qu'à ce titre, ils ont les mêmes droits. Il s'agit ici d'une forme de tautologie, de paraphrase du terme en question, pour en arriver à une conclusion de l'isonomie, qui était compris dans l'approche individualiste…

Bon, les exemples font legion, je pourrais continuer : le principe de proportionnalité, le double-talion, les droits des enfants, etc. L'axiome au moins nécessaire au raisonnement (comme à tout raisonnement analytique) n'est pas mis en évidence…

Que conclure de ce que je viens de lire ci-dessus? Qu'on ne peut en rester strictement à l'approche analytique, parce qu'en soit, elle prétend à une rigueur, qui n'en a que l'apparence, et simplifie les concepts à mesure qu'elle avance dans son raisonnement…

C'est ici qu'intervient ce que je pourrais appeler l'"intentionnalité" du raisonnement, de la position libertarienne/liberale. La question est : "quelle était notre but?". Délégitimer l'Etat, l'abolir, ou alors faire respecter au maximum les droits individuels? Se préocuper de la première alternative, sans soucis de la seconde, alors que c'était l'appui de l'argumentation, me parait tout à fait grotesque, ou hypocrite.

Alors, étudions la seconde, "respecter au maximum les droits individuels", ce qui est important dans ma phrase est le "au maximum". En effet, si on définit l'Etat comme l'entité qui viole de manière permanente et systèmatique, les droits individuels, qu'est-ce qui nous garantit que de telles violations puissent être définitivement abolies par l'abolition de l'Etat? Ce que je veux faire toucher du doigt ici, c'est que même dans l'approche analytique, il manque un élèment : après l'analyse, il manque la synthèse, par rapport à l'intention originelle : "faire respecter au maximum les droits individuels".

En dehors du champ purement analytique, les anarchistes et les libertariens en général se voient donc astreints, par la force des choses, à juger de la souhaitabilité de leurs conclusions, à la justice de leurs préceptes, et à la concordance entre leurs conclusions vis-à-vis de leurs objectifs premiers. C'est parce que la sphère de la determination des principes politiques via l'analytique est fort restreinte, voire inexistance, que cela est nécessaire.

De mon point de vue, la distinction entre les deux libertarianismes est donc à faire entre ceux qui en restent à l'approche analytique, mais qui même selon leurs propres critères n'ont pas "raison", et ceux qui la dépassent, par nécessité du raisonnement. Mais les deux visions, ne sont pas nécessairement antinomiques.

(Oufff, j'ai fini!)

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@ Eti-N, il ne s'agit pas de prétendre que, dans une société libertarienne, les droits individuels seront TOUJOURS respectés, mais de dire que les individus seront mis face à leurs responsabilités. Tout simplement.

Dans ce cas, what's the problem of a minimal state? Si on estime que la violation des droits individuels par l'existence d'un Etat minimal vaut mieux pour ces mêmes droits que les risques qu'il y a à courir pour ces mêmes droits dans une société anar-cap (au moins à terme d'ailleurs…)

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Dans ce cas, what's the problem of a minimal state? Si on estime que la violation des droits individuels par l'existence d'un Etat minimal vaut mieux pour ces mêmes droits que les risques qu'il y a à courir pour ces mêmes droits dans une société anar-cap (au moins à terme d'ailleurs…)

Le problème ? Tout simplement, la sécurité de chacun n'a pas à être subventionnée de force par les autres individus. Or c'est le cas dans un Etat minimal.

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Le problème ? Tout simplement, la sécurité de chacun n'a pas à être subventionnée de force par les autres individus. Or c'est le cas dans un Etat minimal.

:-| Quelle était mon propos? Le but du libéralisme est bien de faire respecter au mieux les droits individuels? Et n'y a-t-il pas un plus grand risque pour ces droits qu'ils soient violés de manière conséquente en anarcapie qu'en minarchie? Si la réponse est oui, que la sécurité de chacun soit subventionnée de force par les autres individus importe franchement peu par rapport aux violations qui pourraient être effectives dans une anarcapie.

(Bon, je n'ai pas l'intention d'argumenter sur le sujet, ce n'est pas le propos du fil, mais ça mérite un examen un peu plus approfondi qu'une réponse rapide, non?)

