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alors si c'est tel que ça c'est un peu con.

Globalement je n'aime pas du tout ce genre d'auteur qui remet en cause les approches rationalistes du monde et le "péché d'orgueil" de la connaissance en tant que tel, parce que ça me paraît mille fois plus présomptueux encore d'avoir une telle mentalité.

l'idée de dire "la raison est fausse, ou trompeuse, en tout cas le rationalisme est une option limitée ou mauvais" me pose toujours ce problème: comment en est-tu arrivé à cette conclusion ? par la raison. en quoi donc son raisonnement vaut il mieux que le mien.

 

j'ai souvent l'impression que ce genre de raisonnement se mord la queue. ne serait-ce que parce que tenir ce discours implique nécessairement d'une part d'utiliser la raison, d'autre part de croire suffisamment en sa propre représentation de la chose pour la considérer comme vraie.

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c'est pas grave :)

 

pour reprendre ce que disait drone, donc à partir du moment où on a une considération sur le monde avec:

- un monde pas parfait

- la volonté de l'améliorer pour se rapprocher de cette perfection

- un degré suffisant de confiance dans sa propre interprétation du monde

 

on tombe dans le gnosticisme ?

Non, le gnosticisme est un ensemble de courants mystiques et les analogies avec la confiance moderne dans le progrès me semble pour le moins tirées par les cheveux.

Pour le coup, le gnosticisme est assez honnêtement présenté dans L'Amour et l'Occident de Denis de Rougemont, lorsqu'il parle des cathares notamment. Sinon l'article wiki sur le sujet est bien aussi.

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alors si c'est tel que ça c'est un peu con.

Globalement je n'aime pas du tout ce genre d'auteur qui remet en cause les approches rationalistes du monde et le "péché d'orgueil" de la connaissance en tant que tel, parce que ça me paraît mille fois plus présomptueux encore d'avoir une telle mentalité.

l'idée de dire "la raison est fausse, ou trompeuse, en tout cas le rationalisme est une option limitée ou mauvais" me pose toujours ce problème: comment en est-tu arrivé à cette conclusion ? par la raison. en quoi donc son raisonnement vaut il mieux que le mien.

 

j'ai souvent l'impression que ce genre de raisonnement se mord la queue. ne serait-ce que parce que tenir ce discours implique nécessairement d'une part d'utiliser la raison, d'autre part de croire suffisamment en sa propre représentation de la chose pour la considérer comme vraie.

 

Je te rassures, ce n'est pas ce que dit Voegelin. ;) L'immanentisation de l'eschaton, c'est une critique de l'historicisme, en particulier celui du marxisme. Un peu dans la même veine que K Lowith

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Je n'aime pas du tout ce genre d'auteur qui remet en cause les approches rationalistes du monde et le "péché d'orgueil" de la connaissance en tant que tel

Idem. Le plus souvent, ce sont de gros frustrés qui n'ont pas aimés que la team Galilée démolisse leur univers harmonieux avec la terre bien immobile et les planètes tournant autour.

 

L'idée de dire "la raison est fausse, ou trompeuse, en tout cas le rationalisme est une option limitée ou mauvais" me pose toujours ce problème: comment en est-tu arrivé à cette conclusion ? par la raison.

C'est pas tout à fait vrai, il y a aussi des attaques contre le rationalisme qui relèvent de la déraison pure. On ne peut pas mettre sur le même plan l'anti-rationalisme militant d'un de Maistre ou d'un Sorel ou de la Révolution Conservatrice allemande ; et les tentatives philosophiques de fixer les limites de la Raison (Kant, Bergson). Même si je n'aime guère ces dernières non plus.

Par antirationalisme militant, j'entends ce genre de discours:

"Dès que l'homme a reconnu sa nullité, il a fait un grand pas."

-Joseph de Maistre, Considérations sur la France.

« L’homme pour se conduire n’a pas besoin de problèmes, mais de croyances. Son berceau doit être environné de dogmes ; et, lorsque sa raison se réveille, il faut qu’il trouve ses opinions faites, du moins sur tout ce qui a rapport à sa conduite. Il n’y a rien de si important pour lui que les préjugés. […] Or ces sortes d’opinions sont le plus grands besoin de l’homme, les véritables éléments de son bonheur, et le Palladium des empires. Sans elles, il ne peut y avoir ni culte, ni morale, ni gouvernement. Il faut qu’il y ait une religion d’Etat comme une politique de l’Etat ; ou plutôt, il faut que les dogmes religieux et politiques mêlés et confondus forment ensemble une raison universelle ou nationale assez forte pour réprimer les aberrations de la raison individuelle qui est, de sa nature, l’ennemi mortelle de toute association quelconque, parce qu’elle ne produit que des opinions divergentes. »

-Joseph de Maistre, Des origines de la souveraineté.

