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Bastiat, la valeur et le marginalisme


Gio

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Inégalité de quoi ? C'est toute la question.

Selon les Autrichiens, il y a échange lorsqu'il y a inégalité de valeur. Sauf que pour les Autrichiens, la valeur c'est l'utilité. En gros, si Pierre pense que le vase est plus utile que le chapeau qu'il possède, et que Paul pense que le chapeau est plus utile que le vase qu'il possède, il y aura échange.

 

Selon Bastiat, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. L'utilité n'entre pas en compte, si ce n'est l'utilité relative des services. Pierre désire un vase, Paul désire un chapeau. Pierre va évaluer la difficulté pour acquérir le vase, et Paul va évaluer la difficulté pour acquérir un chapeau. Si Pierre s'aperçoit qu'il peut obtenir un vase plus facilement qu'en cédant son chapeau, ou si Paul s'aperçoit qu'il peut obtenir un chapeau plus facilement qu'en cédant son vase, l'échange ne peut pas se faire. Pour que l'échange ait lieu il faut que les deux se disent : "Je ne peux pas obtenir le bien que je désire plus facilement qu'en cédant le bien que je possède.". C'est quand il y a difficulté épargné de part et d'autre, et seulement à partir de ce moment là qu'il y a échange (de service) et donc qu'il y a valeur. La valeur est le résultat du processus.

 

C'est-à-dire que chez les autrichiens la valeur est un élément du processus qui va aboutir à l'échange, tandis que pour Bastiat la valeur est le résultat du processus. Pour lui, en un sens, la valeur est l'échange, c'est-à-dire en fait le prix.

 

Selon Bastiat, on ne pourrait de toute façon pas parler d'inégalité d'utilité parce que l'utilité est intime (rapport homme-objet)  et ce qui est intime est impossible à comparer, donc à évaluer.

 

Et en effet le débat n'est pas clos, car je ne sais toujours pas si les deux théories sont compatibles, ou en quoi Bastiat a tort.

 

Ce que tu dis à du sens. Je suis d'accord que si j'ai deux moyens différents pour obtenir le même bien et qu'un moyen est moins contraignant que l'autre je le préfèrerais. Je minimise simplement mon sacrifice, mes couts, le prix. Ces trois termes recouvrant la même chose.

 

Pour Bastiat, la valeur c'est le prix, pour Mises la valeur c'est l'utilité. Bastiat à raison de dire qu'à mesure que l'on augmente la productivité, le prix du bien diminue. Cela n'est pas contradictoire avec l'idée que l'augmentation de la productivité d'un bien n'a pas d'influence sur l'utilité de celui-ci. Tous le problème de ce sujet est que l'on utilise le mot valeur pour deux choses différentes mais cela n'invalide pas l'une ou l'autre théorie.

 

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Critique de la théorie de Bastiat par Ambroise Clément dans le Dictionnaire de l'économie politique de Charles Coquelin, 1854, extrait de l'article Richesse (p.539) :
 

Frédéric Bastiat a parfaitement distingué l'utilité de la valeur ; c'est de l'utilité qu'on peut dire qu'elle est l'expression du rapport qui existe entre les besoins de de l'homme et les choses. La valeur suppose bien l'utilité, mais elle comporte encore d'autres caractères. Bastiat distingue l'utilité gratuité, celle dont nous jouissons sans travail, sans effort préalable, telle que celle de la lumière du soleil, de l'utilité onéreuse, celle qui ne nous est acquise qu'après un service accompli. Pour recueillir cette dernière utilité, nous rencontrons, entre le besoin et la satisfaction, un obstacle qu'il faut surmonter ; nous y parvenons par l'effort ou le service qui, en rendant l'utilité onéreuse, font qu'elle ne se transmet pas pour rien et donnent lieu à la valeur.
 
Il n'admet d'ailleurs pas d'autre valeur que la valeur échangeable; et il démontre fort bien que l'idée, la notion représentée par ce mot, n'a pu naître que de l'échange, et qu'elle s'est introduite dans le monde lorsque, pour la première fois, deux hommes sont tombés d'accord pour échanger leurs services ou les résultats de leurs services. 
 
Mais Bastiat a cru devoir maintenir l'application du mot richesse à l'utilité gratuite ; il distingue la richesse effective — celle qui se compose de toutes les utilités obtenues soit gratuitement, soit avec le concours de l'homme — de la richesse relative, celle qui se compose exclusivement d'utilités onéreuses ou valables. Plus les utilités gratuites se multiplient par les progrès de l'industrie, et plus les nations, ou le genre humain tout entier, possèdent de richesse effective; mais un individu, une famille, une agglomération bornée d'individus, sont d'autant plus riches relativement, qu'ils possèdent plus de valeurs, attendu que la part qu'ils peuvent obtenir par voie d'échange, dans la masse des richesses existantes, est proportionnée à la somme de ces valeurs. 
 
S'il y avait à distinguer, en économie politique, deux natures de richesses, nous admettrions plutôt la distinction faite par J.-B. Say, entre les richesses naturelles et les richesses sociales, que celle proposée par Bastiat, attendu que la première nous parait beaucoup plus nette; mais comment Bastiat, qui a si bien établi qu'il n'y avait d'autre valeur que la valeur, échangeable, a-t-il pu admettre des richesses sans valeur ? L'examen de ses motifs paraîtra sans doute digne d'intérêt, et nous espérons qu'il va nous fournir l'occasion  d'éclaircir l'un des points difficiles de l'économie politique. 
 

« La science, dit-il, se préoccupe du bien-être général des hommes, de la proportion qui existe entre leurs efforts et leurs satisfactions, proportion que modifie avantageusement la participation progressive de l'utilité gratuite à l'œuvre de la production. Elle ne peut donc pas exclure cet élément de l'idée de richesse.
 
On peut concevoir deux nations; l'une a plus de satisfactions que l'autre ; mais elle a moins de valeurs, parce que la nature l'a favorisée et qu'elle rencontre moins d'obstacles : quelle sera la plus riche? 
 
Bien plus : prenons le même peuple à deux époques. Les obstacles à vaincre sont les mêmes ; mais aujourd'hui il les surmonte avec une telle facilité, il exécute, par exemple, ses transports, ses labours, ses tissages avec si peu d'efforts, que les valeurs s'en trouvent considérablement réduites. Il a donc pu prendre un de ces deux partis : ou se contenter des mêmes satisfactions qu'autrefois, ses progrès se traduisant en loisirs, et, en ce cas, dira-t-on que sa richesse est rétrograde, parce qu'il possède moins de valeurs ? ou bien, consacrer ses efforts devenus disponibles à accroître ses jouissances, et s'avisera-t-on, parce que la somme de ses valeurs sera restée stationnaire, d'en conclure que sa richesse est restée stationnaire aussi ? C'est à quoi l'on aboutit, si l'on assimile ces deux choses ; richesse et valeur
 
L'écueil est ici bien dangereux pour l'économie politique. Doit-elle mesurer la richesse par les satisfactions réalisées, ou par les valeurs créées ? »

 
Voilà, assurément, qui est fort spécieux, et qui, si nous ne nous trompons, paraîtra sans réplique à bien des Économistes ; et, cependant, nous croyons pouvoir établir que toute cette argumentation n'est fondée que sur une notion incomplète de la valeur, sur l'oubli de quelques-uns de ses caractères essentiels. La question est importante, et nous prions que l'on veuille bien nous accorder ici quelques moments d'une attention soutenue. 
 
Est-il bien vrai que, selon les assertions de Bastiat, un peuple qui, par les progrès de son industrie, parvient à se procurer, avec moins de travail, les mêmes satisfactions qu'autrefois, réduise ainsi la somme de ses valeurs ? ou que celles-ci restent stationnaires, dans le cas où ce même peuple, continuant à travailler autant qu'autrefois, obtient plus de produits? Examinons : 
 
Comment se mesure la valeur d'un produit, d'un service, ou d'un ensemble de produits et de services? Par la quantité de tous autres objets valables qu'ils peuvent faire obtenir en échange. C'est là un axiome d'Économie politique qui n'a jamais été contesté. 
 
Supposons maintenant qu'un peuple soit parvenu, sans plus d'efforts ou de travaux humains qu'autrefois, à doubler la quantité des produits de tout genre servant à ses besoins : on dit qu'alors la valeur de ces produits, bien que leur quantité soit doublée, ne se trouve pas accrue ; mais sur quoi fonde-t-on une pareille assertion ? Comment mesure-t-on la valeur des produits avant et après le doublement ? Si on la mesure comme elle doit l'être, c'est-à-dire par la quantité de tous objets valables que chaque classe de produits peut faire obtenir en échange, on trouvera inévitablement qu'en doublant la quantité de tous les produits on a également doublé leur valeur totale, puisque chaque classe de produits pourra s'échanger contre une quantité double de toutes les autres. Mais, dit-on, cette quantité double n'aura pas plus de valeur qu'auparavant la quantité simple. Comment cela ? Et, encore une fois, sur quoi base-t-on une pareille assertion ? Puisque la valeur d'un objet ne saurait mieux se mesurer que par la quantité de tous autres objets valables qu'il peut faire obtenir en échange, n'est-il pas évident qu'une classe de produits qui, parce qu'elle aura été doublée en même temps que toutes les autres, permet d'obtenir en échange le double de celles-ci, a doublé de valeur aussi bien que de quantité ? 
 
