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Une Inflexion Dans La « Révolution » Bush


Chitah

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Editorial extrêmement intéressant de J. Hubert Rodier

Une inflexion dans la « révolution » Bush

L'ANALYSE DE JACQUES HUBERT-RODIER

L'Amérique est en guerre. » Près de cinq ans après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis et trois ans après le début, le 20 mars 2003, de ce qui est devenu « la guerre d'Irak », le président George W. Bush introduit par cette petite phrase la nouvelle mouture du rapport sur « La stratégie pour la sécurité nationale des Etats-Unis d'Amérique » (1). Ce rapport est un passage obligé, tous les quatre ans, pour tout président américain afin de fixer ses grandes priorités en matière de sécurité et de politique internationale face aux menaces contre les Etats-Unis dans le monde. Aux yeux de Washington, la principale menace demeure toujours celle du terrorisme, celle posée par les Etats soutenant leur action et, bien entendu, la prolifération d'armes de destruction massive (ADM) en priorité nucléaire.

A première vue, le texte, présenté le 16 mars dernier, n'introduit pas de modifications stratégiques de grande ampleur par rapport au précédent de 2002, le premier en la matière de l'administration Bush. Le concept d'action « préemptive » face à une menace, qui a été développé il y a quatre ans, n'est pas abandonné même s'il a suscité chez les alliés des Etats-Unis, comme la France, nombre d'interrogations. C'est d'ailleurs au nom de la « préemption » que l'opération militaire en Irak visant à renverser le régime de Saddam Hussein a été déclenchée.

D'un point de vue purement juridique, le président américain lie directement ce concept à celui de légitime défense. Ce qui - du moins - sur le papier pourrait être conforme à l'article 51 de la Charte des Nations unies selon lequel la légitime défense, individuelle ou collective, est un « droit naturel » pour un pays attaqué. Mais, autant pour l'ONU ce droit peut s'exercer lorsqu'un pays membre est victime d'une agression armée autant pour les Etats-Unis il peut s'utiliser sur une suspicion d'une future attaque sans qu'elle soit forcément « imminente ». Le débat n'est pas que théorique. Car, dans la version 2006, l'Iran, qui était mentionné une seule fois en 2002 et encore comme victime du régime de Saddam Hussein, remplace l'Irak, comme l'ennemi numéro un des Etats-Unis largement devant la Corée du Nord. Comme en son temps contre Bagdad, le « dossier » contre Téhéran est aujourd'hui lourd avec comme principales pièces à charge les efforts apparents du régime iranien pour se hisser au rang de puissance militaire nucléaire, son parrainage de groupes terroristes, et ses menaces contre Israël. Des accusations qui sont d'ailleurs largement partagées par les pays européens. Mais toute la question réside sur le moyen utilisé pour traiter la question iranienne. Comme l'Irak par une intervention militaire ou des bombardements, ou par des moyens diplomatiques ? L'accent est nettement mis sur la deuxième option. Mais surtout, cet accent est désormais accompagné d'une touche de multilatéralisme. Les Etats-Unis confirment ainsi leur soutien aux efforts - vains jusqu'à présent - aussi bien de l'Union européenne que de la Russie pour convaincre Téhéran de lever tout doute en matière nucléaire. Car si rien ne change dans la stratégie américaine, tout est en train de changer. Discrètement, Washington donne une inflexion à sa stratégie en matière de sécurité nationale.

Certains analystes, comme Ivo Daalder, de la Brookings Institution, un « think tank » libéral de Washington, ont même vu dans la nouvelle version de la stratégie nationale des Etats-Unis du 16 mars dernier la fin de la « révolution Bush » en la matière (2). Cette « révolution » post-11 septembre 2001 a été très nettement marquée par l'engagement sur la scène mondiale - militairement en Afghanistan et en Irak - des Etats-Unis, attaqués sur leur propre sol pour la première fois dans l'histoire contemporaine. Mais autant la réponse immédiate après 2001 fut militaire, autant l'objectif ultime aujourd'hui est la propagation - et non pas simplement la promotion - de la démocratie dans le monde. Un objectif qui n'aurait pas été contradictoire avec les politiques suivies par des présidents comme Bill Clinton. Mais il y a une autre nouveauté dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Certes George W. Bush n'abandonne pas l'idée de recourir à la force. Mais il reconnaît aussi l'importance du combat idéologique. « Dans le long terme, souligne ainsi le document, la victoire sur le terrorisme signifie gagner la bataille des idées, car ce sont des idées qui peuvent pousser des personnes déçues à devenir des meurtriers tuant des victimes innocentes. »

Il est vrai que le contexte stratégique dans le monde depuis 2002 a été modifié et que les Etats-Unis sont confrontés en Irak à une situation proche d'une guerre civile entre chiites, sunnites et Kurdes. Leur champ d'action est aujourd'hui plus limité. De même, la victoire du Hamas aux élections palestiniennes - incontestable, selon The National Security Strategy - démontre les difficultés mêmes de la propagation de la démocratie au Moyen-Orient. L'Afghanistan où, proclame le document, les Afghans ont remplacé « la tyrannie par la démocratie », comme les Irakiens en Irak, est un autre exemple. La charia (la loi islamique) reste en vigueur et la conversion d'un musulman au christianisme, comme en témoigne l'affaire Abdul Rahman, est toujours punissable de la mort… Surtout entre les rapports, l'Iran a vraisemblablement gagné quatre ans pour poursuivre clandestinement son programme nucléaire alors que l'attention de la communauté internationale a été concentrée en 2002 sur l'ennemi numéro un des Etats-Unis de l'époque : l'Irak de Saddam Hussein et ses supposés programmes d'armes de destruction massive. En fixant aujourd'hui l'Iran dans la ligne de mire, il y a un risque d'écarter les autres menaces réelles à plus long terme.