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:-| Quelle était mon propos? Le but du libéralisme est bien de faire respecter au mieux les droits individuels? Et n'y a-t-il pas un plus grand risque pour ces droits qu'ils soient violés de manière conséquente en anarcapie qu'en minarchie? Si la réponse est oui, que la sécurité de chacun soit subventionnée de force par les autres individus importe franchement peu par rapport aux violations qui pourraient être effectives dans une anarcapie.

(Bon, je n'ai pas l'intention d'argumenter sur le sujet, ce n'est pas le propos du fil, mais ça mérite un examen un peu plus approfondi qu'une réponse rapide, non?)

Tu pars du principe que la sécurité serait mieux servie par un monopole de la coercition que dans une société où il n'existera pas. C'est un peu comme si tu disais que, dans un monde où la fabrication de chaussures n'appartiendrait pas à l'Etat, les pauvres circuleraient pieds nus. La sécurité n'est pas une marchandise ?

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Tu pars du principe que la sécurité serait mieux servie par un monopole de la coercition que dans une société où il n'existera pas. C'est un peu comme si tu disais que, dans un monde où la fabrication de chaussures n'appartiendrait pas à l'Etat, les pauvres circuleraient pieds nus. La sécurité n'est pas une marchandise ?

Le problème n'est pas tant l'exercice de la coercition que l'évolution du droit.

(Bon, si tu veux, on ouvre un autre fil, parce que sinon, ce n'est pas trop le topic du theard, isn't it?)

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Bref, suivant, librement, les catégories de Stephen Toulmin, je distingue donc :

Un anarchisme analytique-théorique : l'Etat est condamné par définition. Tout Etat est un Etat insupportable, tout niveau d'impôt est insupportable, impôt = vol ; "toute légilsation est une absurdité, une usurpation et un crime." L'Etat est coupable par le seul fait d'exister. Considérez l'Etat comme une horrible monstre hideux, et vous aurez la libertarian attitude. L'archange Saint Michel doit terrasser le dragon (variante rockwellienne).

L'anarchisme et donc le domaine général de la théorie politique sont des questions de définition et d'application des règles et des critères de la logique formelle. L'anarchie est la seule possibilité logique ; ses adversaires, notamment libéraux, se contredisent et ne font pas preuve de suffisamment de rigueur intellectuelle, c'est-à-dire analytique.

Un anarchisme substantiel : l'Etat représente une menace trop importante pour les libertés individuelles ; l'impôt tend à atteindre des niveaux insupportables, et les lois liberticides à se multiplier sans contrôle. Le modèle étatique, sous toutes ses formes, s'est montré incapable de préserver la liberté de façon satisfaisante, mais au contraire a été le premier à la fouler des deux pieds, et ce en dépit de toutes les stratégies mises en œuvre pour le contenir. La réforme n'est plus une option, il est temps de rechercher une alternative, supérieure ; cette alternative existe et représente un véritable espoir…

Hum hum ! Supposons que je me fie à ce genre de classement, et voyons ce que cela reviendrait à dire ( si j'ai bien compris ). Examinons les deux cas :

1) Je suis, dès le départ, anarchiste. J'ai toujours considéré qu'il me volait, que les hommes politiques passaient leurs temps à me baiser. L'Etat est un oppresseur, un tyran, il ne peut pas être bon par nature, et on voit son vrai visage lorsqu'il contrôle tout ( Corée du Nord, Cuba, et j'en passe ). Je veux m'en passer et être libre de pouvoir faire ce que je voudrais, tant que je ne nuis, par mes agissements, personne.

2) Je ne crois pas vraiment à l'anarchisme. J'ai voté Sarkozy en 2007, parce que j'en avais marre du socialisme de Chirac. Je me considère comme un réaliste qui pense que le libertarisme est une utopie juste bonne dans des bouquins. Mais voilà, plus le temps passe, et plus tout va de mal en pis. Et puis comme je voyageais dans de nombreux pays du monde, j'ai vite compris que moins l'Etat intervenait, plus les gens s'épanouissaient, progressaient, plus la nature était préservée, plus les choses s'arrangeaient, quel que soit le secteur, primaire, secondaire, tertiaire, tout ce que vous voulez ! Alors au bout de longues années, j'ai décidé qu'il fallait réduire l'Etat au maximum, et que le mieux c'était qu'il disparaisse définitivement, pour éviter qu'il ne se développe à nouveau.