Ce qui fait illusion, et ce qui empêche de bien saisir cette vérité, c'est, d'abord, que l'on confond la valeur et le prix, et il est bien vrai que si la quantité de la monnaie ne s'est pas accrue pendant le doublement des autres produits, le prix de ceux-ci aura pu baisser de moitié ou à peu près; mais ce qui indique déjà clairement que ce n'est pas leur valeur qui aura baissé, c'est que si l'on suppose la  quantité de monnaie doublée en même temps que celle des autres produits, on reconnaît que le prix de ces derniers, pris en masse , doit être également doublé. 
 
Ce qui empêche ensuite de concevoir et d'accepter la vérité que nous venons d'indiquer, c'est que beaucoup d'économistes continuent à supposer, avec Smith, que la valeur des produits se mesure par la quantité de travail humain employée à leur création, notion inexacte, qui a donné lieu à beaucoup d'erreurs, et qui ne permet pas à ceux qui l'admettent de reconnaître que la valeur puisse être accrue sans alimentation dans la quantité du travail. 
 
Mais ce qui apporte le plus d'obstacles à la saine appréciation de la question qui nous occupe, c'est, en premier lieu, que l'on oublie trop facilement que la valeur est une qualité essentiellement relative, qui ne peut varier dans un objet sans varier en même temps, et en sens inverse, dans tous les autres ; en sorte que si le sucre ou le blé  baissent de valeur, tous les autres produits sont nécessairement affectés en hausse relativement au blé ou au sucre, et que si le fer ou la viande haussent de valeur, tous les autres produits sont affectés de baisse relativement à la viande ou au fer ; c'est, en second lieu, qu'en considérant la valeur des produits, on confond la valeur de l'unité avec celle de la classe, et qu'après avoir observé la baisse de valeur dans l'unité, en l'applique à la classe entière, sans remarquer que cette baisse est compensée, et souvent plus que compensée par l'accroissement de la quantité. Nous allons éclaircir ce dernier point par quelques développements. 
 
On observe que l'emploi du métier à tricoter, par exemple, permet d'obtenir une paire de bas avec la moitié moins de travail ou de frais de production qu'il n'en fallait pour obtenir la même paire par le tricotage à la main ; on dit alors que la valeur des bas a baissé de moitié, et cela est vrai quant à l'unité ; mais est-il également vrai que la valeur totale de la production des bas ait été réduite de  moitié depuis l'emploi du métier ? Assurément non, et il est fort probable, au contraire, qu'elle a plus que doublé ; il en est de même de la production des livres, comparée à celle des manuscrits, de celle des fils obtenus à la mécanique , comparée à celle des fils produits par le rouet ou le fuseau, du transport opéré par le porte balle, comparé à celui effectué par la locomotive. Dans ces diverses classes de production , l'unité a considérablement baissé de valeur,  mais la classe entière représente une valeur incomparablement supérieure à ce qu'elle était avant la baisse. Depuis trois siècles, la valeur de l'unité des produits a été plus ou moins réduite, en Europe, dans beaucoup d'autres branches de production, mais il n'en est pas une seule peut-être qui, dans son ensemble, ne fournisse une somme de valeurs très supérieure à ce qu'elle était avant cette réduction. La valeur des produits, pris en masse, est donc bien loin de s'amoindrir par l'effet des progrès industriels; ce que les hommes réduisent sur la valeur de l'unité, ils le rétablissent, et fort au delà, par l'accroissement de la quantité. C'est là évidemment ce qui a échappé à Bastiat dans le passage que nous avons cité. Il croit qu'une même quantité de travail ne peut jamais produire qu'une même somme de valeurs, et que le seul résultat des progrès de l'industrie est d'accroître l'utilité gratuite; il est pourtant bien certain qu'ils accroissent en même temps l'utilité valable, car personne, assurément, ne saurait hésiter à reconnaître que les peuples les plus industrieux sont aussi les plus riches en valeurs échangeables. Bastiat était pénétré de la pensée que les valeurs iront se réduisant sans cesse par l'effet des progrès industriels : cela peut être admis pour diverses classes de produits, quant à l'unité; mais quant à la classe, ou quant à la masse des produits, l'effet de ces progrès a été, jusqu'à présent d'en accroître considérablement la valeur, et rien n'autorise à croire qu'il puisse en être autrement dans l'avenir.
 
Il n'y a donc pas ici, pour l'économie politique, l'écueil qu'a cru apercevoir Bastiat; elle peut hardiment affirmer que les richesses sont composées d'objets pourvus de valeur échangeable, et qu'elles sont proportionnées à la somme de ces valeurs, mesurée comme elle doit l'être.

 

 
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Comment se mesure la valeur d'un produit, d'un service, ou d'un ensemble de produits et de services? Par la quantité de tous autres objets valables qu'ils peuvent faire obtenir en échange

 

Ok, c'est la base du troc. Pour que cette mesure soit universelle, il suffit de calculer la quantité de monnaie qu'elle peut faire obtenir  en échange. Ambroise Clément pose valeur=prix, c'est un choix mais qu'il s'y tient.

 

Ce qui fait illusion, et ce qui empêche de bien saisir cette vérité, c'est, d'abord, que l'on confond la valeur et le prix

 

 

Ce qui est contradictoire avec ce qu'il a définit plus haut.

 

On observe que l'emploi du métier à tricoter, par exemple, permet d'obtenir une paire de bas avec la moitié moins de travail ou de frais de production qu'il n'en fallait pour obtenir la même paire par le tricotage à la main ; on dit alors que la valeur des bas a baissé de moitié, et cela est vrai quant à l'unité ; mais est-il également vrai que la valeur totale de la production des bas ait été réduite de  moitié depuis l'emploi du métier ? Assurément non.

 

 

 

C'est exactement ce que j'indiquais avec l'exemple d'internet. Le prix d'internet a diminué mais il y a fort à parier que les revenus généré par cet offre ont augmenté grâce à l'augmentation des volumes. (L'exemple n'est pas terrible car entre le 30€/mois d'il y a 10 ans pour obtenir du 128kbits et le 30€/mois aujourd'hui pour obtenir du 300Mo on n'est plus sur le même produit.)

 

Quoiqu'il en soit on ne peut pas dire que Bastiat ait tort s'il parle de la valeur d'un produit. Amboise Clément critique Bastiat en s’emmêlant les pinceaux comme nous l'avons fait faute de pouvoir définir ce que l'on entendait par valeur. 

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Que penses tu de la notion de la valeur et du prix de Condillac ?

 

1. FONDEMENT DE LA VALEUR DES CHOSES

 

(...)

 

On dit qu’une chose est utile, lorsqu’elle sert à quelques-uns de nos besoins ; et qu’elle est inutile, lorsqu’elle ne sert à aucun, ou que nous n’en pouvons rien faire. Son utilité est donc fondée sur le besoin que nous en avons.

 

D’après cette utilité, nous l’estimons plus ou moins ; c’est-à-dire, que nous jugeons qu’elle est plus ou moins propre aux usages auxquels nous voulons l’employer. Or cette estime est ce que nous appelons valeur. Dire qu’une chose vaut, c’est dire qu’elle est ou que nous l’estimons bonne à quelque usage.

 

La valeur des choses est donc fondée sur leur utilité, ou, ce qui revient au même, sur le besoin que nous en avons, ou, ce qui revient encore au même, sur l’usage que nous en pouvons faire.

 

A mesure que notre peuplade se fera de nouveaux besoins, elle apprendra à employer à ses usages des choses dont auparavant elle ne faisait rien. Elle donnera donc, dans un temps, de la valeur à des choses auxquelles, dans un autre, elle n’en donnait pas.

 

Dans l’abondance, on sent moins le besoin, parce qu’on ne craint pas de manquer. Par une raison contraire, on le sent davantage dans la rareté et dans la disette.

 

Or, puisque la valeur des choses est fondée sur le besoin, il est naturel qu’un besoin plus senti donne aux choses une plus grande valeur : et qu’un besoin moins senti leur en donne une moindre. La valeur des choses croît donc dans la rareté, et diminue dans l’abondance.

 

Elle peut même, dans l’abondance, diminuer au point de devenir nulle. Un surabondant, par exemple, sera sans valeur, toutes les fois qu’on n’en pourra faire aucun usage, puisqu’alors il sera tout à fait inutile.

 

Tel serait un surabondant en blé, si on le considérait par rapport à l’année dans laquelle il ne fait pas partie de la quantité nécessaire à la consommation. Mais si on le considère par rapport aux années suivantes, où la récolte pourrait ne pas suffire, il aura une valeur, parce qu’on juge qu’il pourra faire partie de la quantité nécessaire au besoin qu’on en aura.

 

Ce besoin est éloigné. Par cette raison, il ne donne pas à une chose la même valeur qu’un besoin présent. Celui-ci fait sentir qu’actuellement la chose est absolument nécessaire, et l’autre fait seulement juger qu’elle pourra le devenir. On se flatte qu’elle ne le deviendra pas ; et dans cette prévention, comme on est porté à ne pas prévoir le besoin, on l’est aussi à donner moins de valeur à la chose.

 

Le plus ou moins de valeur, l’utilité étant la même, serait uniquement fondé sur le degré de rareté ou d’abondance, si ce degré pouvait toujours être connu avec précision ; et alors on aurait la vraie valeur de chaque chose.

 

Mais ce degré ne saurait jamais être connu. C’est donc principalement dans l’opinion que nous en avons qu’est fondé le plus ou moins de valeur. En supposant qu’il manque un dixième du blé nécessaire à la consommation de notre peuplade, les neuf dixièmes n’auraient que la valeur de dix, si on appréciait bien la disette, et si on voyait avec certitude qu’elle n’est réellement que d’un dixième.

