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Sadomasochisme législatif ou stratégie pragmatique ?


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On connait tous ces manies des politiques de pondre des lois et des règlements pour tout diriger et contrôler. Parfois l'idée vient directement de leur cerveau malade sens du bien commun, parfois des citoyens en détresse appellent l'État à leur secours, etc... Dernièrement ce qui m'a surpris, c'est la capacité qu'ont certains individus à réclamer pour eux-mêmes, un nouveau carcan administratif ou législatif. Ils sont très souvent persuadés du bien fondé de l'intrusion de l'État dans leurs affaires et ne voit pas comment cela pourrait leur nuire à partir du moment où ils en sont directement les instigateurs.

 

Dans l'actualité, deux exemples ont attiré mon attention : les drones et l'e-sport.

 

Tout d'abord, en ce qui concerne les drones. Une connaissance a réussi à obtenir la certification qui lui permet d'utiliser un drone pour son travail. Vous savez certainement qu'il faut un brevet théorique d'ULM pour piloter ces petits (ou gros) machins. On peut comprendre l'intérêt puisqu'il va être question de partager une partie de l'espace aérien. Sauf qu'un ULM et un drone, ce n'est pas la même chose et qu'il est également nécessaire de disposer de compétences plus techniques. Pour faire simple, ça passe par la déclaration d'heures de vol (avec en pièces jointes les autorisations de vol).

La loi n'avait évidemment pas anticipé la démocratisation des drones et la multiplication des pilotes. On a donc adapté ce qu'on avait sous la main pour ne pas paraître trop en retard sur la réalité. Puis la décision a été prise de bâtir un nouveau cadre légal. Sauf que... l'idée ne vient pas d'un député dont le petit neveu a reçu un drone pour Noël, ou qui a vu un reportage édifiant sur TF1 ou W9. Elle ne vient pas non plus des foules de citoyens inquiets de voir roder ces OVNI au dessus de leurs rosiers ou des centrales nucléaires. Non, il semblerait que l'initiative viennent (en partie) des fabricants de drones [toujours selon ma connaissance]. Pourquoi ? Car ils imaginent que si des accidents ou des problèmes survenaient à cause de leur marchandise, la fougue régulatrice des politiques serait dramatique pour leur commerce. En prévision de ces malheurs, ils estiment que c'est un bon compromis de réclamer dès maintenant un cadre légal plus stricte (et adapté accessoirement) plutôt que d'attendre un drame.

 

Ensuite, à propos de l'e-sport. Il y avait dernièrement une conférence à Paris sur ce sujet, où des professionnels et des juristes sont venus discuter de la "révolution e-sport". Vous le savez certainement, ce n'est pas un phénomène nouveau mais pour un politicien qui ne connait pas le Bon Coin ou à quoi peut bien servir un firewall, imaginez la découverte ! Bref, figurez-vous que les pros, les joueurs et les éditeurs de jeux vidéos ont également travaillé à obtenir une jolie MàJ législatif pour encadrer leurs pratiques. Pour illustrer ça :

Une fédération française de e-sport officiellement créée.

Le sénat adopte la reconnaissance officielle de l'e-sport et des joueurs professionnels.

Et quand on discute avec les concernés, ils n'ont pas l'impression de laisser entrer le loup dans la bergerie ! Ils voient avant tout les avantages que cet interventionnisme va leur apporter (par exemple la qualification de "sport" qui débloque des sous). Le comble, c'est que les obstacles qu'ils rencontraient jusqu'à maintenant - comme les contraintes fiscales ou les aberrations administratives lorsqu'il s'agit de recruter des joueurs étrangers - étaient évidemment du fait de l'État.

 

En bref, ces gens réclament et obtiennent un cadre légal plus adapté à leur travail, en échange de quelques sacrifices qui, selon eux, paraissent bien maigres face aux bénéfices obtenus.

 

D'un côté ça m'attriste profondément mais de l'autre on m'explique que c'est un habile calcul stratégique. Plutôt que de subir le processus législatif, de le laisser entre les mains de députés ignorants, il vaut mieux s'investir dès le départ pour négocier le résultat. Par exemple, arracher un cadeau fiscal.

J'aurais aimé avoir votre avis sur ce sujet :

- Est-ce une forme de pragmatisme ? Devancer le législateur pour sauver les meubles ?

- Est-ce une solution pour adoucir les fibres dirigistes des politiques ? Peut-on vraiment s'en sortir avec des règles plus soft ?

- Est-ce un leurre ? Après tout ne s'agit-il pas simplement de lobbying ?