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@ETI-N

Merci pour cette réponse !

Nous sommes relativement d'accord ETI-N ; il s'agit de condamner l'abus d'analytique, qui vient de l'idée que les critères analytiques sont "supérieurs" et les arguments qui ne les satisfont pas défaillants. Les anarchistes ou libertariens souhaitent faire reposer leur théorie sur la plus solide des fondations, et pour cela se tournent malheureusement vers une approche convenant plus aux mathématiques qu'à la philosophie politique.

Le "droit naturel" et les défauts que tu lui trouves peuvent être vu comme des conséquences de l'adoption de cette logique et de ces idées : en lieu et place de raisonnements sensibles et de bons arguments, on cherche à tout prix à produire des successions de propositions liées analytiquement, avec les approximations, les erreurs et les résultats absurdes que cela implique. Le "droit naturel" est évidemment profondément marqué par le soi-disant gouffre logique est-devrait être ; plutôt que de produire une véritable défense de ces droits qui nous sont chers, on s'emploie à combler un gouffre imaginaire (à coup de rhétorique s'il le faut, car ce "gouffre" ne *peut pas* être comblé). Voilà l'erreur fondamentale je crois. Et bien sûr, même les libertariens les plus radicaux n'arrivent pas toujours à ou n'osent pas toujours pousser leur logique jusqu'au bout, tant elle est peu adaptée à la diversité des situations réelles.

Par contre je ne suis toujours pas d'accord sur l'objectif oublié ; l'anarchiste formel n'a pas oublié les droits individuels, il a simplement une conception particulière de ces droits et de leur défense. Il rejette cet utilitarisme des droits (Nozick) car pour lui les droits sont des contraintes inviolables et non des objectifs à calculer et maximiser. Toute violation est inacceptable, end of story ; théoriquement, donc, l'anarchie (théoriquement bonne) est nécessaire, et l'Etat impossible. Et d'ailleurs je partage tout à fait cette conception des droits, DANS LA MESURE où il est question de violations graves de droits fondamentaux, véritables contraintes incontournables, ou presque. L'absolutisme de l'anarchiste formel lui interdit ce genre de nuance.

Bref, il y a une véritable opposition entre deux logiques ; les uns et les autres regarderont leurs arguments comme infondés parce qu'il ne partagent pas les mêmes critères. Un Hoppe trouvera faible et sous-justifié l'anarchisme d'un Friedman, et un Friedman complètement phoney les preuves absolues d'un Hoppe.

(On pourrait dire "les deux libertarianismes" mais je crois qu'on peut concéder aux anarchistes formels qu'un Rothbardien minarchiste se contredit.)

@ Freeman

Je ne vois pas tellement de différence entre tes deux points de vue, mis comme ça. Je me sentais proche de de Villiers avant d'être anar (influence parentale…).

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Tu es en avance sur tout le monde, on s'en doutait mais là, tu fais fort !

:icon_up:

Je prends le cas du type qui vote Sarkozy non pas par adhésion mais parce qu'il veut que la France bouge, mais qui en fait reste un étatiste convertit peu à peu au vrai libéralisme ( 20 ans plus tard ). Je ne parlais pas de moi !

@ Freeman

Je ne vois pas tellement de différence entre tes deux points de vue, mis comme ça. Je me sentais proche de de Villiers avant d'être anar (influence parentale…).

Je pensais juste que dans le premier exemple que tu citais, le gars en question a toujours été anar, et que dans le deuxième cas il l'est devenu parce qu'il avait fini par comprendre que l'Etat était le mal absolu.

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Hmmm oui ok, de ce point de vue là on peut dire que le second anarchiste n'a pas connu de paradigm shift ; sa façon de penser n'a pas changéééé, il en est juste venu aux conclusions anarchistes par un substantiel processus de réflexion.

Dans le cas de l'anarchiste formel (1er cas), les conclusions anarchistes s'imposent ou lui semblent s'imposer à lui directement, à cause de son cadre de pensée. S'il n'a pas toujours été anarchiste, il a du connaître cette petite révolution dans son cerveau.