 

C’est ce qu’on ne fait pas. Comme on se flatte dans l’abondance, on craint dans la disette. Au lieu d’un dixième qui manque, on juge qu’il en manque deux, trois, ou davantage. On se croit au moment où le blé manquera tout à fait, et la disette d’un dixième produira la même terreur que si elle était d’un tiers ou de la moitié.

Dès qu’une fois l’opinion a exagéré la disette, il est naturel que ceux qui ont du blé songent à le conserver pour eux ; dans la crainte d’en manquer, ils en mettront en réserve plus qu’il ne leur en faut. Il arrivera donc que la disette sera réellement du tout, ou à peu près, pour une partie de la peuplade. Dans cet état des choses, il est évident que la valeur du blé croîtra à proportion que l’opinion exagérera la disette.

 

Si la valeur des choses est fondée sur leur utilité, leur plus ou moins de valeur est donc fondé, l’utilité restant la même, sur leur rareté ou sur leur abondance, ou plutôt sur l’opinion que nous avons de leur rareté ou de leur abondance.

 

Je dis l’utilité restant la même, parce qu’on sent assez qu’en les supposant également rares ou également abondantes, on leur juge plus ou moins de valeur, suivant qu’on les juge plus ou moins utiles.

 

Il y a des choses qui sont si communes, que, quoique très nécessaires, elles paraissent n’avoir point de valeur. Telle est l’eau ; elle se trouve partout, dit-on, il n’en coûte rien pour se la procurer ; et la valeur qu’elle peut obtenir par le transport n’est pas une valeur à elle, ce n’est qu’une valeur de frais de voiture.

Il serait bien étonnant qu’on payât des frais de voiture pour se procurer une chose qui ne vaudrait rien.

 

Une chose n’a pas une valeur, parce qu’elle coûte, comme on le suppose ; mais elle coûte, parce qu’elle a une valeur.

 

Je dis donc que, même sur les bords d’un fleuve, l’eau a une valeur, mais la plus petite possible, parce qu’elle y est infiniment surabondante à nos besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur ; et on l’estime en raison de l’éloignement et de la difficulté de s’en procurer. En pareil cas un voyageur altéré donnerait cent louis d’un verre d’eau, et ce verre d’eau vaudrait cent louis. Car la valeur est moins dans la chose que dans l’estime que nous en faisons, et cette estime est relative à notre besoin : elle croît et diminue comme notre besoin croît et diminue lui-même.

 

Comme on juge que les choses n’ont point de valeur quand on a supposé qu’elles ne coûtent rien, on juge qu’elles ne coûtent rien quand elles ne coûtent point d’argent. Nous avons bien de la peine à voir la lumière. Tâchons de mettre de la précision dans nos idées.

 

Quoiqu’on ne donne point d’argent pour se procurer une chose, elle coûte, si elle coûte un travail.

 

Or, qu’est-ce qu’un travail ?

 

C’est une action ou une suite d’actions, dans le dessein d’en tirer un avantage. On peut agir sans travailler : c’est le cas des gens désœuvrés qui agissent sans rien faire. Travailler, c’est donc agir pour se procurer une chose dont on a besoin. Un homme de journée, que j’occupe dans mon jardin, agit pour gagner le salaire que je lui ai promis ; et il faut remarquer que son travail commence au premier coup de bêche : car, s’il ne commençait pas au premier, on ne saurait plus dire où il commence.

 

D’après ces réflexions préliminaires, je dis que, lorsque je suis loin de la rivière, l’eau me coûte l’action de l’aller chercher ; action qui est un travail, puisqu’elle est faite pour me procurer une chose dont j’ai besoin ; et, lorsque je suis sur le bord de la rivière, l’eau me coûte l’action de me baisser pour en prendre ; action qui est un bien petit travail, j’en conviens : c’est moins que le premier coup de bêche. Mais aussi l’eau n’a-t-elle alors que la plus petite valeur possible.

 

L’eau vaut donc le travail que je fais pour me la procurer. Si je ne vais pas la chercher moi-même, je payerai le travail de celui qui me l’apportera ; elle vaut donc le salaire que je donnerai ; et par conséquent les frais de voiture sont une valeur à elle. Je lui donne moi-même cette valeur, puisque j’estime qu’elle vaut ces frais de voiture.

 

On serait bien étonné si je disais que l’air a une valeur; et cependant je dois lé dire, si je raisonne conséquemment. Mais que me coûte-t-il ? Il me coûte tout ce que je fais pour le respirer, pour en changer, pour le renouveler. J’ouvre ma fenêtre, je sors. Or chacune de ces actions est un travail, un travail bien léger, à la vérité, parce que l’air, encore plus abondant que l’eau, ne peut avoir qu’une très petite valeur.

 

J’en pourrais dire autant de la lumière, de ces rayons que le soleil répand avec tant de profusion sur la surface de la terre ; car certainement, pour les employer à tous nos usages, il nous en coûte un travail ou de l’argent.

 

Ceux que je combats regardent comme une grosse méprise de fonder la valeur sur l’utilité, et ils disent qu’une chose ne peut valoir qu’autant qu’elle a un certain degré de rareté. Un certain degré de rareté ! Voilà ce que je n’entends pas. Je conçois qu’une chose est rare, quand nous jugeons que nous n’en avons pas autant qu’il en faut pour notre usage ; qu’elle est abondante, quand nous jugeons que nous en avons autant qu’il nous en faut, et qu’elle est surabondante, quand nous jugeons que nous en avons au delà. Enfin, je conçois qu’une chose dont on ne fait rien, et dont on ne peut rien faire, n’a point de valeur, et qu’au contraire une chose a une valeur, lorsqu’elle a une utilité : et, si elle n’en avait pas une, par cela seul qu’elle est utile, elle n’en aurait pas une plus grande dans la rareté, et une moindre dans l’abondance.

 

Mais on est porté à regarder la valeur comme une qualité absolue, qui est inhérente aux choses indépendamment des jugements que nous portons, et cette notion confuse est une source de mauvais raisonnements. Il faut donc se souvenir que, quoique les choses n’aient une valeur que parce qu’elles ont des qualités qui les rendent propres à nos usages, elles n’auraient point de valeur pour nous, si nous ne jugions pas qu’elles ont en effet ces qualités. Leur valeur est donc principalement dans le jugement que nous portons de leur utilité ; et elles n’en ont plus ou moins que parce que nous les jugeons plus ou moins utiles, ou qu’avec la même utilité nous les jugeons plus rares ou plus abondantes. Je ne me suis si fort arrêté sur cette notion, que parce qu’elle servira de base à tout cet ouvrage.

 

2. FONDEMENT DU PRIX DES CHOSES

 

J’ai une surabondance de blé, et je manque de vin: vous avez au contraire une surabondance de vin, et vous manquez de blé. Le blé surabondant, qui m’est inutile, vous est donc nécessaire ; et j’aurais besoin moi-même du vin qui est surabondant et inutile pour vous. Dans cette position, nous songeons à faire un échange : je vous offre du blé pour du vin, et vous m’offrez du vin pour du blé.

 

Si mon surabondant est ce qu’il faut pour votre consommation, et que le vôtre soit ce qu’il faut pour la mienne, en échangeant l’un contre l’autre, nous ferons tous deux un échange avantageux, puisque nous cédons tous deux une chose qui nous est inutile pour une chose dont nous avons besoin. Dans ce cas, j’estime que mon blé vaut pour vous ce que votre vin vaut pour moi, et vous estimez que votre vin vaut pour moi ce que mon blé vaut pour vous.

 

Mais si mon surabondant suffit à votre consommation, et que le vôtre ne suffise pas à la mienne, je ne donnerai pas le mien tout entier pour le vôtre : car ce que je vous céderais vaudrait plus pour vous que ce que vous me céderiez ne vaudrait pour moi.

 

Je ne vous abandonnerai donc pas tout le surabondant de mon blé, j’en voudrai réserver une partie, afin de me pourvoir ailleurs de la quantité de vin que vous ne pouvez pas me céder, et dont j’ai besoin.

 

Vous, de votre côté, il faut qu’avec le surabondant de votre vin, vous puissiez vous procurer tout le blé nécessaire à votre consommation. Vous refuserez donc de m’abandonner tout ce surabondant, si le blé que je puis vous céder ne vous suffit pas.

 

Dans cette altercation, vous m’offrirez le moins de vin que vous pourrez pour beaucoup de blé ; et moi, je vous offrirai le moins de blé que je pourrai pour beaucoup de vin.

 

Cependant le besoin nous fera une nécessité de conclure ; car il vous faut du blé, et à moi il me faut du vin.

 

Alors, comme vous ne voulez ni ne pouvez me donner tout le vin dont j’ai besoin, je me résoudrai à en faire une moindre consommation ; et vous, de votre côté, vous prendrez aussi le parti de retrancher sur la consommation que vous comptiez faire en blé. Par là, nous nous rapprocherons. Je vous offrirai un peu plus de blé, vous m’offrirez un peu plus de vin, et, après plusieurs offres réciproques, nous nous accorderons. Nous conviendrons, par exemple, de nous donner en échange un tonneau de vin pour un setier de blé.

 

Lorsque nous nous faisons réciproquement des offres, nous marchandons : lorsque nous tombons d’accord, le marché est fait. Alors nous estimons qu’un setier de blé vaut pour vous ce qu’un tonneau de vin vaut pour moi.

 

Cette estime que nous faisons du blé par rapport au vin, et du vin par rapport au blé, est ce qu’on nomme prix. Ainsi votre tonneau de vin est pour moi le prix de mon setier de blé, et mon setier de blé est pour vous le prix de votre tonneau de vin.