 

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C'est un mélange des trois à mon avis. C'est la conséquence de vivre dans un pays où il est admis que la loi micro-manage tout. Ainsi, au lieu d'avoir un contrat de travail général adaptable, il en existe des tas selon la profession. Au lieu d'avoir quelques formes générales de sociétés adaptables, il en existe des tas selon les activités etc.

Plus la déresponsabilisation totale des consommateurs au nom de leur protection.

C'est la pollution du cerveau par la notion de vide juridique et le principe de précaution.

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Je suis d'accord, ça reflète avant tout le paradigme actuel qui veut que l'État est une évidence fatalité avec laquelle il faut vivre, sans issue possible.

 

Et en terme de perspective / préconisation : est-ce que négocier avec l'État pour éviter une trop grosse dose d'arbitraire est une solution pour aller vers plus de liberté ? Ou bien cela revient tout de même à entretenir la machinerie législative et administrative ?

 

Je ne sais plus si c'est ici que j'avais lu une discussion à propos des niches fiscales. Je me pose une question équivalente à ce sujet : est-ce une bonne solution dans l'immédiat pour réduire la charge fiscale ? Même si cela ne fait que la reporter sur d'autres (l'optimisation fiscale n'est pas donnée à tous) ? Ou bien, de la même manière, créer des exceptions et des cas particuliers poussent finalement l'État à être plus intrusif dans la vie des citoyens ?

 

[Je vais saborder mon propre topic à ce train là]

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Je pense qu'appeler à légiférer est une erreur mais qu'il est possible d'éduquer les hommes politiques. Je pense que la création de cas particuliers est aussi une erreur qui ne fait qu'entretenir la machine en alimentant le corporatisme.

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Je vois en ces comportements un réflexe résultant du formatage des esprits. Le citoyen, pétrit qu'il est de dogmes républicains, a foi en cet état providence. D'où le besoin de reconnaissance et l'absolue nécessité de faire rentrer ses nouvelles activités dans un cadre légal...pour se sentir aimé et protégé par la Mère-Patrie...comme un p'tit enfant! Il y a dans ce que tu décris une immaturité manifeste!

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C'est pousse par des grosses compagnies qui ont besoin d'un matelas legal indiscutable pour payer les gens.

 

Voilà. Tant que les gens n'auront pas les bollocks de dire aux resquilleurs de Bercy d'aller gentiment se faire un milk-shake au cyanure, on en sera rendu a ce point.

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J'aurais aimé avoir votre avis sur ce sujet :

- Est-ce une forme de pragmatisme ? Devancer le législateur pour sauver les meubles ?

- Est-ce une solution pour adoucir les fibres dirigistes des politiques ? Peut-on vraiment s'en sortir avec des règles plus soft ?

- Est-ce un leurre ? Après tout ne s'agit-il pas simplement de lobbying ?

- C'est carrément aussi un réflexe pavlovien bien engrammé, à l'issue d'un matraquage permanent et omniprésent sur le rôle nécessaire de l'état. Je participe à un forum apicole, quasi chaque semaine il y a un forumeur ou plus pour demander une régulation par l'état. Il y a une croyance dans l'efficacité de la régulation qui résiste aux milliers de contre-exemples que l'état enfile tous les jours. C'est de l'ordre du religieux. Un signe de croix fait fuir le démon.

"Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas." - Proust

 

- Le fait que absolument tout et n'importe quoi fasse l'objet de lois crée aussi des tonnes d'exemples, et chacun se dit "ben mon truc doit aussi faire l'objet d'une loi". Et il y a l'aspect "reconnaissance" déjà évoqué. "Mon truc est reconnu par l'état ... c'est que c'est sérieux". Il faut cette estampille. Il y a là une émulation vicieuse qui s'est enclenchée et qui est également entretenue par le refus dual d'aller plutôt affronter le marché. Bien des gens se sentent plus à l'aise d'aller ramper dans les couloirs des préfets/députés/ministères que de tenter directement des choses ad-hoc sur le marché.

 

- Pour pas mal de dirigeants d'assoces, il y a le calcul éventuel d'obtenir un (ou +)poste dans la cabine de pilotage. (eg le revenu universel qui fait saliver plein de trouducs qui se verraient bien aux manettes).

 

C'est du lierre qui envahit l'économie insensiblement tous les jours, mais qui aujourd'hui est directement responsable d'une croissance à 0.

Le pire étant que la moindre poussée d'un bourgeon sain est aujourd'hui suivie par la mise en place immédiate de freins. C'est une compétition à la bigoterie législative. Plus grand chose n'a de possibilité de se développer.