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  • 4 weeks later...
Maintenant, je pense qu'il y a un élément que tu négliges par trop: la réalité de la politique. C'est un monde de carnassiers pour lesquels l'accès au pouvoir justifie n'importe quel moyen. Le gars honnête (et je dirais même: naïf) qui veut se lancer en politique se fera bouffer - inévitablement. Le système d'associations métapolitiques est une bonne chose, ceci dit, car il reste en marge du jeu politique habituel.

Par ailleurs, l'anarchiste "faible" pourrait être précisément vu comme celui qui veut se servir de l'instrument politique pour arriver à ses fins. Pour ma part, je salue ceux qui veulent se créer un parti libéral, mais qu'ils n'oublient pas ce qu'il est advenu des formations politiques de leurs prédécesseurs - non, parce qu'ils étaient méchants ou nuls, mais parce que c'est la logique même du jeu politique.

En réalité, tu caricatures la "diffusion des idées": ce n'est pas quelque chose de platonicien qui doit servir à convaincre ensuite les politiciens qu'ils sont inutiles. Si c'était le cas, ce serait en effet du dernier ridicule. Non, il s'agit de faire comprendre aux gens que les gouvernants exercent des fonctions vaines et dangereuses pour la liberté. En d'autres termes, il faut éteindre le peu de confiance que les gens ont encore dans leurs élus et leurs gouvernements. Le reste suivra ou pas.

Evidemment, comme nous le faisons déjà sur le forum, il faut expliquer à quoi ressemblera globalement une société de liberté. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, elle ne sera pas radicalement différente de la nôtre. Elle fonctionnera mieux, tout simplement.

A ce propos, ce débat sur le blog du QL :

> http://www.leblogueduql.org/2005/06/index.html#a0005255568

> http://www.leblogueduql.org/2005/06/index.html#a0005273512

> http://www.leblogueduql.org/2005/06/index.html#a0005281830

> http://www.leblogueduql.org/2005/06/index.html#a0005293435

> http://www.leblogueduql.org/2005/06/index.html#a0005293546

> Quelques remarques à propos du billet de Martin Masse :

L'expérience de Martin Masse donne raison à Ronnie sur la question de l'impact du travail de diffusion des idées : "Aujourd'hui, quand je vois tous ces jeunes (…) qui nous écrivent, j'ai l'impression qu'il y a une «génération QL» en train d'émerger. (…) Il y a sept ans, c'était le désert." Quand on voit le succès qu'a connu cette publication sur ces dernières années, mais aussi l'apparition et le succès parallèle de nombreuses autres publications, on se dit que les libertariens ne peuvent qu'être optimistes et imaginer qu'à long terme, si la progression reste constante, le monde entier se sera converti au libertarianisme. Seulement, la progression ne peut mathématiquement pas être constante, et il arrivera bien un moment où tous les libertariens potentiels se seront reconnus en tant que tels tandis que les collectivistes de tous bords camperont sur leur position. En d’autres termes : le combat semble inévitable. Et sans même forcément souhaiter prendre part dans ce combat, il faut néanmoins reconnaître que puisque la politique est telle qu’elle est et que les libertariens la combattent, les deux entreront inéluctablement en collision. D’une certaine manière, le libertarien qui refuse l’engagement politique, refuse son destin même – plus encore qu’un autre partisan dont les délégués travaillent déjà en son nom.

Par ailleurs, l’une des raisons de Martin Masse de rejeter l'engagement militant semble se fonder sur une incapacité à envisager d'autres formes de structures partisanes que ces gros partis de gouvernement qui sont véritablement des Etats dans l'Etat : "Vous pouvez passer des milliers d'heures pendant des années à militer, puis une décision du chef ou une résolution adoptée lors d'un congrès vient renverser tout ce pourquoi vous vous êtes battus." Je pensais que les libéraux qui souhaitaient s'engager pouvaient travailler à l'élaboration d'une nouvelle forme d'organisation, décentralisée par exemple (puisqu'ils prônent la décentralisation, etc.) et ainsi se démarquer par la forme même de ceux qu'ils combattent et dont ils investissent pourtant le terrain.