 

Nous savons donc quelle est, par rapport à vous et à moi, la valeur du blé et du vin. parce que nous les avons estimés d’après le besoin que nous en avons ; besoin qui nous est connu. Nous savons encore qu’ils ont tous deux une valeur pour d’autres, parce que nous savons que d’autres en ont besoin. Mais, comme ce besoin peut être plus ou moins grand que nous ne pensons, nous ne pourrons juger exactement de la valeur qu’ils y attachent, que lorsqu’ils nous l’auront appris eux-mêmes. Or c’est ce qu’ils nous apprendront par les échanges qu’ils feront avec nous ou entre eux. Lorsque tous en général seront convenus de donner tant de vin pour tant de blé, alors le blé par rapport au vin, et le vin par rapport au blé, auront chacun une valeur qui sera reconnue généralement de tous. Or cette valeur relative, généralement reconnue dans les échanges, est ce qui fonde le prix des choses. Le prix n’est donc que la valeur estimée d’une chose par rapport à la valeur estimée d’une autre : estimée, dis-je, en général par tous ceux qui en font des échanges.

 

Dans les échanges, les choses n’ont donc pas un prix absolu ; elles n’ont donc qu’un prix relatif à l’estime que nous en faisons, au moment que nous concluons un marché, et elles sont réciproquement le prix les unes des autres.

 

En premier lieu, le prix des choses est relatif à l’estime que nous en faisons ; ou plutôt il n’est que l’estime que nous faisons de l’une par rapport à l’autre. Et cela n’est pas étonnant, puisque, dans l’origine, prix et estime sont des mots parfaitement synonymes, et que l’idée que le premier a d’abord signifiée est identique avec l’idée que le second exprime aujourd’hui.

 

En second lieu, elles sont réciproquement le prix les unes des autres. Mon blé est le prix de votre vin, et votre vin est le prix de mon blé, parce que le marché, conclu entre nous, est un accord par lequel nous estimons que mon blé a pour vous la même valeur que votre vin a pour moi.

 

Il ne faut pas confondre ces mots prix et valeur, et les employer toujours indifféremment l’un pour l’autre.

 

Dès que nous avons besoin d’une chose, elle a de la valeur ; elle en a par cela seul, et avant qu’il soit question de faire un échange.

 

Au contraire, ce n’est que dans nos échanges qu’elle a un prix, parce que nous ne l’estimons par comparaison à une autre qu’autant que nous avons besoin de l’échanger, et son prix, comme je l’ai dit, est l’estime que nous faisons de sa valeur, lorsque, dans l’échange, nous la comparons avec la valeur d’une autre.

 

Le prix suppose donc la valeur : c’est pourquoi on est si fort porté à confondre ces deux mots. Il est vrai qu’il y a des occasions où l’on peut les employer indifféremment l’un pour l’autre. Cependant ils expriment deux idées qu’il est nécessaire de ne pas confondre, Si nous ne voulons pas jeter de la confusion sur les développements qui nous restent à faire.

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Aparté :

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Comme tu me demandes ce que j'en pense, je préfère avant tout bien préciser que je ne suis pas économiste. Ça peut paraitre un peu prétentieux de ma part de critiquer tels ou tels économistes. Lorsque je fais une critique, je le fais en utilisant ce que je crois avoir compris d'autres économistes. Il y a donc deux biais dans mes réponses: ma compréhension du texte critiqué et ma compréhension des thèses que je viens opposer. Le meilleur moyen de limiter ces biais est donc que tu lises également des économistes autrichiens.

 

Une bonne synthèse pour commencer est ce livre :

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Voici des extraits:
 

Menger insiste d'emblée sur le fait que la valeur n'est pas inhérente aux biens, mais dépend de la relation que l'individu entretient avec eux. Le terme « valeur» a bien sûr plusieurs significations très différentes. Bohm-Bawerk distingue la valeur subjective et la valeur objective. Lorsque l'on dit que tel bien a pour «valeur» telle somme de monnaie, il s'agit d'une valeur objective qui est tout simplement le prix du bien. (le terme valeur signifie valeur subjective par la suite)

 

Selon Menger, un bien a d'autant plus de valeur pour un individu que le besoin qu'il permet de satisfaire est jugé important par cet individu. Les besoins classés par ordre de préférence par un individu sont des besoins concrets et non pas des catégories abstraites de besoins. Même si la catégorie de besoin « nourriture» est placée plus haut que la catégorie « divertissement» pour la survie biologique de l'organisme, un individu dont les besoins concrets de nourriture sont déjà correctement satisfaits peut conférer une plus grande importance à la satisfaction d'un besoin concret de divertissement qu'à la satisfaction d'un besoin concret supplémentaire de nourriture: dans cette situation, l'individu attribuera davantage de valeur à un spectacle de divertissement (par exemple) qu'à une portion supplémentaire de telle ou telle nourriture.

 

Le paradoxe de la valeur provient d'une confusion entre les concepts d'unité et de stock d'un bien. (cf : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_l%27eau_et_du_diamant) Lorsque l'on dit que « l'eau est beaucoup plus utile que le diamant et devrait donc avoir beaucoup plus de valeur », on raisonne implicitement sur la totalité du stock d'eau disponible pour l'humanité. Et il est vrai que si un individu devait choisir entre la totalité de l'eau potable disponible (stock d'eau) et la totalité des diamants disponibles (stock de diamants), il choisirait l'eau et attribuerait donc plus de valeur à celle-ci qu'au diamant. Or, en l'occurrence, les individus n'ont pas à choisir entre la totalité des stocks de ces deux biens, mais entre des unités concrètes de ces biens, comme le dit Menger, qui ne représentent que de très faibles quantités par rapport à la totalité des stocks. L'unité du stock de bien est donc l'élément de base de l'analyse de la satisfaction des besoins.

 

La notion d'unité, tout comme celles de bien et de valeur, présente une dimension subjective. Lorsque quatre clous sont nécessaires pour accrocher une affiche au mur, l'unité de bien se compose d'un ensemble de quatre clous. L'unité prise en compte par l'individu dépend de l'objectif poursuivi et donc de l'action entreprise.

 

Les notions d'unité et de stock d'un bien conduisent à la loi de l'utilité marginale. Böhm-Bawerk illustre la loi de l'utilité marginale en reprenant un exemple de Menger, celui d'un fermier isolé qui dispose après sa récolte de cinq sacs de blé. Par ordre d'importance: le 1er sac va servir à assurer son minimum de subsistance jusqu'à la prochaine récolte, le 2e à accroître la quantité de ses repas quotidiens pour le maintenir en bonne santé, le 3e sera utilisé pour nourrir des volailles qui lui donneront de la viande qui diversifiera ses repas, le 4e servira à produire par distillation des boissons alcoolisées, et le 5e à nourrir des animaux de compagnie. Les cinq sacs sont supposés identiques : ils contiennent la même quantité de blé, sans aucune différence de qualité. Comme ils sont interchangeables, chacun d'eux à pour le fermier exactement la même valeur que chacun des autres. Quelle est cette valeur ? Pour la déterminer, il faut tout simplement se demander quelle est la satisfaction à laquelle le fermier choisirait de renoncer s'il était privé de l'un d'eux. Il est clair que si l'un des sacs était détruit, il ne renoncerait pas à se nourrir. Il choisirait de renoncer à satisfaire le besoin le moins important, en l'occurrence maintenir en vie ses animaux de compagnie. L'utilité marginale de son stock de blé correspond donc à l'importance du «dernier» besoin qui serait satisfait avec une unité de son stock.

 

Von Mises va opérer une rupture définitive dans l'école autrichienne, en affirmant que les valeurs subjectives ne sont pas mesurables. Elles sont une simple échelle ou gradation qui permet de dire que ce bien est placé plus haut ou qu'il est placé plus bas que cet autre bien, mais pas « de combien» il est plus haut ou plus bas. En d'autres termes, il est impossible d'ajouter des valeurs comme on ajoute des longueurs. Dans la terminologie standard, reprise par von Mises et par Rothbard, on dit que les valeurs subjectives constituent une représentation ordinale, et non pas une mesure cardinale, des préférences entre les biens.

 

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Ceci étant rappelé, voila comment je confronterais les idées de Condillac (que je découvre par ailleurs).

 

 

 

D’après cette utilité, nous l’estimons plus ou moins ; c’est-à-dire, que nous jugeons qu’elle est plus ou moins propre aux usages auxquels nous voulons l’employer. Or cette estime est ce que nous appelons valeur. Dire qu’une chose vaut, c’est dire qu’elle est ou que nous l’estimons bonne à quelque usage.

 

Avec Condillac, nous partons donc sur le concept de valeur subjective et sur l'égalité valeur=utilité.

 

 

Si la valeur des choses est fondée sur leur utilité, leur plus ou moins de valeur est donc fondé, l’utilité restant la même, sur leur rareté ou sur leur abondance, ou plutôt sur l’opinion que nous avons de leur rareté ou de leur abondance.

 

Voila la brèche à mon sens. Il couple utilité et valeur mais il constate aussi qu'à utilité égale la valeur peut varier selon le niveau de rareté. Il est donc face à un paradoxe (paradoxe eau-diamant). Pour lever ce paradoxe on a ici deux solutions : soit on part sur le principe d'utilité marginale (voie marginaliste) soit on part sur l'égalité valeur=cout=travail=prix (voie classique )
 

 

L’eau vaut donc le travail que je fais pour me la procurer. Si je ne vais pas la chercher moi-même, je payerai le travail de celui qui me l’apportera ; elle vaut donc le salaire que je donnerai ; et par conséquent les frais de voiture sont une valeur à elle. Je lui donne moi-même cette valeur, puisque j’estime qu’elle vaut ces frais de voiture.