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alors si c'est tel que ça c'est un peu con.

Globalement je n'aime pas du tout ce genre d'auteur qui remet en cause les approches rationalistes du monde et le "péché d'orgueil" de la connaissance en tant que tel, parce que ça me paraît mille fois plus présomptueux encore d'avoir une telle mentalité.

l'idée de dire "la raison est fausse, ou trompeuse, en tout cas le rationalisme est une option limitée ou mauvais" me pose toujours ce problème: comment en est-tu arrivé à cette conclusion ? par la raison. en quoi donc son raisonnement vaut il mieux que le mien.

 

j'ai souvent l'impression que ce genre de raisonnement se mord la queue. ne serait-ce que parce que tenir ce discours implique nécessairement d'une part d'utiliser la raison, d'autre part de croire suffisamment en sa propre représentation de la chose pour la considérer comme vraie.

 

Je n'ai pas lu Voegelin donc je ne m'avancerai pas plus sur lui. Néanmoins le point-de-vue que tu présentes est caricatural, les auteurs qui critiquent le "péché d'orgueil" de la connaissance ne s'attaquent pas tous à la raison en tant que telle (ce qui serait ridicule) mais à cette tendance moderne qui consiste à croire que l'on peut appréhender, comprendre le monde dans toute sa globalité, sa finalité et chercher à le modifier en conséquent pour apporter le Paradis sur Terre, c'est ce que Rincevent nomme la "raison raisonnante".

Ex : les hégéliens et les marxistes qui, à travers leurs analyses, croient voir un sens et une fin de l'histoire.

 

Edit : il ne s'agit pas non plus de dire que le monde est parfait pour autant je précise.

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Les hégéliens et les marxistes qui, à travers leurs analyses, croient voir un sens et une fin de l'histoire...

...n'ont fait que boire au calice empoissonné (d'où le fait que ça ne se limite pas aux hégéliano-marxistes):

"La philosophie de l’histoire de l’idéalisme allemand comme l’idée de progrès des Lumières n’étaient rien d’autre qu’une sécularisation de la théologie de l’histoire et de l’eschatologie chrétiennes".

-Giorgio Agamben, Le Règne et la Gloire. Pour une généalogie théologique de l'économie et du gouvernement, 2007, p. 22.

 

« La destinée du genre humain considérée dans son ensemble est une ascension continue. »

-Emmanuel Kant.

« Toutes les situations qui se sont succédées dans l'histoire ne sont que des étapes transitoires dans le développement sans fin de la société humaine progressant de l'inférieur vers le supérieur. »

-Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, 1888.

"La conception linéaire de l'histoire apparaît dans l'espace-temps européen avec le judéo-christianisme. Elle pose le devenir historique comme une ligne reliant un état anté-historique (paradis originel, jardin d'Eden) à un état post-historique (instauration du règne de Dieu sur terre). La structure de ce schéma a été maintes fois décrite.

Autrefois, l'homme vivait en parfaite harmonie avec le Créateur. Mais un jour, il commit une faute (le péché originel héréditaire) ; il fut alors expulsé du paradis et entra dans l'histoire - dans cette "vallée de larmes", où il est obligé de "gagner son pain à la sueur de son front". Cependant, grâce à la Bonne Nouvelle que constitue la venue du Messie (Jésus dans le système chrétien) sur terre, il peut désormais faire le "bon choix" et assurer son salut (individuel) pour l'éternité. À la fin des temps, après l'Armageddon final, les bons et les méchants seront définitivement séparés les uns des autres. L'état post-historique restituera l'état antéhistorique, et ce sera la fin de l'histoire : l'histoire se refermera, se résorbera, comme une parenthèse.