Martin Masse continue avec ce raisonnement : "S'impliquer dans des partis signifie qu'on croit encore que la solution viendra du politique, des politiciens, alors que CE SONT JUSTEMENT EUX LE PROBLÈME." Traduction : le libéral qui s'engage en politique devient par définition un « problème », auquel le vrai libéral (donc non-inscrit) devrait justement s'attaquer. Les anarchistes ont aussi ce problème : ils se vantent de n’avoir jamais pris le pouvoir, et donc de n’avoir jamais participé de cette mécanique antisociale ; ils se vantent d’être seulement des résistants. Seulement, si la politique est un problème, c'est précisément parce qu'elle verrouille tout : il faut donc s'attacher à transformer de nombreuses choses de l'intérieur, car de l'extérieur anars et libéraux sont tout simplement face à une forteresse imprenable.

Enfin, Martin Masse conclue sur cette sentence assez poétique : "Dans ce débat sur ce que doivent faire les libertariens pour prendre leur place, il faut toujours garder en tête une chose cruciale: nous n'avancerons pas en gagnant des votes, mais en gagnant des esprits." Sentence avec laquelle on ne peut qu'être d'accord, finalement, puisque même celui qui ne veut gagner que des votes, doit d'abord gagner les esprits pour leur soutirer un vote…

Bref, je comprends ce que dit Martin Masse, et je suis d’accord sur plusieurs points en particulier et même avec l’esprit en général. Mais j’en viens à me dire que cette déclaration participe elle-même d’une stratégie politique : cette position est tellement intransigeante, qu’on dirait presque qu’elle est sensée faire office de caution morale aux libertariens le jour où certains d’entre eux se seront fourvoyés en politique (soit en déviant de leur objectif initial, soit en profitant à leur tour du système). Un peu comme les anars qui condamnaient l’usage de la violence, alors que sans les vols et les attentats de certains de leurs paires l’anarchisme n’aurait même pas connu le faible rayonnement qu’il connaît aujourd’hui.

Je précise qu’à ce jour je n’envisage pas du tout d’adhérer à un parti libéral ou libertarien dès qu’il en existera un en France, je n’ai rien à voir avec tout ça. Mais d’un point de vue extérieur, je trouve moins hypocrites les militants de tel ou tel parti politique, que les tenants d’un quelconque lobby exerçant son pouvoir par la pression ou la corruption - réalisant par là le véritable mal que condamnent les libertariens.

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Mais j’en viens à me dire que cette déclaration participe elle-même d’une stratégie politique : cette position est tellement intransigeante, qu’on dirait presque qu’elle est sensée faire office de caution morale aux libertariens le jour où certains d’entre eux se seront fourvoyés en politique (soit en déviant de leur objectif initial, soit en profitant à leur tour du système).

Totalement d'accord.

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> Suite du débat à propos de l’engagement des libertariens sur le blog du QL : http://www.leblogueduql.org/2005/06/index.html#a0005383851

Je ne crois pas que les libertariens devraient avoir pour but de faire de la politique et de ralentir l’État, mais plutôt de s’en détacher. Rappelons-nous des mots d’Étienne de La Boétie: «…ce tyran, seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni même de s’en défendre; il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à la servitude. Il ne s’agit pas de lui rien arracher, mais seulement de ne lui rien donner.»

S’il est difficile de ne «rien» donner aujourd’hui sans risquer la prison, on peut déjà, par des moyens tout à fait légaux, en donner moins. On peut, par exemple, ne pas payer de taxes en faisant certains achats sur le Web (et en faisant livrer par UPS) ou en ayant recours au troc le plus souvent possible. On peut payer nos factures sur le Web et diminuer notre dépendance aux services de poste de l’État. On peut envoyer nos enfants dans des écoles privées ou encore mieux, faire l’école à la maison (où ils peuvent manger toutes les arachides qu’ils veulent!). Acheter des pièces d’or est une bonne façon d’économiser en dehors du radar de l’État, on peut refuser de voter, etc.

Plutôt que de s’en tenir à la « diffusion d’idée », l’auteur fait des propositions d’action concrète, en véritable rupture et même opposition avec la politique et le gouvernement.

Néanmoins, ces comportements tels que troc, SEL, etc., sont généralement présentés comme des moyens de lutte contre le capitalisme plutôt que de résistance face à l’Etat. Les libertariens devraient-ils se les approprier sous une certaine forme ?

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