 

Il part donc sur le principe valeur=travail mais alors il fait face à un nouveau paradoxe : comment la valeur peut-elle être subjective et être mesurable par un salaire ? Il se doit de répondre car la subjectivité de la valeur semble être la thèse centrale de son œuvre. C'est pourquoi il ajoute la phrase "Je lui donne moi-même cette valeur, puisque j’estime qu’elle vaut ces frais de voiture." Mais s'il donne lui-même cette valeur cela signifie que la valeur n'est pas nécessairement égale au cout.

 

 

Le prix suppose donc la valeur : c’est pourquoi on est si fort porté à confondre ces deux mots. Il est vrai qu’il y a des occasions où l’on peut les employer indifféremment l’un pour l’autre. Cependant ils expriment deux idées qu’il est nécessaire de ne pas confondre, Si nous ne voulons pas jeter de la confusion sur les développements qui nous restent à faire.

 

Il confirme donc bien que le prix est différent de la valeur, l'eau ne vaut donc pas le salaire qu'il doit payer pour s'en procurer.

 

 

En fait, je pense que le seul moyen de lever le paradoxe diamant-eau tout en ayant une analyse subjective de la valeur est d'utiliser la voie marginaliste.

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Je viens de découvrir seulement maintenant une réfutation de la théorie de la valeur de Bastiat (et plus généralement de la théorie économique de Bastiat) par Léon Walras, qui, comme vous le savez, était avec Menger et Jevons l'un des premiers marginalistes.
 
C'est un extrait de son livre L'Économie politique et la justice (1860), principalement destiné à réfuter les théories économiques de Proudhon. C'est dans l'introduction intitulée Introduction à l'étude de la question sociale. (J'ai mis un "bon pour export" sur Wikisource pour ceux qui veulent lire ce chapitre en ebook ou sur liseuse...il y a des fautes de frappes.)
 

Si la valeur de la terre a son origine et sa mesure dans la valeur du travail accumulé sur elle et du capital enfoui dans son sein ou réuni sur sa surface, la terre, économiquement parlant, est fille des facultés personnelles de l’homme ; et le principe de M. Thiers consacre la propriété foncière individuelle. Mais si la terre a, par elle-même, une valeur intrinsèque de capital, elle reste en dehors du principe de propriété tel que M. Thiers l’établit.

M. Thiers et M. Proudhon, toujours inséparables, se donnant la main sur le terrain de l’économie politique comme sur celui de la morale, disent : — « La terre ne vaut que par le travail et le capital artificiel. » Mais tous les économistes, Bastiat et ses disciples exceptés, répondent avec unanimité : — « Erreur ; la terre a, par elle-même, une valeur intrinsèque de capital. »

Donc : 1° le principe du droit de propriété, tel que M. Thiers l'a donné, basé sur l’instinct, est empirique ; 2° Il est incomplet, néglige la communauté, détruit l’État ; 3° Fût-il exact en partie, en tant que principe de la propriété individuelle, il n’expliquerait et ne justifierait point la propriété foncière.

N’en parlons plus.

M. Thiers n’est pas un économiste ; et ce n’est point avec lui qu’il convient de discuter la doctrine économique sur laquelle repose sa théorie de la propriété. Toute cette doctrine est contenue dans ce principe énoncé par Frédéric Bastiat : — « Tout homme jouit gratuitement de toutes les utilités fournies ou élaborées par la nature, à la condition de prendre la peine de les recueillir ou de restituer un service équivalent à ceux qui lui rendent le service de prendre cette peine pour lui [30]. »

En langage économique, cela veut dire :— « Il n’y a de richesse sociale que la richesse produite ; » ou bien encore ; — « Le travail seul vaut et s’échange. »

C’est donc à Bastiat que je dois m’adresser. Ici, je l’avoue, je me trouve dans un certain embarras. Je suis en présence d’un homme dont les intentions furent excellentes, les convictions sincères, les efforts soutenus. Cet homme a de chauds amis et des disciples nombreux. D’autre part, sa philosophie me semble mesquine, sa science fausse ; tout me commande de le dire et de le montrer. Vais-je tenter de faire descendre cet économiste convaincu et laborieux de son piédestal pour le renverser au niveau des socialistes et des conservateurs ? Quelle tâche ingrate ! Je ne parle point des accusations de présomption et de témérité que je ne puis manquer de m’attirer : c’est un devoir facile pour moi que de braver ces légers désagréments si je crois posséder la vérité. Mais convient-il d’assimiler aux empiriques de toutes les catégories un homme qui s’est donné tant de mal pour obscurcir à ses propres yeux la lumière, qui a dépensé tant et de si douloureux efforts pour s’ériger à lui-même l’erreur en théorie raisonnée ? Honnête et malheureux Bastiat, tes idées n’ont jamais séduit qui que ce soit autant que ta candeur et ton courage me touchent ! Mais il s’agit ici de quelque chose de plus considérable que la réputation scientifique d’un homme de bien ; il s’agit des intérêts de la vérité, il s’agit de la gloire de ces harmonies providentielles que tu as pressenties et compromises ; et rien ne saurait m’empêcher de combattre ces doctrines que tu proposais à la franchise et à l’ardeur de la jeunesse française, en appelant sur elles, de tous tes vœux, un impartial examen.

Nous parlons de propriété. Où Bastiat va-t-il en chercher l’origine. Voit-il, d’une part, l’humanité tout entière avec le couronnement supérieur de chacune de ses facultés : l’amour sympathique et esthétique, la raison, la liberté ? Voit-il, d’autre part, la nature impersonnelle ? Entrevoit-il la subordination morale de l’accomplissement des destinées aveugles et fatales à l’accomplissement des destinées clairvoyantes et libres, la réalisation du progrès économique par le travail et la propriété ? Non ; Bastiat fonde la propriété, comme M. Proudhon, comme M. Thiers, sur l’intérêt personnel. Il voit, d’une part, des besoins ; il voit, d’autre part, des satisfactions ; il constate des efforts ; il reconnaît de l’utilité ; et voilà le champ stérile et borné sur lequel il nous faut édifier la théorie de la distribution des richesses.

« Si l’on donne le nom d’Utilité à tout ce qui réalise la satisfaction des besoins, il y a donc des utilités de deux sortes. Les unes nous ont été accordées gratuitement par la Providence ; les autres veulent être, pour ainsi parler, achetées par un effort.

Ainsi, l’évolution complète embrasse ou peut embrasser ces quatre idées :
 
Besoin { Utilité gratuite / Utilité onéreuse } Satisfaction [31] »

La théorie de la propriété va sortir de ce petit tableau.

« Propriété, communauté, sont deux idées corrélatives à celles d’onérosité et de gratuité d’où elles procèdent.

Ce qui est gratuit est commun, car chacun en jouit et est admis à en jouir sans conditions.

Ce qui est onéreux est approprié, parce qu’une peine à prendre est la condition de la satisfaction, comme la satisfaction est la raison de la peine prise[32]. »

Où sommes-nous ? Et quelle langue parlons-nous là ? Ai-je entre les mains l’œuvre d’un économiste, d’un savant, d’un philosophe, ou l’élucubration hâtive et superficielle de quelque médiocrité politique ? Et combien de pages me faudra-t-il pour signaler les erreurs dont fourmillent ces quelques lignes ?

Ce qui est onéreux est approprié, dit Bastiat. Certes, cela est vrai. Mais aussi ce qui est approprié est onéreux, voilà qui n’est pas moins vrai. De telle sorte qu’il serait inexact d’énoncer que l’appropriation procède de l’onérosité, ou que l’onérosité procède de l’appropriation. Ce qu’il serait exact de dire, c’est que l’appropriation et l’onérosité procèdent l’une et l’autre d’un même fait antérieur. Ce fait, que Bastiat ignore aussi complètement qu’il est possible, c’est la limitation dans la quantité des utilités, limitation qui rend du même coup les choses utiles : 1° valables et échangeables, 2° appropriables.

C’est là une première erreur. Elle est de peu d’importance à la rigueur. Mais que dire de la confusion que fait Bastiat entre l’appropriation et la propriété ? La propriété n’est point l’appropriation, c’est l’appropriation légitimée par la raison, par la justice. En confondant ces deux faits si différents, Bastiat anéantit d’un mot l’élément moral de la propriété, c’est-à-dire son élément essentiel, constitutif. En énonçant que la propriété procède de l’onérosité, il supprime le droit, foule aux pieds la personnalité, dégrade l’homme, avec M. Thiers, pour le rejeter au rang des brutes. Non, malgré M. Proudhon, malgré M. Thiers, malgré Bastiat, la propriété ne procède point de la nécessité, de l’instinct ; elle procède de la liberté.

Enfin, pense-t-on que j’aie oublié ma langue maternelle, pour venir me dire que l’utilité gratuite est le domaine de la communauté ? J’avais pensé jusqu’ici que le droit de propriété, simple dans son principe , s’exerçait sous deux modes : sous le mode de la propriété individuelle, et sous le mode de la propriété collective ou de la communauté. Je savais bien que des héritiers sont propriétaires en commun de meubles et d’immeubles avant licitation ; que des congrégations, que les hospices, que les communes, que certaines sociétés industrielles possèdent en commun des biens d’espèces diverses. Je n’ignorais point que tous les Français possèdent en commun des routes, canaux, édifices publics, etc., etc. L’on vient aujourd’hui m’apprendre que nous sommes propriétaires en communauté de l’air atmosphérique, que nous ne saurions posséder collectivement que de la richesse ainsi gratuite. Quelle ignorance profonde de la nature et du fondement du droit de propriété !