Structuralement parlant, ce schéma, ramené sur terre par substitution de l'en-deçà à l'au-delà, se retrouve exactement dans la théorie marxiste : autrefois, l'homme vivait heureux dans le communisme originel. Mais un jour, il commit une faute. Ce fut la division du travail, qui entraîna la propriété privée, l'appropriation des moyens de production, la domination de l'homme par l'homme, la naissance des classes. L'homme entra dans l'histoire - une histoire caractérisée par le conflit, les rapports d'autorité, etc., et dont la "lutte des classes" constitue le moteur essentiel. Cependant, à un certain moment du devenir historique, la classe la plus exploitée prend conscience de sa condition et, dès lors, s'institue en Messie collectif de l'humanité.

L'homme peut désormais faire le "bon choix" et œuvrer à l'aboutissement plus rapide de la lutte entreprise. À la fin des temps, après la "lutte finale", les bons et les méchants seront définitivement séparés les uns des autres. La société sans classes restituera - l'abondance en plus - les conditions heureuses du communisme originel. Les institutions dépériront, l'État deviendra inutile. Ce sera la fin de l'histoire."

-Alain de Benoist, Nouvelle École, n°33, 1979.

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La querelle de la sécularisation a traversé tout le 20e siècle, et si le problème théologico-politique se résumait à la transmission mécanique du religieux au séculier, l'affaire serait assez simple. Schmitt, Barth, Benjamin, Lowith, Strauss, Arendt, Buber,et of course Blumenberg entre autres se sont pressé le citron sur le sujet et ama reprendre la thèse paresseuse qui veut que la Modernité soit une sorte de version allégée du monde de la théologie ne tient pas debout (en tout cas, ce n'est pas démontrable) que ce soit pour en dire du bien (comme Carl Schmitt) ou du mal.

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Je te rassures, ce n'est pas ce que dit Voegelin. ;) L'immanentisation de l'eschaton, c'est une critique de l'historicisme, en particulier celui du marxisme. Un peu dans la même veine que K Lowith

Je n'ai pas lu Voegelin donc je ne m'avancerai pas plus sur lui. Néanmoins le point-de-vue que tu présentes est caricatural, les auteurs qui critiquent le "péché d'orgueil" de la connaissance ne s'attaquent pas tous à la raison en tant que telle (ce qui serait ridicule) mais à cette tendance moderne qui consiste à croire que l'on peut appréhender, comprendre le monde dans toute sa globalité, sa finalité et chercher à le modifier en conséquent pour apporter le Paradis sur Terre, c'est ce que Rincevent nomme la "raison raisonnante".

Ex : les hégéliens et les marxistes qui, à travers leurs analyses, croient voir un sens et une fin de l'histoire.

 

Edit : il ne s'agit pas non plus de dire que le monde est parfait pour autant je précise.

 

Ok je comprends mieux l'idée sous-jacente (mon exemple était caricatural à dessein parce que je voulais exprimer de manière explicite le raisonnement que je percevais derrière, je me doute bien que c'est plus subtil que ça -sinon, j'aurais du mal à croire que des philosophes de haut niveau et internationalement reconnus puissent se faire mettre en boite par ma propre personne avec un contre-agrument aussi évident et téléphoné-)

 

Néanmoins du coup, est-ce qu'il s'agit d'une critique de la raison ou plutôt de ses abus ?

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Idem. Le plus souvent, ce sont de gros frustrés qui n'ont pas aimés que la team Galilée démolisse leur univers harmonieux avec la terre bien immobile et les planètes tournant autour.

 

Ça va te faire drôle quand tu vas découvrir la philosophie réaliste d'un Gilson, d'un Maritain ou d'un De Corte, qui osent penser à la fois que la science de la team Galilée est bonne, que l'univers est harmonieux, et que le rationalisme (philosophique), avec la métaphysique qu'il draine, c'est aussi mauvais que dangereux.  :)

 

 

J’approuve le "ben voyons".

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Ok je comprends mieux l'idée sous-jacente (mon exemple était caricatural à dessein parce que je voulais exprimer de manière explicite le raisonnement que je percevais derrière, je me doute bien que c'est plus subtil que ça -sinon, j'aurais du mal à croire que des philosophes de haut niveau et internationalement reconnus puissent se faire mettre en boite par ma propre personne avec un contre-agrument aussi évident et téléphoné-)

Néanmoins du coup, est-ce qu'il s'agit d'une critique de la raison ou plutôt de ses abus ?