La Chine fait l'objet d'un blâme voilé par l'administration américaine. Pékin est ainsi accusé d'avoir conservé ses vieilles méthodes de pensée en continuant notamment son « expansion militaire d'une façon non transparente ». Mais le gouvernement Bush ne va pas au-delà, même si aujourd'hui les rivalités sino-américaines sont en pleine exacerbation dans le monde.

JACQUES HUBERT-RODIER est éditorialiste de politique internationale aux « Echos ». Jhubertrodier@lesechos.fr

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Editorial extrêmement intéressant de J. Hubert Rodier

Je ne suis pas aussi optimiste que JHR concernant l'inflexion de la stratégie de défense US. Les néo-cons se sont cassés les dents en Irak, mais leurs idées n'ont pas vraiment changées : la défense US dépend non seulement de l'action US mais aussi de l'intervention dans les pays "les plus dangereux".

Il y a un très net problème de proportionalité entre la guerre et le terrorisme. Le même problème peut exister sur le terrain des idées.

Si, comme il est indiqué dans l'édito, les US concentrent une plus grande partie de leur action sur le terrain idéologique, j'ai peur qu'elle prenne encore une fois une forme interventioniste. La force de l'armée serait remplacée par la subversion des esprits, une nouvelle forme de propagande ?

"On ne force pas les consciences libres, on les faits grandir" ou encore, "on ne fait pas le bonheur de quelqu'un malgré lui"…

Je ne suis pas aussi optimiste que JHR concernant l'inflexion de la stratégie de défense US. Les néo-cons se sont cassés les dents en Irak, mais leurs idées n'ont pas vraiment changées : la défense US dépend non seulement de l'action US mais aussi de l'intervention dans les pays "les plus dangereux".

Il y a un très net problème de proportionalité entre la guerre et le terrorisme. Le même problème peut exister sur le terrain des idées.

Si, comme il est indiqué dans l'édito, les US concentrent une plus grande partie de leur action sur le terrain idéologique, j'ai peur qu'elle prenne encore une fois une forme interventioniste. La force de l'armée serait remplacée par la subversion des esprits, une nouvelle forme de propagande ?

"On ne force pas les consciences libres, on les faits grandir" ou encore, "on ne fait pas le bonheur de quelqu'un malgré lui"…

Et j'y pense, le débat unilatéral Vs multilatéral n'a pas grand intérêt, que chacun fasse ce qui lui paraît le mieux.

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L'inflexion consisterait-elle à bombarder bientôt l'Iran ?

http://www.newyorker.com/fact/content/articles/060417fa_fact

Résumé ici : http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&…3&art_id=279471

Les Etats-Unis envisageraient de bombarder l'Iran

AFP

Mis en ligne le 08/04/2006

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L'auteur de l'article, Seymour Hersh du New Yorker, avait notamment révélé le scandale d'Abu Ghraib.

EPA

L'administration de George W. Bush prépare une campagne de bombardement massive contre l'Iran comprenant l'utilisation de charges nucléaires pour détruire une base soupçonnée de fabriquer des armes atomiques, affirme le magazine New Yorker dans son édition datée du 17 avril.

Selon le magazine, Bush et d'autres responsables à la Maison Blanche considèrent le président iranien Mahmoud Ahmadinejad comme un Adolf Hitler potentiel.

«C'est le nom qu'ils utilisent», indique le journaliste Seymour Hersh, auteur de l'article, citant un ancien haut-responsable des services de renseignement.

Un conseiller anonyme du Pentagone affirme de son côté que «la Maison Blanche estime que la seule manière de résoudre le problème est de changer la structure du pouvoir en Iran, et cela veut dire la guerre».

L'ancien responsable des services de renseignement décrit les préparatifs comme «énormes», «fiévreux» et «opérationnels», précise Seymour Hersh.

Un ancien responsable de la défense indique que les préparatifs militaires sont fondés sur la croyance selon laquelle «des bombardements soutenus en Iran humilieront la direction religieuse et amèneront la population à se soulever et à renverser le gouvernement», note le New Yorker.

Au cours des dernières semaines, le président Bush à entamé discrètement une série de discussions sur des plans pour l'Iran avec des sénateurs et des membres de la chambre des Représentants.

L'une des options envisagées comprend l'utilisation possible d'armes nucléaires tactiques de destruction de bunkers telles que les B61-11, afin de détruire la principale unité de production nucléaire iranienne située à Natanz, ajoute le magazine.

Mais l'ancien responsable des services de renseignement affirme que l'option nucléaire a entraîné des dissensions chez les militaires et certains officiers ont parlé de démissionner après qu'une tentative de renoncer à l'option nucléaire ait échoué.

«Il existe chez les militaires de forts sentiments d'opposition à l'utilisation d'armes nucléaires contre d'autres pays», ajoute le New Yorker citant le conseiller du Pentagone.

Ce conseiller estime qu'un bombardement de l'Iran pourrait provoquer une «réaction en chaîne» d'attaques contre les intérêts et les citoyens américains dan le monde et pourrait renforcer le Hezbollah.

«Si nous le faisons la moitié sud de l'Irak s'enflammera» a dit ce conseiller au New Yorker.

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