La propriété, dit Bastiat, c’est le droit de s’appliquer à soi-même ses propres efforts, ou de ne les céder que moyennant la cession en retour d’efforts équivalents [33]. — Voilà donc ce qu’est, pour Bastiat, le principe de la propriété ! Mais passons ; ce n’est point la question morale qui nous occupe ici, c’est le problème économique. Tout mutilé qu’il est, ce principe s’applique-t-il à l’ensemble de toute la richesse sociale ? Voilà ce qu’il s’agit d’éclaircir.

Selon Bastiat, — la valeur, c'est le rapport de deux services échangés [34]. L’invention de cette phrase avec celle du mot de services est, au dire des élèves de Bastiat, son plus beau titre de gloire. Reste à savoir ce que signifient le mot et la phrase.

S’il est un don que l’auteur n’ait point, c’est celui du style scientifique ; s’il est un talent qui lui manque, c’est celui d’énoncer une fois pour toutes son idée en termes suffisamment clairs et précis. Pour résumer en deux lignes quelques centaines de pages, je dirai que Bastiat nomme service l’effort fait par un individu pour la satisfaction du besoin d’un autre individu.

Maintenant je demande : — Comment s’évaluent les services dans l’échange ? Appelons le premier de nos deux individus vendeur ; appelons acheteur le second. La valeur du service, tel qu’il est défini, doit se mesurer soit sur l’effort du vendeur, soit sur le besoin de l’acheteur et sur la satisfaction de ce besoin. La valeur du service se mesure-t-elle sur l’effort du vendeur ? Nous arrivons tout simplement à cette hypothèse de l’école anglaise que la valeur se fonde sur le travail, se mesure sur les frais de production et le prix de revient. L’observation des faits contredit formellement cette hypothèse, et l’idée des économistes anglais n’est point celle de Bastiat. La valeur du service se mesure-t-elle sur le besoin de l’acheteur et sur la satisfaction de ce besoin ? Nous retombons ni plus ni moins dans la théorie de J.-B. Say qui met l’origine et la mesure de la valeur dans l’utilité ; et la réalité des phénomènes économiques s’oppose encore ici radicalement à cette conclusion que d’ailleurs Bastiat n’a point admise.

Enfin, que répond Bastiat ? — C’est que la valeur des services est proportionnelle non point à l’effort fait par le vendeur, mais à l’effort évité par l’échange à l’acheteur.

Simple question. Si nous sommes quinze cents personnes écoutant au Conservatoire, les unes moyennant 10 francs, les autres moyennant 6 francs, d’autres enfin moyennant 4 francs, la symphonie en la de Beethoven, quel est l’effort que nous évite à tous la société des concerts ? L’effort de construire nous-mêmes une salle disposée dans des conditions d’acoustique favorables comme celle du Conservatoire ? L’effort d’écrire nous-mêmes la partition de la symphonie en la ? Ou l’effort de nous l’exécuter à nous-mêmes, comme le font MM. Alard, Franchomme et autres ?

La thèse de Bastiat n’est pas soutenable. Pourtant il faudrait voir à s’entendre- Cherchons, chez l’auteur même, un exemple. Un opulent et vaniteux banquier veut faire entendre dans ses salons une grande cantatrice — « Quelles sont les limites extrêmes entre lesquelles oscillera la transaction ? Le banquier ira jusqu’au point où il préfère se priver de la satisfaction que de la payer ; la cantatrice jusqu’au point où elle préfère la rémunération offerte à n’être pas rémunérée du tout. Ce point d’équilibre déterminera la Valeur de ce service spécial, comme de tous les autres [35]. » — À merveille ! Le banquier est très-opulent et très-vaniteux : il ira jusqu’à 10,000 francs ; il aimerait mieux se priver de la satisfaction qu’il recherche que de la payer plus cher. La cantatrice est gênée d’argent : elle acceptera bien 200 francs ; mais elle préférerait n’être point payée du tout plutôt que d’être payée moins cher. La transaction va donc osciller entre un maximum de 10,000 francs et un minimum de 200 francs ? Où s’arrêtera-t-elle ? Et de quel point d’équilibre nous parle-t-on ?

Ce point ne se trouvera pas ; la transaction ne s’opérera jamais dans les seules données établies par Bastiat. Si par hasard elle s’opérait, ce serait en dehors de toutes les circonstances ordinaires de l’échange. — C’en est je pense assez pour montrer qu’avec la seule ressource de la définition donnée par Bastiat de ses services, toute détermination de valeur est impossible.

Dans cette étude, je me propose plutôt, ainsi qu’on l’a pu reconnaître, de constater les erreurs de mes adversaires que de les redresser. Dans le cas présent, je ne puis guère me dispenser de compléter ma critique en comblant les lacunes de la théorie de Bastiat : c’est presque le seul moyen d’achever de les montrer. Voici donc ce que Bastiat n’a point vu et ce qu’il n’a point raconté. Il n’y a point qu’une cantatrice : il y en a dix de la même force ; et il n’y a point qu’un seul banquier opulent et vaniteux : il y a cent autres personnes aussi vaniteuses, aussi opulentes. Cela dit, le service de l’artiste vaut 500 francs, ni plus ni moins -, parce que cette valeur est une fonction algébrique des variables qui sont : 1° le nombre des artistes, 2° le nombre des riches dilettantes. Et la transaction s’opère tout de suite au taux de 500 francs ; parce que d’une part, si la cantatrice ne veut point chanter pour ce prix, le banquier trouvera neuf autres cantatrices disposées à y consentir ; et parce que d’autre part, si le banquier refuse de donner la somme, la cantatrice trouvera quatre-vingt-dix-neuf autres personnes qui la lui donneront.

C’est tout simplement la loi de l’offre et de la demande que Bastiat a négligé de signaler, parce qu’il ne l’a jamais étudiée ni comprise. S’il n’y avait au monde qu’une seule et unique cantatrice, on la rémunérerait peut-être à raison de 20,000 francs la séance. Et s’il y avait des cantatrices en nombre indéfini, on les aurait pour rien. Dune façon générale, les services valent suivant qu’ils sont plus demandés et moins offerts, ou proportionnellement à leur rareté relative, sur le marché. Et si les services valent quelque chose, c’est que le nombre en est restreint. D’une façon plus générale encore, la valeur naît de la limitation dans la quantité des choses utiles, et elle se mesure sur leur rareté relative, c’est-à-dire sur le rapport de la demande à l’offre en fonction de l’une et de l’autre.

En possession de la loi de l’offre et de la demande, nous pouvons reconnaître combien est vide et creuse la théorie de Bastiat.

Bastiat invente le mot de services et le voilà dans l’enchantement. — « Une foule de circonstances extérieures influent sur la valeur sans être la valeur même : — Le mot service tient compte de toutes ces circonstances dans la mesure convenable [36]. » — C’est ce qu’il faut voir. Service, au dire de Bastiat, implique : 1° l’effort fait par un individu, 2° la satisfaction du besoin d’un autre individu, 3° l’effort évité par le vendeur à l’acheteur. Très-bien ; mais encore comment s’ap précient, s’évaluent les services ? Ce n’est ni par l’effort fait, ni par la satisfaction du besoin : ces deux théories du prix de revient et de l’utilité sont ruinées. Est-ce par l’effort évité ? Cette troisième théorie est simplement ridicule : quel effort m’est évité quand j’achète un tableau de Raphaël ? Encore une fois, comment se détermine la valeur des services ? — Par la libre compassion répond enfin Bastiat.

Cette quatrième théorie n’est autre que la théorie du jugement de Storch. Elle est aussi erronée que les trois premières. Pour juger, il faut avoir les bases du jugement ; pour comparer, il faut avoir les éléments de la comparaison. Quelles sont ces bases ? Quels sont ces éléments ? Ce ne peut être dans tous les cas ni l’effort fait, ni l’utilité, ni l’effort évité. Mais qu’est-ce donc ? — Toutes ces considérations réunies, s’écrie Bastiat, et discutées librement entre les deux contractants de l’échange. — Est-ce bien là votre dernière ressource ? Elle est encore insuffisante ; car : 1° le raisonnement prouve que vous n’avez que de mauvais éléments de discussion : et 2° l’expérience démontre que la valeur ne dépend point de la liberté des échangeants, mais qu’elle s’impose, la même pour tous, à leur volonté.

Si j’achète aujourd’hui sur le marché une paire de souliers, quels que soient les efforts qu’a faits le cordonnier, quel que soit le besoin que j’aie de chaussures, quelle que put être l’effort que j’aurais à faire pour me confectionner moi-même une paire de souliers, quelle que soit ma vanité mon opulence, etc., etc., je paye mes chaussures 20 francs, comme tout le monde, si les souliers valent 20 francs. Pourquoi ? Parce que la valeur des souliers résulte de la comparaison entre la somme des besoins et la somme des provisions, du rapport de la demande à l’offre, de la rareté relative ; et qu’en dehors de cette circonstance précise, indépendante de mon libre arbitre , toute détermination de la valeur est fausse ou impossible.

Bastiat a rencontré sur son chemin la théorie de la rareté ; il lui a fait un reproche et une concession. Examinons l’un et l’autre.