Les auteurs auxquels je pensais (Hayek, Oakeshott, du moins ce que j'en ai lu et peut-être est-ce un peu HS par rapport au sujet initial) critiquent ses abus oui.

 

Ça va te faire drôle quand tu vas découvrir la philosophie réaliste d'un Gilson, d'un Maritain ou d'un De Corte, qui osent penser à la fois que la science de la team Galilée est bonne, que l'univers est harmonieux, et que le rationalisme (philosophique), avec la métaphysique qu'il draine, c'est aussi mauvais que dangereux. :)

J’approuve le "ben voyons".

Welcome back ! :)

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Ça va te faire drôle quand tu vas découvrir la philosophie réaliste d'un Gilson, d'un Maritain ou d'un De Corte, qui osent penser à la fois que la science de la team Galilée est bonne, que l'univers est harmonieux, et que le rationalisme (philosophique), avec la métaphysique qu'il draine, c'est aussi mauvais que dangereux.  :)

 

 

J’approuve le "ben voyons".

Te revoilà :) ?

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Sur le gnosticisme, qu'on me permette de citer l'Uversalis, elle-même citée par Lancelot, lui-même cité par votre serviteur :

Le gnosticisme imagine un Ouvrier du Monde qui raisonne pour fabriquer son ouvrage. Si l'on constate ensuite que le produit fabriqué par cet Ouvrier n'est pas conforme à la raison, on est obligé de supposer que ce Démiurge est ou mauvais ou borné. Pour Plotin, le monde sensible procède nécessairement, immédiatement et sans raisonnement, du monde intelligible ; toutes choses naissent d'elles-mêmes sous la lumière du Bien, leur imperfection est liée seulement à leur éloignement progressif de la simplicité originelle ; le monde sensible est donc, dans sa beauté comme dans son imperfection, la suite normale du monde spirituel. Pour le gnostique, au contraire, il résulte de l'intervention dramatique et tragique d'une volonté mauvaise ou ignorante.

 

j'ai souvent l'impression que ce genre de raisonnement se mord la queue. ne serait-ce que parce que tenir ce discours implique nécessairement d'une part d'utiliser la raison, d'autre part de croire suffisamment en sa propre représentation de la chose pour la considérer comme vraie.

Randien, va. ;)

Pas vraiment, juste un passage. :)

En tout cas, c'est à chaque fois un plaisir et un honneur. ;)
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Je te rassures, ce n'est pas ce que dit Voegelin. ;) L'immanentisation de l'eschaton, c'est une critique de l'historicisme, en particulier celui du marxisme. Un peu dans la même veine que K Lowith

 

D'une certaine manière, il y a quand même un bouleversement pas vraiment difficile à observer qui s'opère entre l'ancienne manière de concevoir le philosophico-politique (Voegelin dirait qu'elle est la restauration d'un Ordre de symbolisation) et celle qu'on connaît en gros depuis le XVIIIe siècle (qui s'est généralisée) : une volonté de changer le monde pour le faire approcher de la perfection. Je soupçonne le philosophe d'avoir un regret envers l'ordre des anciens. Mais ce qu'il vante c'est surtout une union de la philosophie et du christianisme comme le seul bastion de la transcendance, pour éviter d'incarner de force une Cité de Dieu dans la Cité de l'homme. Il se rapproche beaucoup de Saint-Augustin en ce sens, qui est d'ailleurs cité en frontispice du premier volume de Order & History d'ailleurs, sans compter son opposition systématique aux hérésies de toutes sortes. Par contre, je ne sais pas si c'est l'eschatologie Marxiste qui est la plus critiquée (même si le cas du marxisme est sans doute le plus évident à remarquer) dans sa Nouvelle Science du politique. Hegel l'est bien plus à mon goût, là où Marx n'est qu'une conséquence maladroite, Hegel a exalté et le Christianisme, la philosophie, et en même temps la mort de Dieu (qui se contentera de s'accomplir dans l'histoire) ce que Voegelin ne saurait lui pardonner (d'ailleurs c'est frappant, comme, sous cet angle, Hegel est dans le droit sillage de Hobbes). Pourtant, àmha, il existe des similitudes évidentes entre ces deux voies.