 

La seule croissance réelle en France aujourd'hui, qui sauve encore les plus pauvres de la misère, c'est la croissance en zone grise, sous les radars de l'état. Mais c'est de la croissance de survie, ça fera jamais un franc moteur à ciel ouvert.

  • Yea 1
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C'est une constante dans toute nouvelle activité qui se développe: il s'agit d'assoir une avance concurrentielle en multipliant des obstacles législatifs que l'on a anticipé. On élimine ainsi tous les concurrents en devenir qui n'ont pas le pognon ou les compétences nécessaires.

C'est par exemple le but des "accords de branche". Il n'y a pas encore de branche mettant en coupe réglée l'activité des drones mais ça viendra.

Sinon, le nouveau cadre légal ne vient pas des constructeurs de drones mais d'un petit groupe d'activistes pilotes ayant leurs entrées dans l'administration concernée. Ils viennent de sociétés de production travaillant pour nos chaînes tv. Toujours dans le but de flinguer la concurrence.

Je constate le même phénomème dans l'impression 3D. Pour l'instant ça ne prend pas mais ça viendra, hélas.

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- Le fait que absolument tout et n'importe quoi fasse l'objet de lois crée aussi des tonnes d'exemples, et chacun se dit "ben mon truc doit aussi faire l'objet d'une loi". Et il y a l'aspect "reconnaissance" déjà évoqué. "Mon truc est reconnu par l'état ... c'est que c'est sérieux". Il faut cette estampille. Il y a là une émulation vicieuse qui s'est enclenchée et qui est également entretenue par le refus dual d'aller plutôt affronter le marché. Bien des gens se sentent plus à l'aise d'aller ramper dans les couloirs des préfets/députés/ministères que de tenter directement des choses ad-hoc sur le marché.

 

Effectivement, c'est quelque chose que j'ai entendu à propos de l'e-sport. La reconnaissance par l'État est aussi une affaire d'égo, de revanche sur les non-pratiquants qui caricaturent volontiers les joueurs, etc. Alors qu'avant l'assentiment des politiques, ces joueurs commençaient déjà à mener des carrières professionnels et à vivre de leur passion. Surtout qu'avec cet éclairage médiatique / politique, on entend déjà des petites voix critiquer la violence des jeux-vidéos, le manque d'activité physique des jeunes, les ravages des écrans, etc.

 

Un pacte avec le diable, même s'il est bien négocié reste un pacte avec le diable : il y a fort à parier qu'ils y perdront leur âme en fin de compte.

 

Donc l'idée que l'État doit constamment régenter tout et partout semble bien ancrée dans l'esprit de la majorité des français. Je reste pourtant persuadé que le libéralisme a plus à gagner par les citoyens que par les politiques : ils finiront bien par se rendre compte que l'État n'est pas une évidence.

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?

Spoiler Lorenzaccio

Dans Lorenzaccio Lorenzo assassine le duc tyran, mais sa femme se fait buter par des sbires du duc et un autre tout aussi tyran prend sa place.

Lorenzo se suicide à la fin, par chagrin pour sa femme.

Ergo le mal est désincarné, tuer la personne ne fera que vous nuire.

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Spoiler Lorenzaccio

Dans Lorenzaccio Lorenzo assassine le duc tyran, mais sa femme se fait buter par des sbires du duc et un autre tout aussi tyran prend sa place.

Lorenzo se suicide à la fin, par chagrin pour sa femme.

Ergo le mal est désincarné, tuer la personne ne fera que vous nuire.

 

Je connais l'argument de la pièce, je n'ai juste pas compris ce qu'elle venait faire là.

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- Est-ce une forme de pragmatisme ? Devancer le législateur pour sauver les meubles ?

- Est-ce une solution pour adoucir les fibres dirigistes des politiques ? Peut-on vraiment s'en sortir avec des règles plus soft ?

- Est-ce un leurre ? Après tout ne s'agit-il pas simplement de lobbying ?

 

Les questions que tu te poses font, à la suite notamment des travaux de George Stiller, l'objet d'une vaste littérature économique regroupée sous le nom de théorie de la capture : https://en.wikipedia.org/wiki/Regulatory_capture qui explique pourquoi un secteur donné est le premier intéressé à faire l'objet d'une réglementation publique. En France, Laffont et Tirole étaient des spécialistes du domaine.

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Les questions que tu te poses font, à la suite notamment des travaux de George Stiller, l'objet d'une vaste littérature économique regroupée sous le nom de théorie de la capture : https://en.wikipedia.org/wiki/Regulatory_capture qui explique pourquoi un secteur donné est le premier intéressé à faire l'objet d'une réglementation publique. En France, Laffont et Tirole étaient des spécialistes du domaine.

George Stigler.

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