Le reproche consiste en ceci que les économistes qui voient dans la rareté des choses l’origine et la mesure de leur valeur subissent le joug de la matérialité. Que signifie ce barbarisme ? Au dire de l’auteur, si l’on prétend que le rapport du chiffre de la demande au chiffre de l’offre peut donner aux objets leur valeur, on se représente la valeur comme matérielle. Se plaisant alors à prêter aux économistes qui ne sont point satisfaits du rapport des services les idées les plus stupides, Bastiat ose affirmer que, dans leur opinion, les physiciens devront constater la rareté entre la pesanteur et l’impénétrabilité des corps, que les chimistes devront la retrouver par l’analyse… Je m’arrête : il est, je pense, inutile de réfuter cette métaphysique ; et je suis, je l’avoue, quelque peu honteux d’avoir à constater chez un auteur en renom de si tristes étourderies.

Quant à la concession, voici quelle elle est : — « Rareté. J’admets avec Senior que la rareté influe sur la valeur. Mais pourquoi ? Parce qu’elle rend le service d’autant plus précieux. [37] »

La rareté, telle que l’entend ici Bastiat, n’est pas la rareté scientifique, c’est la rareté que le vulgaire oppose à l’abondance, comme il oppose le froid au chaud sans connaître les limites de l’un et de l’autre, sans même vouloir accuser implicitement l’existence de limites semblables. Pour le physicien, il n’y a ni chaud ni froid, il n’y a que des températures. Aux yeux de l’économiste, la rareté vulgaire n’est qu’une moindre abondance, comme l’abondance vulgaire n’est qu’une moindre rareté. Si Bastiat eût été réellement un penseur, il ne s’en fût jamais tenu à cet aperçu sommaire. Il eût distingué scientifiquement, d’une part, l’abondance des choses utiles qui se trouvent dans le monde en quantité illimitée, et, d’autre part, la rareté des choses qui ne se trouvent dans le monde qu’en quantité limitée. Alors, en possession du sens économique du mot rareté, il fût convenu que la rareté ne rend pas seulement les choses en général et les services en particulier plus précieux, mais qu’elle les rend précieux, c’est-à-dire qu’elle leur donne leur valeur.

La concession de Bastiat est donc l’aveu de son erreur.

« L’abbé Genovesi disait, il y a cent ans, dans son cours d’économie civile, fondé pour lui à Naples par Intieri : Les seules choses qui n’aient pas de valeur sont celles qui ne satisfont pas nos besoins, ou celles qui, tout en les satisfaisant, ne manquent à personne. (Lezioni di economia civile, II partie, chap. 1er) [38]. » Le principe économique de la rarreté est tout entier dans ces mots. Ce principe a été repris par Senior ; il a été développé avec une grande rigueur philosophique en 1831 par M. Auguste Walras qui l’a victorieusement opposé à la théorie de Ricardo sur les frais de production et à celle de J.-B. Say sur l’utilité [39]. En vertu de ce principe, toutes choses utiles, naturelles ou artificielles, matérielles ou immatérielles : matière première, travail, produits, qui se trouvent autour de nous en quantité limitée sont valables et appropriables. Nos facultés personnelles sont dans ce cas ; c’est-à-dire que les efforts, les peines, les services, comme dit Bastiat, s’y trouvent. Mais la terre y est de même ; elle a de la valeur et elle est l’objet de la propriété, individuelle ou commune.

Le principe économique commun à M. Thiers et à Bastiat est donc faux qui dit que : — Tout homme jouit gratuitement de toutes les utilités fournies ou élaborées par la nature, L’homme ne jouit gratuitement des utilités fournies ou élaborées par la nature que si ces utilités sont dans le monde en quantité indéfinie. Bastiat s’est évertué à soutenir qu’en thèse absolue nous ne payons pas les dons de Dieu. Il prouve que si nous achetons de l’eau, nous ne payons point le liquide, mais le travail du porteur d’eau. Il affirme que nous ne payons point la lumière du jour, la chaleur du soleil. Tout cela est incontestable. Mais il en conclut que nous ne saurions acheter la terre et que nous ne pouvons payer que les services des hommes qui l’ont défrichée, ensemencée, etc., etc. En cela il se trompe grossièrement, faute d’attention. La terre est utile comme l’eau, comme l’air respirable, comme la lumière et la chaleur solaires ; elle est limitée dans sa quantité comme le travail des facultés personnelles. Elle est possédée ; elle se vend et s’achète. Si donc la théorie de la propriété de M. Thiers et de Bastiat, ne justifie point la propriété foncière, c’est que cette théorie est mauvaise, insuffisante ou fausse.

Frédéric Bastiat est mort : je puis me permettre de porter sur son œuvre et sur lui un jugement général dont je me suis abstenu à l’égard des vivants. Il fut un homme de bonne volonté ; mais il eut le malheur de faire de la science sans génie scientifique. Il était de ces hommes dominés par une sensibilité trop vive qui ont dans l’esprit deux catégories d’idées : les unes qu’ils abandonnent à la discussion et qu’ils ne craignent point d’examiner librement eux-mêmes, les autres auxquelles ils se sont pris par la foi et qu’ils ne songent point à éprouver. La science est une jalouse maîtresse qui ne souffre point de tels partages.

Bastiat avait d’avance donné son intelligence en même temps que son cœur à quelques convictions arrêtées et définies touchant la société, touchant la famille, touchant la propriété. Sa religion et sa philosophie ne lui interdisaient point formellement de les mettre en doute et de les scruter : ce fut son génie borné qui le lui défendit ; le coup de balai de Descartes était au-dessus de ses forces. Au lieu de refaire la théorie de la propriété pour la théorie de la valeur, il voulut refaire la théorie de la valeur pour la théorie de la propriété. Il fit de la science de parti pris en vue d’une morale de sentiment.

Quand on exécute un pareil travail dans un intérêt de fortune ou d’amour-propre, on mérite les plus cruelles, les plus impitoyables rigueurs de la critique. Bastiat fut sincère, et paya sa tentative de sa santé et de sa vie. Paix donc à sa mémoire ! Mais pourtant qu’il soit permis de regretter pour lui, qu’il ait dépensé tant d’efforts à poursuivre une besogne aride et funeste. Qu’il soit permis surtout de regretter pour la science qu’il l’ait entravée, et qu’en rompant la grande tradition économique, il ait peut-être retardé l’avènement de la science sociale [40].

Je ne me dissimule point qu’un jugement aussi sévère porté sur la valeur et le rôle scientifiques de l’auteur des Harmonies économiques pourra froisser quelques personnes. J’aurai du moins la satisfaction de penser que je n’ai rien négligé pour motiver mon arrêt. Maintenant l’on doit avouer que, si le principe de la rareté est le principe fondamental de la théorie de la valeur d’échange ou de l’économie politique, la tendance de Bastiat et de ses disciples n’est qu’une dissidence dans l’école économiste. C’est ce qu’il était, je crois, très-important d’établir nettement à l’heure qu’il est.


[30] Harmonies économiques. Propriété, Communauté.
[31] Harmonies Économiques, Besoins, Efforts, Satisfactions.
[32] Idem. Propriété, Communauté.
[33] Harmonies économiques, Propriété, Communauté.
[34] Harmonies économiques, De la Valeur.
[35] Harmonies économiques, De la Valeur.
[36] Harmonies économiques, De la Valeur.
[37] Harmonies économiques, De la Valeur.
[38] Joseph Garnier, Éléments de l’Économie politique, 3e édit. p. 58.
[39] M. Auguste Walras, De la nature de la Richesse et de l’origine de la Valeur.
[40] Il convient de dire qu’à un autre point de vue que celui de la constitution de la science sociale, Bastiat est digne de sérieux éloges. Il fut un pamphlétaire brillant au service du libre-échange. Ce n’est pas tout encore : la grâce de son esprit et les charmes littéraires de son style ont singulièrement contribué a populariser l’économie politique.


Qu'en pensez-vous ?

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seigneur que c'est verbeux.

 

il devait aimer s'écouter

 

 

 

Simple question. Si nous sommes quinze cents personnes écoutant au Conservatoire, les unes moyennant 10 francs, les autres moyennant 6 francs, d’autres enfin moyennant 4 francs, la symphonie en la de Beethoven, quel est l’effort que nous évite à tous la société des concerts ? L’effort de construire nous-mêmes une salle disposée dans des conditions d’acoustique favorables comme celle du Conservatoire ? L’effort d’écrire nous-mêmes la partition de la symphonie en la ? Ou l’effort de nous l’exécuter à nous-mêmes, comme le font MM. Alard, Franchomme et autres ?

 

Il n'y a littéralement aucune réfutation. Il dit juste "non, ça le fait pas lol".
Sauf que si. C'est exactement ça.

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Walras a raison quand il dit que Bastiat à tort. Il a tort quand il confond prix et valeur.

Bon, il doit se monter un peu le bourrichon avec son "économie vraiment scientifique parce que je fais des maths" mais il a raison.

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J'ai l'impression d'avoir lu un livre entier.

Je rejoins Noname pour dire que c'est verbeux. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'argument, ça veut dire que le blabla autour est au pire décourageant au mieux inutile.

C'est d'ailleurs sacrément pertinent, même si son sentiment de supériorité "scientifique" rend quelques passages insupportables.

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Tu sais que mêmes les autrichiens ne reprennent pas cette théorie...

 

je ne dis pas qu'il n'a pas raison, je dis qu'il n'y a carrément pas de d'argument.

 

Il dit "ce n'est pas soutenable".

En vertu de quoi ? Pffrt.