 

Là où je rejoins cette réponse, c'est que Voegelin est un philosophe de la tension existentielle vers la vérité et de "l'entre-deux de l'humain et du divin", et certainement pas un doctrinaire. Je pense qu'il verrait une très nette différence entre faire de l'humanitaire et tenter de mettre fin à toute société de classe eu égard au sens de l'histoire.

 

Idem. Le plus souvent, ce sont de gros frustrés qui n'ont pas aimés que la team Galilée démolisse leur univers harmonieux avec la terre bien immobile et les planètes tournant autour.

 

C'est pas tout à fait vrai, il y a aussi des attaques contre le rationalisme qui relèvent de la déraison pure. On ne peut pas mettre sur le même plan l'anti-rationalisme militant d'un de Maistre ou d'un Sorel ou de la Révolution Conservatrice allemande ; et les tentatives philosophiques de fixer les limites de la Raison (Kant, Bergson). Même si je n'aime guère ces dernières non plus.

Par antirationalisme militant, j'entends ce genre de discours:

"Dès que l'homme a reconnu sa nullité, il a fait un grand pas."

-Joseph de Maistre, Considérations sur la France.

« L’homme pour se conduire n’a pas besoin de problèmes, mais de croyances. Son berceau doit être environné de dogmes ; et, lorsque sa raison se réveille, il faut qu’il trouve ses opinions faites, du moins sur tout ce qui a rapport à sa conduite. Il n’y a rien de si important pour lui que les préjugés. […] Or ces sortes d’opinions sont le plus grands besoin de l’homme, les véritables éléments de son bonheur, et le Palladium des empires. Sans elles, il ne peut y avoir ni culte, ni morale, ni gouvernement. Il faut qu’il y ait une religion d’Etat comme une politique de l’Etat ; ou plutôt, il faut que les dogmes religieux et politiques mêlés et confondus forment ensemble une raison universelle ou nationale assez forte pour réprimer les aberrations de la raison individuelle qui est, de sa nature, l’ennemi mortelle de toute association quelconque, parce qu’elle ne produit que des opinions divergentes. »

-Joseph de Maistre, Des origines de la souveraineté.

 

Plusieurs remarques ; on peut considérer que le cosmos est harmonieux malgré l'essor des sciences expérimentales, et on peut même refuser de faire la distinction courante entre science et philosophie, tout en acceptant largement les vérités que nous a enseigné la première, séparée de l'autre. Je ne suis pas très compétent en philosophie des sciences, mais

 

Ensuite, je pense qu'on peut largement accorder à Maistre la même critique que Strauss a fait à Burke : se contenter des lois de l'histoire, accepter nombre de prémisses du relativisme, et refuser toute quête des universaux. En fait, la manière dont les conservateurs contre révolutionnaires ont abusés du relativisme pour justifier le régime qui semblait s'effacer au profit du progrès est assez étonnante. Chez Maistre, je trouve que le défaut est accentué parce qu'il adopte plus de défaut encore que Burke. Il est véritablement idéologue avec tous les défauts que cela implique, et on peut très clairement observer chez lui cette "immanentisation de l'eschaton", dont nous parlions plus haut, dans sa manière de se servir de l'histoire : son eschatologie de la révolution française est authentiquement catholique, et en même temps refuse la transcendance du Dieu des Chrétiens, d'ailleurs, àmha, son attaque du protestantisme et de l'évangile sans Eglise est ridicule, et montre bien la faiblesse de son argumentation qui ne se sauve - littéralement - que par l'intervention d'un Deus Ex Machina, dont il conviendrait de connaître le plan.

 

La querelle de la sécularisation a traversé tout le 20e siècle, et si le problème théologico-politique se résumait à la transmission mécanique du religieux au séculier, l'affaire serait assez simple. Schmitt, Barth, Benjamin, Lowith, Strauss, Arendt, Buber,et of course Blumenberg entre autres se sont pressé le citron sur le sujet et ama reprendre la thèse paresseuse qui veut que la Modernité soit une sorte de version allégée du monde de la théologie ne tient pas debout (en tout cas, ce n'est pas démontrable) que ce soit pour en dire du bien (comme Carl Schmitt) ou du mal.