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Il me semble que le problème de la théorie de Bastiat c'est qu'elle semble ne rien expliquer, et par conséquent serait inutile. Elle ne permet pas de comprendre la formation des prix effectifs par exemple. Une théorie économique de la valeur qui ne correspond en rien à ce qui se passe au niveau opérationnel peut-elle avoir un sens ? N'est-elle pas une vue de l'esprit ? On peut légitimement s'interroger sur le statut scientifique d'une théorie qui n'explique rien. C'est d'ailleurs exactement la même chose pour la valeur-travail, et c'est aussi pour ça qu'elle est devenue désuète.
Si la théorie de l'utilité marginale s'est imposée, c'est bien parce qu'elle permettait d'expliquer des phénomènes réels qu'on observe.
 

Walras a raison quand il dit que Bastiat à tort. Il a tort quand il confond prix et valeur.

Walras ne semble pas reprocher à Bastiat de confondre le prix et la valeur.
 

Bon, il doit se monter un peu le bourrichon avec son "économie vraiment scientifique parce que je fais des maths" mais il a raison.

Il n'invoque jamais les mathématiques dans son argumentaire, et il est improbable que ce soit le reproche qu'il fasse à Bastiat, vu qu'il dit que d'autres économistes avaient l'esprit scientifique, sans pour autant que ceux-ci usassent des mathématiques. Il fut un des premiers à le faire, et il ne dit point du tout qu'aucun de ses prédécesseurs avaient l'esprit scientifique. Au contraire.

Ceci dit, Walras a en effet un côté scientiste.
 

Je rejoins Noname pour dire que c'est verbeux. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'argument, ça veut dire que le blabla autour est au pire décourageant au mieux inutile.

Oui m'enfin d'une certaine manière, Bastiat aussi est verbeux et blablate beaucoup. On pourrait aussi l'assécher à 75%.
Mais il y a le verbeux chiant, genre qui embrouille, et le verbeux agréable, qui clarifie. Je ne trouve pas qu'ici le style de Walras soit désagréable ou fumeux.

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En très résumé : Bastiat ne tient pas compte / ne comprend pas la loi de l'offre et de la demande (d'après laquelle la valeur existe par la rareté relative de choses utiles), qui explique beaucoup plus exactement les phénomènes qu'il prétend expliquer avec sa théorie de la valeur-service, cette dernière présupposant que c'est uniquement le travail qu'on vend et qu'on achète, ce qui est contraire aux faits d'observation.

Par conséquent, il se fourvoie notamment en disant, à l'encontre de presque tous les autres économistes, qu'il n'y a pas de rente de la terre. (Les autres économistes avaient raisons sur ce point, même quand c'était illogique dans leur système de valeur travail.)

Sinon, il dit que ça l'emmerde de critiquer un type qui était d'aussi bonne volonté, un type qui a autant d'adeptes, qui était un brillant libre-échangiste, qui a contribué à populariser l'économie, mais qui n'avait pas l'esprit beaucoup plus scientifique que Thiers ou Proudhon.

  • Yea 1
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Il me semble que le problème de la théorie de Bastiat c'est qu'elle semble ne rien expliquer, et par conséquent serait inutile. Elle ne permet pas de comprendre la formation des prix effectifs par exemple. Une théorie économique de la valeur qui ne correspond en rien à ce qui se passe au niveau opérationnel peut-elle avoir un sens ? N'est-elle pas une vue de l'esprit ? On peut légitimement s'interroger sur le statut scientifique d'une théorie qui n'explique rien. C'est d'ailleurs exactement la même chose pour la valeur-travail, et c'est aussi pour ça qu'elle est devenue désuète.

Si la théorie de l'utilité marginale s'est imposée, c'est bien parce qu'elle permettait d'expliquer des phénomènes réels qu'on observe.

Expliquer ou prédire ?

 

(c'était la minute épistémologique)

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Dans ce cas on ne doit pas avoir la même définition d'une explication, parce que pour moi une théorie explique forcément quelque chose.

Par exemple la théorie de la valeur-travail explique au minimum que c'est le travail qui crée la valeur. On peut la critiquer parce qu'elle ne permet pas d'expliquer autant de choses que d'autres théories concurrentes mais ce n'est pas vraiment la meilleure métrique possible, parce que dans ce cas la meilleure théorie (celle qui explique le plus de choses) est "c'est Dieu qui en a décidé ainsi".

Une meilleure mesure consiste à regarder quels phénomènes une théorie peut prédire et avec quelle précision.

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Dans ce cas on ne doit pas avoir la même définition d'une explication, parce que pour moi une théorie explique forcément quelque chose.

Par exemple la théorie de la valeur-travail explique au minimum que c'est le travail qui crée la valeur. On peut la critiquer parce qu'elle ne permet pas d'expliquer autant de choses que d'autres théories concurrentes mais ce n'est pas vraiment la meilleure métrique possible, parce que dans ce cas la meilleure théorie (celle qui explique le plus de choses) est "c'est Dieu qui en a décidé ainsi".

Une meilleure mesure consiste à regarder quels phénomènes une théorie peut prédire et avec quelle précision.

J'emploie le mot "expliquer" dans le sens : Permet de comprendre des phénomènes réels de la façon la plus exacte et la plus satisfaisante (coïncidant avec la réalité) possible.

Ainsi, placé à un certain niveau, tel phénomène physique se comprendra de façon beaucoup plus exacte et satisfaisante par des analyses physiques que par la volonté d'un dieu. En soi, il y a un tas de phénomènes physiques que la théorie déiste ne permet nullement d'expliquer, mais que la théorie physique, elle, expliquera certainement très bien.

A d'autres niveau (métaphysique) ce sera un peu différent, car les théories concurrente à Dieu seront aussi relativement incertaines, mais c'est un autre sujet...

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Quand un phénomène implique des décisions humaines, et que ce phénomène est passé tu peux très bien avoir une théorie qui explique ce phénomène passé ou en cours sans que celle-ci permette nécessairement de faire des prédictions. Pourquoi ? Parce que quand le phénomène est passé, les décisions humaines ont été prises, les actions humaines ont été faites on peut en prendre connaissance dans une certaine mesure. (Si ce n'est les décisions elles-mêmes, les résultats de ces décisions.) En revanche, on ne peut pas nécessairement connaître à l'avance les décisions humaines futures. Du moins toutes les théories explicatives en sciences humaines n'ont pas nécessairement cette prétention. Ainsi, il n'y a pas d'identité nécessaire entre une théorie qui explique un phénomène et une théorie qui peut faire des prédiction. Du moins lorsque des décisions humaines sont impliquées. Ou alors la prédiction sera purement conditionnelle. (On prédit à la condition que les être humains prennent telle décision, laquelle est imprévisible.)

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C'est le débat sur la condition "toutes choses égales par ailleurs". Dans la mesure où on peut contrôler l'environnement et donc remplir cette condition, on peut faire modéliser un phénomène de manière atemporelle (si A alors B peu importe quand), et donc faire des prédictions sur le futur (si on provoque A, alors il se passera B ).

Forcément en sciences humaines il faut se placer à un niveau de généralité très élevé pour s'abstraire ainsi de l'histoire et les prédictions qui en ressortent risquent de ne pas être bien spécifiques ou utiles. Ce qui n'empêche pas de les chercher. Quelles sont les conséquences en pratique de la théorie de la valeur-travail ou de la valeur-service, et en quoi ces conséquences sont-elles ou pas réalisées ?

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et les prédictions qui en ressortent risquent de ne pas être bien spécifiques ou utiles.

Ah oui tu veux dire qu'on peut faire des prédictions de choses qu'y n'arriveront peut-être jamais. (En disant seulement : "si toutes les conditions sont réunies à nouveau".)

Dans ce sens là d'accord, mais je ne vois même pas l'utilité et l'intérêt de parler de prédiction. Disons que c'est un peu hors-sujet, ici ce qui nous intéresse c'est uniquement le caractère explicatif.

 

Quelles sont les conséquences en pratique de la théorie de la valeur-travail ou de la valeur-service, et en quoi ces conséquences sont-elles ou pas réalisées ?

Déjà, ces théories ne correspondent pas à la façon dont les entreprises calculent les prix. Une théorie de la valeur qui n'a pas le moindre rapport avec les prix n'a pas de sens, le concept de valeur en déconnexion totale avec les prix est une vue de l'esprit, jusqu'à ce qu'on puisse montrer une valeur "en soi", distincte totalement d'un prix.

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Quelles sont les conséquences en pratique de la théorie de la valeur-travail ou de la valeur-service, et en quoi ces conséquences sont-elles ou pas réalisées ?

Dans la théorie de la valeur de Bastiat par exemple, un terrain complètement en friche (= sans travail « incorporé ») devrait s’échanger pour rien.

  • Yea 1
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Ah oui tu veux dire qu'on peut faire des prédictions de choses qu'y n'arriveront peut-être jamais. (En disant seulement : "si toutes les conditions sont réunies à nouveau".)

Dans ce sens là d'accord, mais je ne vois même pas l'utilité et l'intérêt de parler de prédiction. Disons que c'est un peu hors-sujet, ici ce qui nous intéresse c'est uniquement le caractère explicatif.

Je veux dire qu'on peut faire des prédictions du genre "dans une économie planifiée il y aura des pénuries". Ces prédictions sont liées au modèle et donc à la manière d'expliquer le phénomène (par exemple pour Hayek les prix fixés par le gouvernement ne permettent pas une aussi bonne circulation de l'information que ceux qui émergent du marché libre).

Toute théorie est par nature un modèle et donc une explication d'un phénomène, et les meilleures théories sont celles qui font les meilleures prédictions.

Sur Bastiat il faudrait que je relise les passages en question parce que je dois avouer que ça fait un bail et je ne suis pas une flèche en économie. Je vous proposais juste un petit interlude épistémologique.

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