 

Je suis plus ou moins d'accord, en tout cas dire que toute la modernité, dans tous ses effets, résulterait entièrement d'une théologie chrétienne sécularisée me parait pour le moins absurde et réducteur comme, en fait, la plupart des thèses sur ses origines et des fondements, mais d'un autre côté ce n'est pas vraiment une grille de lecture entièrement inadaptée. En tout cas, pas dans la compréhension des structures idéologiques et étatiques : il y a vraiment une volonté de voir naître le paradis sur Terre - et tenter de déclencher son incarnation - qui a pris son essor dans la philosophie occidentale, qui n'existait pas vraiment avant, ni de tendance à s'imaginer au sommet de son passé. En fait c'est un immense problème qui exigerait de ma part beaucoup plus de connaissances en philosophie de l'histoire - et en histoire des religions - que ce dont je dispose en l'état actuel des choses.

 

A part ça, je n'ai pas lu Blumenberg (seulement de très courts extraits) mais il me semble que son aspiration consisterait plutôt à dépasser cette querelle.

 

Ok je comprends mieux l'idée sous-jacente (mon exemple était caricatural à dessein parce que je voulais exprimer de manière explicite le raisonnement que je percevais derrière, je me doute bien que c'est plus subtil que ça -sinon, j'aurais du mal à croire que des philosophes de haut niveau et internationalement reconnus puissent se faire mettre en boite par ma propre personne avec un contre-agrument aussi évident et téléphoné-)

 

Néanmoins du coup, est-ce qu'il s'agit d'une critique de la raison ou plutôt de ses abus ?

 

Je ne trouve aucune critique de la raison chez Voegelin, sûrement parce qu'en tant que telle elle est raison, et donc un juste milieu (et je suis tout à fait d'accord avec ça). Il appelle par ailleurs plus ou moins explicitement à son secours face aux errements actuels, sans que ce soit une des thématiques principales de sa pensée. Il préférera employer les termes relatifs au nous c'est à dire à l'intelligence. Par contre, c'est vrai que cette même raison n'est pas tout à fait la même que celle que les cartésiens puis les scientistes glorifient. :)

C'est plutôt le mode d'application de la raison (mais je préfère le terme de connaissance) au réel, perçu comme étant essentiellement dysharmonique, qui sera le plus à même d'être critiqué par le philosophe.

 

Pour Hayek et Oakeshott, la critique s'adresse en gros au rationalisme appliqué en politique, dans la direction d'une société humaine. Il y a des similitudes, mais je ne sais pas si tous ces auteurs figurent bien sur le même plan et aient tout à fait les mêmes préoccupations.

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D'une certaine manière, il y a quand même un bouleversement pas vraiment difficile à observer qui s'opère entre l'ancienne manière de concevoir le philosophico-politique (Voegelin dirait qu'elle est la restauration d'un Ordre de symbolisation) et celle qu'on connaît en gros depuis le XVIIIe siècle (qui s'est généralisée) : une volonté de changer le monde pour le faire approcher de la perfection. Je soupçonne le philosophe d'avoir un regret envers l'ordre des anciens. Mais ce qu'il vante c'est surtout une union de la philosophie et du christianisme comme le seul bastion de la transcendance, pour éviter d'incarner de force une Cité de Dieu dans la Cité de l'homme. Il se rapproche beaucoup de Saint-Augustin en ce sens, qui est d'ailleurs cité en frontispice du premier volume de Order & History d'ailleurs, sans compter son opposition systématique aux hérésies de toutes sortes. Par contre, je ne sais pas si c'est l'eschatologie Marxiste qui est la plus critiquée (même si le cas du marxisme est sans doute le plus évident à remarquer) dans sa Nouvelle Science du politique. Hegel l'est bien plus à mon goût, là où Marx n'est qu'une conséquence maladroite, Hegel a exalté et le Christianisme, la philosophie, et en même temps la mort de Dieu (qui se contentera de s'accomplir dans l'histoire) ce que Voegelin ne saurait lui pardonner (d'ailleurs c'est frappant, comme, sous cet angle, Hegel est dans le droit sillage de Hobbes). Pourtant, àmha, il existe des similitudes évidentes entre ces deux voies.

 

Là où je rejoins cette réponse, c'est que Voegelin est un philosophe de la tension existentielle vers la vérité et de "l'entre-deux de l'humain et du divin", et certainement pas un doctrinaire. Je pense qu'il verrait une très nette différence entre faire de l'humanitaire et tenter de mettre fin à toute société de classe eu égard au sens de l'histoire.

 

 

Plusieurs remarques ; on peut considérer que le cosmos est harmonieux malgré l'essor des sciences expérimentales, et on peut même refuser de faire la distinction courante entre science et philosophie, tout en acceptant largement les vérités que nous a enseigné la première, séparée de l'autre. Je ne suis pas très compétent en philosophie des sciences, mais

 

Ensuite, je pense qu'on peut largement accorder à Maistre la même critique que Strauss a fait à Burke : se contenter des lois de l'histoire, accepter nombre de prémisses du relativisme, et refuser toute quête des universaux. En fait, la manière dont les conservateurs contre révolutionnaires ont abusés du relativisme pour justifier le régime qui semblait s'effacer au profit du progrès est assez étonnante. Chez Maistre, je trouve que le défaut est accentué parce qu'il adopte plus de défaut encore que Burke. Il est véritablement idéologue avec tous les défauts que cela implique, et on peut très clairement observer chez lui cette "immanentisation de l'eschaton", dont nous parlions plus haut, dans sa manière de se servir de l'histoire : son eschatologie de la révolution française est authentiquement catholique, et en même temps refuse la transcendance du Dieu des Chrétiens, d'ailleurs, àmha, son attaque du protestantisme et de l'évangile sans Eglise est ridicule, et montre bien la faiblesse de son argumentation qui ne se sauve - littéralement - que par l'intervention d'un Deus Ex Machina, dont il conviendrait de connaître le plan.

 

 

Je suis plus ou moins d'accord, en tout cas dire que toute la modernité, dans tous ses effets, résulterait entièrement d'une théologie chrétienne sécularisée me parait pour le moins absurde et réducteur comme, en fait, la plupart des thèses sur ses origines et des fondements, mais d'un autre côté ce n'est pas vraiment une grille de lecture entièrement inadaptée. En tout cas, pas dans la compréhension des structures idéologiques et étatiques : il y a vraiment une volonté de voir naître le paradis sur Terre - et tenter de déclencher son incarnation - qui a pris son essor dans la philosophie occidentale, qui n'existait pas vraiment avant, ni de tendance à s'imaginer au sommet de son passé. En fait c'est un immense problème qui exigerait de ma part beaucoup plus de connaissances en philosophie de l'histoire - et en histoire des religions - que ce dont je dispose en l'état actuel des choses.

 

A part ça, je n'ai pas lu Blumenberg (seulement de très courts extraits) mais il me semble que son aspiration consisterait plutôt à dépasser cette querelle.

 

 

Je ne trouve aucune critique de la raison chez Voegelin, sûrement parce qu'en tant que telle elle est raison, et donc un juste milieu (et je suis tout à fait d'accord avec ça). Il appelle par ailleurs plus ou moins explicitement à son secours face aux errements actuels, sans que ce soit une des thématiques principales de sa pensée. Il préférera employer les termes relatifs au nous c'est à dire à l'intelligence. Par contre, c'est vrai que cette même raison n'est pas tout à fait la même que celle que les cartésiens puis les scientistes glorifient. :)

C'est plutôt le mode d'application de la raison (mais je préfère le terme de connaissance) au réel, perçu comme étant essentiellement dysharmonique, qui sera le plus à même d'être critiqué par le philosophe.

 

Pour Hayek et Oakeshott, la critique s'adresse en gros au rationalisme appliqué en politique, dans la direction d'une société humaine. Il y a des similitudes, mais je ne sais pas si tous ces auteurs figurent bien sur le même plan et aient tout à fait les mêmes préoccupations.

 

 

Ce que Voegelin, comme par exemple un Strauss, critique, ce n'est pas le rationalisme au nom de "l'ordre des anciens", mais l'incapacité du rationalisme moderne à comprendre celui classique et à apporter des solutions à sa crise contemporaine car incapable de se projeter en dehors de lui-même. C'est de là qu'apparaît la nécessité de repenser la science politique en revenant à sa tension première, son origine contingente dans la cité et son aspiration à l(éternité (ou en termes kantiens à la transcendance). Pour Voegelin, on fait de la phénoménologie des représentations, pour Strauss, on revient au naturalisme de la tradition philosophie socrato-platonicienne.

 

Les tentatives de ressusciter le rationalisme classique (Aristote) est aussi tentative de décentrement : il s'agit d'observer de loin comment le monde moderne s'est constitué et d'expliquer ce qui a merdé, éventuellement en refondant ses bases, dans le projet moderne. Car il n'aura échappé à personne que le rationalisme moderne est mort quand même quelque part au milieu du XXe siècle, après une grosse crise au 19e : pour Strauss, la philosophie moderne est une succession d'échecs que la génération précédente à chercher à colmater en vain jusqu'à la crise finale de la raison elle-même. Pour Voegelin, restaurer la science politique classique, ce n'est pas revenir à l'histoire des animaux ou à la phlogistique : son but est aussi de sortir du positivisme ambiant des sciences sociales de l'époque (et de son pendant naturel, l'historicisme, que ses versions soient hégélienne classique ou marxiste).

 

Blumenberg répond à Schmitt de manière cristal clear, et son dépassement le situe au sein du débat sur la sécularisation : la Modernité a sa propre légitimité et n'a pas besoin de se référer à une quelconque théologie politique pour être intelligible. Par exemple, qu'est ce qui permet d'affirmer que le but de ma modernité (ou du moins de ceux désignés comme gnostiques) est d'accomplir le paradis sur terre plutôt que de s'en détourner pour jouir des biens d'ici bas ? Comment trancher entre les deux options ? Et pourquoi vouloir saisir la Modernité à travers la religion seule ? Et si ça en effaçait la spécificité ? Le nazisme, c'est une religion séculière ou au contraire un épiphénomène de la sortie de la religion, de cet entre deux entre foi sans religion et massification sans perspective religieuse ?

 

Bon après le big problem de la sécularisation, on peut éventuellement évoquer le big problem de la raison et de la rationalité, et de ses sens variés chez les classiques, les modernes, les scolastiques et sur liborg :D

 

Hayek est influencé par Oakeshott (dont il a suivi les cours), mais Oakeshott lui-même n'aborde pas le projet moderne comme les autres auteurs, et se situe plus du côté de Hegel et des idéalistes anglais (Bradley) (on le sent quand même influencé par les partisans de la sécularisation du christianisme : cf politics of faith) : du coup sa critique est plus "communautarienne" : le rationalisme en politique est un style de politique qui apparaît dans des circonstances historiques particulières, qui prétend à l'universalité par l'abstraction sans vraiment l'atteindre, et repose sur une conception désenchassée de la nature humaine qui est tout bonnement fausse.

 

Enfin, tout ça, se sont de bonnes lectures. C'est bien. Je viens du coup de remettre le nez dans la nouvelle science du politique (je crois que ça fait bien 10ans que je ne l'avais pas ouvert).

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Pour quelqu'un qui a des connaissances philosophiques somme toute plutôt sommaires, et en dehors de son Histoire de la philosophie politique (qui attend dans ma bibliothèque), existe-t-il un livre de Strauss recommandé pour découvrir sa pensée ?

(Une réponse telle que : mieux vaut d'abord potasser les philosophes classiques avant de s'attaquer à lui me convient aussi).

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J'avais entendu parler de Voeglin la première fois quand j'ai lu un échange de lettres entre lui et Strauss au sujet de Popper et de sa "Société ouverte". A la base, j'avais trouvé le livre de Popper très dense et très bien argumenté, et je l'avais beaucoup aimé. Mais là, Strauss et Voegelin le descendaient d'une force, mais sans donner de véritables contre-arguments. Ça se limitait à "c'est un amateur, il a rien compris". C'était limite "on va même pas répondre à ce torchon".

Pour ceux qui connaissent ces auteurs, vous pensez que Popper a survolé le sujet ou ne le maitrise pas ? Je sais que Strauss a une lecture particulière Platon (ça justifie l'attaque), qu'en est il de Voegelin ? D'où ma question à Drone...

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Sur le gnosticisme, qu'on me permette de citer l'Uversalis, elle-même citée par Lancelot, lui-même cité par votre serviteur

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Sinon je ne trouve pas que le monde moderne ait tant merdé que ça. Je veux dire, bien entendu il y aura toujours des trucs qui merdent, mais la médecine moderne par exemple c'est cool. Le capitalisme à échelle mondiale c'est cool.

  • Yea 1
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Si le progrès moral n'existe pas, la modernité ne peut-elle pas se définir comme une adaptation de pulsions ancestrales à un nouveau contexte technique ? Une discussion que je serai ravi de ne pas avoir.

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